mardi 8 septembre 2015

[Chronique] Iron Maiden - The Book Of Souls

On se gausse souvent du fait que Metallica n'ait pas sorti un bon disque depuis plus de vingt-cinq ans, mais Iron Maiden jouit d'une certaine complaisance alors qu'il est dans la même situation, peut-être que les anglais ont une image plus "sympa" dans les médias, je n'en sais rien, mais ils semblent passer entre les gouttes malgré des albums au mieux moyens, au pire complètement médiocres et indignes.
Iron Maiden a traversé les années 90 comme un fantôme, dans le genre groupe de vieux has-been à la ramasse à l'époque, il n'y avait pas pire, il faut dire que c'est la décennie où les anglais nous ont sorti leurs pires albums, les plus dégueulasses de leur discographie, No Prayer for the Dying, Fear of the Dark avec un Dickinson démotivé déjà sur le départ, et bien entendu le massacre Virtual XI avec Bayley au chant, chose bizarre, c'est aussi à cette époque que Maiden nous a pondu son seul disque intéressant hors albums typés 80's avec The X Factor, le seul moment depuis vingt-cinq ans où Harris et ses sbires ont tenté de faire les choses différemment, le seul disque aussi où ils ont à peu près réussi à emmener leur Heavy traditionnel à la frontière du progressif.
Et puis il y a eu le retour de Dickinson (et d'Adrian Smith aussi) pour un Brave New World en 2000, sympa mais pas terrible, pour ce qui est le moins mauvais des albums du groupe post-réunion, car la suite fut un enchaînement de disques de merde, le tas de fumier britannique culminant avec le dégueulasse The Final Frontier, et l'on ne sera pas surpris à l'écoute de The Book of Souls de réaliser que les anglais ont réussi à faire encore pire, les légendes sont bien fatiguées...

L'argument de vente principal de The Book of Souls, c'est d'être un double album comprenant la chanson la plus longue jamais composée par le groupe, euh... super.
Déjà que Maiden n'a jamais réussi à pondre un disque de plus de cinquante minutes qui tiennent la route, alors imaginez le désastre avec un double album d'une heure et demi, il faut croire que les anglais ne comprendront jamais qu'ils ne seront jamais un groupe de progressif, et qu'étirer un morceau simpliste sur une durée de plus de dix minutes n'en fera jamais un morceau de progressif, non les mecs, ça donnera juste un titre fleuve ultra répétitif qui tournera à vide passées cinq minutes, mais Iron Maiden va une nouvelle fois se forcer à être "innovant" alors qu'il se contente de diluer sa formule classique au sein de morceaux bien trop longs pour ses capacités.

Finalement Iron Maiden depuis dix ans fait à chaque fois le même album et à chaque fois c'est moins bien, toujours plus long, toujours plus "progressif" (je suis obligé de mettre des guillemets, puisque ça ne l'est pas), avec une production toujours aussi bizarre, raw dont le but est de donner à la galette un certain sentiment d'urgence, et à ce rythme là, si Iron Maiden continue à sortir des albums, il sonnera un jour comme un groupe de Garage Rock faisant des reprises d'Iron Maiden, d'ailleurs cet album donne l'impression d'être celui d'un groupe de reprises qui s'essaierait à sortir un album avec ses propres compositions, en gavant tout ça de références aux vieux albums de ses idoles, The Book of Souls est un pastiche, à la limite de l'auto-parodie.

Le chant de Dickinson est toujours surmixé, la basse omniprésente, la batterie est la moins imaginative et la plus plate de l'univers, les riffs sont dans le fond et les guitares n'apparaissent clairement que pour les leads, rappelons quand même que le groupe a trois guitaristes, mais ce nombre ne trompe personne, ça ne s'entend pas sur album, Dave Murray étant à la ramasse, Janick Gers étant seulement "le gars qui fait des conneries avec sa guitare sur scène à tel point que t'es quasiment sûr qu'elle est pas branchée pendant une bonne partie du concert", le seul vrai guitariste de Maiden, c'est Adrian Smith, et il ne va rien proposer de bien passionnant pendant les 90 minutes de cette purge auditive, à part le business as usual en mode rien à foutre.

On va commencer par la fin et donc le fameux Empire of the Clouds, c'est une daube décrite comme un chef d'oeuvre par le groupe alors qu'il tente juste de nous refaire le coup de Rime of the ancient Mariner en environ quinze mille fois moins bien, ampoulé, pompeux, décousu, bordélique, on passe du coq à l'âne dans le plus grand des calmes sans qu'aucune idée directrice ne se dégage de ce merdier, il manque de tout sur ce titre, de puissance et de prog, rien n'est au point, on se retrouve avec un gros bordel de dix-huit minutes surchargé d'orchestrations risibles et de piano larmoyant, où même Dickinson, qui a écrit ce truc vu qu'il sait jouer du piano, se galère avec des passages bien trop haut perchés pour sa voix actuellement, d'ailleurs en parlant de Bruce, le survivant du cancer/pilote d'avion s'en sert globalement bien sur ce disque, ce n'est plus le grand Bruce flamboyant, mais il fait ce qu'il peut et il est encore à peu près en forme, pas la grande forme, mais sa prestation est entre le correct et le passable, on aura pas mieux à cet âge là.

Ce ne sera pas le seul moment minable du disque, tous les morceaux longs seront globalement daubés à mort, avec un groupe qui va se galérer comme jamais à tenir la distance, l'éponyme The book of Souls est une catastrophe improbable pompeuse et mollassonne ne développant aucune émotion particulière, The Red and The black va quant à lui donner l'impression que le groupe a pioché des passages entiers de morceaux des années 80 pour ré-assembler tout ça à l'arrache, avec en bonus les Hohohoho d'usage bien cliché parce que.... bon, bah faut bien un truc pour que le public puisse chanter facilement en concert hein, le titre dure quand même treize minutes, alors que le groupe n'aura rien de mieux à proposer comme structure "progressive" qu'un patchwork bancal de leads aux changements de directions tellement abruptes que cela donne l'impression d'être un collage en studio réalisé avec des trucs disparates qui ne vont pas ensemble.

Même sentiment de malaise sur le titre d'ouverture If Eternity Should Fail, l'introduction est plutôt cool pourtant, c'est du classique qui va suivre le même cheminement que la plupart des titres de la période post-réunion, et on va vite s'ennuyer, avec une mélodie qui fait déjà entendu, de même que le refrain, et une fois encore, le groupe va démontrer qu'il ne maîtrise pas du tout les transitions malgré l'expérience des gars, les changements de directions et de rythme seront toujours aussi brutaux et casse-gueule, le single Speed of Light sera de facture lui aussi très classique dans un format plus court, les paroles sont absolument ridicules, Iron Maiden est poussif dans un Heavy Rock quelconque qui ne ressemble à rien et qui n'a même pas pour lui d'être catchy, c'est l'excès inverse de Maiden, cette fois-ci, c'est court mais atrocement linéaire et sans surprise, on pourrait dire la même chose concernant un When the River Runs Deep qui réussit l'exploit d'être encore plus à la ramasse, et encore plus stéréotypé, The Great Unknown sera à la limite du foutage de gueule, car après l'éternel build-up introductif à la Maiden, ce sera le vide abyssal niveau inspiration, aucune étincelle de vie dans ce bidule chiant à mourir et poussif.

Le deuxième disque sera le pire, le plus bordélique, et on est quasiment en plein remplissage avec du merdier jeté là-dedans à l'arrache, le très direct Death or Glory a au moins pour lui de renouer avec un peu de puissance et d'urgence, c'est pas terrible, mais il n'y aura pas mieux à se mettre sous la dent, avec des morceaux un peu plus orchestraux, histoire de rendre tout ça encore plus mou et mièvre, surtout The Man of Sorrows, le genre de morceau qui se traîne comme une merde avant de partir dans une exhibition de solos, ainsi que Tears of a Clown, un hommage à Robin Williams, et même si c'est court, tout ça est tellement répétitif et vide que le titre donne l'impression de durer deux fois plus longtemps, et concernant l'émotion, inutile de préciser qu'elle sera complètement absente pour un hommage traité par dessus la jambe, je ne reviendrai pas sur le morceau-fleuve final, et on va arrêter le massacre ici.

Mou, lent, poussif, plus Hard Rock que Heavy Metal, prévisible, voilà où en est Iron Maiden en 2015, The Book of Souls est un album pompeux et prétentieux qui se veut progressif, alors que le groupe n'a aucune putain d'idée de comment construire un morceau de progressif, Harris (les autres aussi, peut-être, mais surtout Harris) continue de faire évoluer le groupe contre nature, et l'on en viendrait presque à regretter que le groupe ne se contente pas d'appliquer purement et simplement sa formule plutôt que de se ramasser constamment en essayant de faire autre chose, le manque de puissance n'aide pas non plus à sauver l'album du naufrage, même si on imagine très bien que la production du bouzin devrait encore ancrer davantage le groupe en territoire mainstream, vu que le public ciblé va du quadragénaire (au minimum) qui achètera de toute façon le bouzin puisqu'il est fan au CSP+ qui n'y connait rien mais qui décidera de s'encanailler avec une légende, aussi décrépite soit-elle.
Un album de Prog sans prog, ou plutôt du prog incompétent, du Heavy Metal sans Heavy et en remplaçant progressivement le Metal par du Rock, la vieillesse est un naufrage, ou plutôt un crash aérien dans le cas présent, mais bon, ça permettra au moins de justifier une nouvelle tournée mondiale et d'inonder les fans avec du nouveau merch et un album disponible dans plein d'éditions différentes plus ou moins limitées.
En plus d'être bancal, bordélique et décousu, avec The Book of Souls, on atteint ce moment où un groupe devient une parodie de lui même, il a beau se forcer à vainement tenter de faire autre chose, il se contente de recyclage et d'auto-pompage, donnant à ces fans ce qu'ils veulent, Maiden ayant l'avantage d'avoir des fans peu exigeants prêts à tout gober, même de la grosse daube qui pue le réchauffé, Iron Maiden n'a décidément plus rien à proposer, et ça fait vingt-cinq ans que ça dure, le groupe sort des albums dégueulasses mais il n'a jamais été aussi populaire qu'actuellement, il n'y a donc aucune raison que ça change, tant que la pompe à fric continue de tourner...

Track Listing:
Disc 1
1. If Eternity Should Fail  08:28
2. Speed of Light  05:01
3. The Great Unknown  06:37
4. The Red and the Black  13:33
5. When the River Runs Deep  05:52
6. The Book of Souls  10:27
Disc 2
1. Death or Glory  05:13
2. Shadows of the Valley  07:32
3. Tears of a Clown  04:59
4. The Man of Sorrows  06:28
5. Empire of the Clouds  18:01