dimanche 1 avril 2012

Sigh - In Somniphobia






Sigh a toujours été un cas à part sur la scène Metal, roulant sa bosse depuis 1990, avec un premier album pur Black Metal (mais déjà un poil bizarre) sorti sur le Label d'Euronymous, Deathlike Silence Productions, le combo japonais n'a jamais fait les choses comme tout le monde, passant du black au Rock Psychédélique en passant par le Heavy typé NWOBHM, chaque album est différent, bien que conservant une certaine identité, qui fait que malgré tout, le son du groupe demeure facilement identifiable.
Sigh est donc un groupe caméléon, hybride, qui aime expérimenter, surprendre, voyager là où on ne l'attend pas, tout en maintenant une certaine qualité tout au long de sa déjà conséquente discographie, avec en point d'orgue le merveilleux Imaginary Sonicscape.
Dernièrement, avec Hangman's Hymn et Scenes from Hell, le groupe naviguait dans une sorte de Black Metal orchestral baroque, avec plus ou moins de succès, car je n'avais pas accroché plus que ça à Scenes from Hell, que je trouve encore aujourd'hui un peu bancal et trop bordelique, mais ce n'est pas cette relative déception qui m'a empêché de me procurer le nouvel album qui nous intéresse ici, In Somniphobia, neuvième album du quintette japonais, qui une fois de plus prend tout le monde à contre-pied...

In Somniphobia est donc un album structuré de manière bizarre, avec quatre titres que l'on qualifiera de "normaux", les deux premiers et les deux derniers, et une partie centrale, de plus de quarante minutes, intitulée Lucid Nightmares, et divisée en sept segments, c'est dans cette partie que l'on trouvera les choses les plus bizarroïdes...
Bref, l'album débute par deux titres dans la plus grande tradition de Sigh, le premier, Purgatorium, est direct et rentre-dedans, dans une tonalité très Heavy, sur lequel on retrouve le chant caractéristique de Mirai Kawashima, le titre tabasse pas mal, mais pas seulement, car on remarque d'emblée la richesse des arrangements et des orchestrations, qui se font souvent discrètes, le second, The Transfiguration Fear, est de la même veine, mais avec en plus de délicieuses sonorités 60's rock, surtout au travers des claviers utilisés, le titre est très entraînant, avec un très bon solo de saxophone et des choeurs donnant un peu de mystère à l'ensemble.
C'est donc à partir du troisième titre que l'on va pénétrer dans un sorte de cauchemar bizarre et schizophrénique qui tranche avec tout ce qu'avait fait Sigh auparavant, où le groupe va laisser libre cours à sa folie et à sa créativité, dans un style assez indéfinissable, proche du jazz dans ses structures, avec des orchestrations psychédéliques, montrant un groupe certes toujours aussi enraciné dans le Metal, mais voulant aller plus loin sans se renier, car c'est bien là l'exploit du groupe avec cette perle de plus de 40 minutes, rester intéressant et innovant sans perdre l'auditeur dans des délires abscons, car Sigh aurait facilement pu se perdre dans son propre délire et sombrer dans une mélasse de n'importe quoi, ils étaient déjà limite sur ce point-là avec Scenes of Hell, et il faut croire que la leçon a été retenue, car ce Lucid Nightmares est un monument de Metal Avant-gardiste flirtant avec le prog et le black, une sorte d'Arcturus Blackjazz constamment sur le fil du rasoir, mais conservant toujours son équilibre, en grande partie grâce à un sens de la composition assez hors-norme ici, et aussi un certain sens de la mélodie qui fait mouche et qui vous empêche de décrocher.
Les titres sont longs, torturés, aériens et à la fois claustrophobiques, voir même parfois vraiment angoissant, chaque section se conclue d'ailleurs par des bidouillages électroniques renforçant ce sentiment, pour un résultat prenant, comme si l'on pénétrait dans un esprit torturé, au bord de la folie.
On navigue constamment en terrain inconnu, sans trop savoir ce qui va vous tomber dessus au prochain virage, où l'on passe d'une sorte de pur rock psychédélique aux merveilleux arrangements de L'Excommunication à minuit, à une ambiance sexy Lounge-piano bar de film noir déglingué avec Amnesia, sur lequel rayonne le saxophone de Dr. Mikannibal (dont le chant est par ailleurs bien mieux utilisé sur ce disque que sur l'album précédent), en passant par des calvacades Heavy Baroque comme sur le dantesque Amongst the phantoms of abandoned tumbrils.
Après cette longue pièce ambitieuse, deux derniers titres nous attendent, cette fois-ci plus classiques (pour du sigh), avec notamment un Fall to the Thrall qui défonce avec un black mélodique de haut vol, le titre le plus brutal de l'album.

Donc voilà, Sigh nous offre ici avec In Somniphobia un condensé de la carrière du groupe, car les japonais reprennent globalement tous les éléments qu'ils maîtrisent déjà, des arrangements géniaux, de bonnes mélodies, mais les subliment pour les emmener vers un autre niveau, explorant par la même occasion de nouveaux territoires, et comme le dit la voix off en conclusion de Lucid Nightmares, "We are no longer the same..."
Ce disque est donc une expérience qui se vit pleinement, seul dans le noir, un voyage dans un monde bizarre, étrange, et malsain, une fois de plus Sigh nous surprend avec un album à la fois sombre et planant, un disque complexe avec plusieurs degrés de lecture, qui se dévoile progressivement au fur et à mesure des écoutes, une oeuvre riche (ils ont mis le paquet sur les orchestrations), admirablement bien composée, In Somniphobia se positionne déjà pour le titre d'album de l'année...

Époustouflant!
5 / 5