mercredi 20 septembre 2017

[Chronique] Akercocke - Renaissance in Extremis

Je dois bien vous avouer que je n'avais jamais imaginé avoir à chroniquer un jour un nouvel album d'Akercocke, dix ans après leur dernier album et cinq ans après un split jamais officiellement annoncé, le groupe avait disparu dans l'indifférence générale, Jason Mendonça semblant avoir totalement disparu de la circulation, laissant un vide immense que n'a surement pas réussi à combler Voices, sorte de mauvais ersatz créé par d'anciens membres du groupe dont on espère qu'il sera définitivement mis au repos, parce que cela n'a plus aucun sens depuis que le singe est enfin sorti de sa cage, Mendonça s'est enfin décidé à se remettre au boulot, et allons droit au but, Renaissance in Extremis est l'un des plus brillants comeback de ces dernières années, rien que ça, Akercocke n'est pas revenu pour plaisanter, mais ça on en avait l'habitude.

Autour de Mendonça, du très classique puisqu'en dehors du bassiste Nathanael Underwood, tout ce beau monde a déjà fait parti du groupe à un moment donné, que ce soit les membres originaux Paul Scanlan (qui s'était barré en 2003) et le batteur David Gray, ou le claviériste Sam Loynes autrefois simple membre du groupe en live qui gagne ici sa place de titulaire, ce que l'on remarquera également, c'est l'absence de gonzesses à poil dans le matériel promotionnel et dans l'artwork très sobre de l'album, et l'abandon de l'imagerie bourgeoise décadente sataniste, comme si Akercocke n'avait pas envie que le contenu soit parasité par un contenant propice à distraire l'auditeur, ce qui compte aujourd'hui avec ce nouvel album, c'est la musique et rien que la musique... bon, on aurait bien aimé voir un peu de nichon quand même hein, mais ça ne change rien à l'affaire et au fait que Renaissance in Extremis déchire ta mère, même en bleu de travail, car c'est peut-être plus de ça qu'il s'agit, en délaissant son imagerie bourgeoise Akercocke devient proche du peuple, plus besogneux, terminé le vin et le champagne en chemise à jabot dans des villas cossues en forniquant à la gloire du grand Satan, Akercocke s'est mis à la bière et se déchire au pub comme n'importe quel ouvrier après sa journée à l'usine, la crise est surement passée par là.

Musicalement, ça va être complexe, car non seulement Akercocke échappe toujours autant à toute tentative de catégorisation, mais en plus de ça, ce nouvel album est à la fois complètement différent de ce à quoi on aurait pu s'attendre d'un album d'Akercocke post-Antichrist, et en même temps une parfaite continuation de sa discographie, pour essayer de faire simple, Akercocke fait toujours dans le Black/Death progressif que l'on peut même classer dans la rubrique fourre-tout Avant-Garde, et va sortir de sa zone de confort tout en jouant avec des codes et des genres qu'il maîtrise, c'est pareil qu'avant, mais c'est en même temps complètement différent, tout en étant pareil, il faut dire aussi que sa nouvelle approche proche du peuple va également s'accompagner d'un durcissement du son Akercocke, car c'est bien la part de Black Metal qui va être réduite, pas complètement éliminée, bien sûr, mais c'est du côté du Death et du Thrash que s'oriente le groupe, avec bien sûr toute l'extravagance dont le groupe est capable.

Dès l'ouverture de Disappear on sera troublé de voir un Akercocke sortir les muscles et davantage miser sur une espèce de Death mixé à du Techno-Thrash plutôt que sur un Black/Death décadent et dégoulinant de foutre, troublé mais pas du tout décontenancé de la tournure des événements, car même différent, c'est bien du pur Akercocke qui déroule tout ce qu'il sait faire, car après la démonstration de force, l'extrême et le growl caverneux vont céder leur place à de l'avant-garde progressif hanté par le chant clair de Mendonça, qui sera d'ailleurs toujours aussi clivant sur ce disque, c'est pas compliqué, t'aimes ou t'aimes pas, sans réel juste milieu, et de la même manière, on pourra toujours faire le même reproche à Akercocke depuis ses débuts, y aller à fond quand il s'agit de faire dans le bourrin, et se montrer plutôt hermétique quand il plonge la tête la première dans le progressif, mais sans jamais franchement mélanger les deux, avec des transitions toujours aussi abruptes, à ce niveau-là on ne peut pas parler de défaut mais de choix de songwritting, encore une fois, certains n'accepteront pas trop cette ambivalence parfois trop marquée.

Je vous parlais d'un disque un peu plus musculeux, davantage teinté de Death et de Techno-Thrash, mais ce n'est pas pour autant que les anglais vont délaisser les expérimentations et les divagations avant-gardistes, c'est même tout le contraire, Renaissance in Extremis va tellement jouer avec les codes d'Akercocke, les distordre aussi, qu'il va accoucher d'un Akercocke presque nouveau, qui se met en danger constamment, un Akercoke qui va proposer ce qui est surement son album le plus disparate, le plus éclaté d'un point de vue stylistique, une musique qui va partir dans toutes les directions, qui va incorporer absolument tout sur la gamme du Metal extrême, mais sans jamais que cela sonne de manière décousue grâce à un songwritting absolument phénoménal du début à la fin.

Renaissance in Extremis est un album particulièrement éclectique qui s'avère bien difficile à décrire en prenant un morceau un particulier tant chaque pièce de l'album est différente, et parfois de manière très radicale, First to Leave the funeral est un morceau étrange, très bourrin, très Death Metal, qui va bifurquer dans une espèce de Doom/Goth angoissant et aussi dans du prog avant-gardiste chargé de leads Tech-Death déstructurées, l’excentricité crève le plafond mais c'est tout à fait normal et surtout, tout sonne de manière très naturelle, Akercocke normalise l'exceptionnel et l'extravagant, One Chapter Closing for Another to Begin va jouer sur l'opposition entre des trémolos de sauvages purement Black Metal et le chant clair et plaintif d'un Mendonça qui bien évidemment ne va pas se gêner pour en faire des tonnes, Familiar Ghosts introduit une large section orchestrale qui débouchera sur un Blackened Death typique d'Akercocke pour sa violence et son caractère malsain à souhait, qui se clôturera de manière étrangement lumineuse et positive.

Dans l'ensemble, Renaissance in Extremis est une expérience sonore totale qui voit un groupe au sommet de son art développer des structures toujours surprenantes et inventives, A Final Glance Back Before Departing et son délirant Tech-Death progressif mixé à une sorte de Heavy-Thrash volubile qui ne lésine pas sur les riffs tranchants n'est qu'un exemple parmi d'autre, chaque morceau est unique dans sa structure, Akercocke ne va jamais se répéter et va nous balancer tout ce qu'il a dans les tripes, Black, Death, Prog, post-Rock, Avant-Garde expérimental, Goth, Groove, atmosphérique, Techno-Thrash, Heavy Metal, il y a de tout, on ira même jusqu'à une cohabitation entre le Metal extrême et le Prog-Rock typé 70's sur le phénoménal titre de clôture A Particularly Cold September, complètement bluffant dans sa construction et sa réalisation, avec ses cuivres et ses arrangements psychédéliques, du très grand art.

Je pense que personne n'était prêt à ça, on aurait pu penser qu'Akercocke allait revenir pour reprendre là où il s'était arrêté et miser sur un retour confortable et rassurant, du classique en somme, c'est bien mal connaître Mendonça et ses potes, non seulement le groupe a rénové son image en abandonnant, du moins pour le moment, ses bouffonneries sataniques bourgeoises et décadentes, mais en plus de ça, Renaissance in Extremis accouche d'un Akercocke presque tout neuf qui n'a pas hésiter à se mettre en danger, le groupe a bien sûr conservé le son qui lui est propre depuis le début, mais il l'a étendu, étoffé, il explore de nouveaux horizons, de nouveaux concepts, de nouvelles techniques, et cet enthousiasme lui sied particulièrement bien.

Je ne m'attendais pas à un retour de cette magnitude, Renaissance in Extremis est un disque expérimental, très complexe, chargé de textures, un melting pot de Metal extrême et d'Avant-Garde mixé avec tout ce qui est passé par la tête de Mendonça, et pour un retour après dix ans de silence, Akercocke vient tout simplement d'accoucher de son oeuvre la plus diabolique, et n'ayons pas peur des mots, Renaissance in Extremis est un authentique coup de génie, alors ouais, le chant de Mendonça est toujours aussi clivant, mais ça fait partie de l'expérience, il faut d'ailleurs ajouter à cette réussite une production en tout point brillante, très claire, très organique, mais jamais trop policée, qui permet au groupe de proposer de nombreuses couches de textures sans que ce soit trop le bordel, la production joue également pas mal sur le dynamisme du disque, avec une section rythmique mixée parfaitement, que ce soit un David Gray toujours aussi inventif, ou une basse omniprésente qui navigue habilement entre des riffs et des leads d'un duo au taquet Mendonça/Scanlan qui n'avaient plus été associés depuis presque quinze ans.

En résumé, ne cherchez plus votre meilleur album de Black/Death/Thrash/Heavy/Goth/Expérimental/Avant-Garde/Post-Rock/Progressif de l'année, il est là, Akercocke vient de signer le comeback de l'année, et vient surtout de tirer sa meilleure cartouche après dix ans d'absence, rien que ça, fascinant et phénoménal de bout en bout, mon coup de cœur de l'année.
Track Listing:
1. Disappear  07:02
2. Unbound by Sin  04:25
3. Insentience  04:57
4. First to Leave the Funeral  06:24
5. Familiar Ghosts  07:17
6. A Final Glance Back Before Departing  06:23
7. One Chapter Closing for Another to Begin  04:10
8. Inner Sanctum  04:13
9. A Particularly Cold September  09:25