Wormed est un groupe ridicule, formé en 1998, le combo espagnol a attendu 2003 pour sortir son premier album, et Planisphærium était une véritable tuerie, après ça, les mecs ont glandé pendant dix ans, et en 2013, Exodromos était encore davantage une tuerie, nous voici en 2016, ce qui est un intervalle très court à l'échelle du groupe, et voilà que déboule le troisième album Krighsu, et ouais, une fois de plus, il est ridicule, ridiculement génial, comme si le groupe était incapable de sortir un mauvais disque, mieux encore, Wormed est tellement un groupe ridicule que Krighsu, bien que très proche du monumental Exodromos, sera peut-être encore meilleur, Wormed est ridicule à ce point-là, on pensait qu'ils avaient sorti leur disque définitif, insurpassable, le chef-d'oeuvre d'une carrière, et trois ans plus tard, ils font mieux, tout simplement ridicule...
Bon, il n'y aura aucun suspense dans cette chronique, vous l'aurez compris, ce troisième album de Wormed est une boucherie, on pourrait même aller plus loin, Krighsu est le meilleur album de Br00tal Tech-Death de l'année, ne cherchez pas, ne cherchez plus, Wormed vient d'atomiser toute la concurrence en à peine trente-cinq minutes, annihilant toute la scène Tech-Death, mais à ce niveau-là, Wormed a-t-il encore de la concurrence tant le combo ibérique est au-dessus de la mêlée, il y a Wormed, et à des années-lumière derrière, il y a les autres, tellement loin derrière...
Je n'irai pas jusqu'à dire que Krighsu est le meilleur album de Tech-Death jamais enregistré, mais on ne doit pas en être loin quand on est face à la monstrueuse bestiole, Wormed a toujours eu ce petit truc en plus, cette personnalité qui fait que ce que font les espagnols est unique, au bout de quelques secondes de n'importe quel morceau de Wormed, on sait que c'est du Wormed, peu importe l'époque, les espagnols ont réussit ça, développer un son qui n'appartient qu'à eux, mélanger du Tech-Death ultra-mega brutal avec du Slam et du Grindcore, tout en incorporant des éléments progressifs, c'est ça aussi Wormed, la science de la narration, une vision d'ensemble qui rend chaque album tout ce qu'il y a de plus immersif, c'est là où réside la plus grande réussite de Krighsu, sa narration, limite conceptuelle, est encore plus aboutie qu'il y a trois ans, bon, ok, on y comprend que dalle, puisque les paroles sont toujours aussi cryptiques et mystérieuses, à base de SF et de délires mystico-scientifiques, mais jamais Wormed n'avait réussit à ce point-là à rendre une de ses productions aussi immersive.
Du Gruik spatial, une base rythmique qui tente d'écrabouiller l'univers à la vitesse de la lumière avec des blasts de destruction massive, un enchevêtrement de riffs groovy et acérés, et bien évidemment des structures presque erratiques au sein d'un chaos contrôlé, pas de doute, c'est du Wormed tel qu'on le connait, avec une petite différence par rapport à Exodromos, en plus du côté immersif du truc, une dimension technique encore plus fouillée, Krighsu est marqué par une escalade de la violence dans ce qu'elle a de plus technique, ce qui fait que l'album sera un peu moins über-Brutal que son prédécesseur, avec des guitares un poil moins punchy et directes, au profit de riffs plus travaillés et intriqués, enfin bon, rassurez-vous, on a toujours l'impression de se prendre une chute de météorites sur la gueule tant le côté rouleau-compresseur est omniprésent.
Très bourrin, certes, mais c'est là qu'intervient la touche Wormed, cette capacité à voir un peu plus loin en incorporant tout un tas de petites trouvailles sonores, des samples évidemment, mais pas trop, juste ce qu'il faut pour développer une véritable ambiance apocalyptique et futuriste, on aura d'ailleurs droit à des passages presque symphoniques sur l'excellent duo The Singularitarianism/Eukaryotic Hex Swarm, et juste ce qu'il faut de "progressif" pour rendre la tambouille par moment aérienne (Les digressions de Computronium Pulsar Nanarchy), toute proportion gardée, mais Wormed vagabonde parfois du côté de Beaten to Death sur certains aspects progressifs (le final de A-Life Omega point ou la seconde moitié de Zeroth-Energy Graviton), en plus sérieux que les norvégiens, évidemment, car chez les espagnols, on est pas là pour rigoler, chaque morceau sera un déluge en forme de punition auditive, avec des Breakdowns hallucinant de brutalité, et des changements de directions abruptes mais habilement maîtrisés, Wormed est le gros méchant bourrin le plus subtil du Tech-Death.
Ce que réussit également très bien Wormed, c'est de donner un côté organique, humanisé, à un genre dont on reproche souvent qu'il est mécanique et clinique, Wormed parvient à ne jamais tomber dans le piège du trop-plein technique stérile, les structures sont bien entendu très chaotiques, semblant parfois anarchiques et hasardeuses, mais elles s'intègrent parfaitement dans la vision d'ensemble de Krighsu, permettant au groupe de développer une certaine narration, d'ailleurs la plupart des titres donnent l'impression d'être reliés entre eux, c'est ce qui confère ce sentiment d'immersion totale, de cohérence, l'ordre dans le chaos, Wormed suit sa ligne directrice, développe un univers particulièrement riche et ultra-texturé, dont on ne peut que saluer la production, même si c'est très compressé (DR6), l'ensemble tient debout et ce cauchemar futuriste oppressant jouit d'un son à la fois clair et organique, malgré le côté parfois industriel et déshumanisé du propos.
Vous me connaissez, je trouve toujours un ou deux détails qui font tâche, sur un peu n'importe quel disque, sauf ici, j'ai beau cherché, et j'ai écouté cet album des dizaines de fois, je n'ai pas trouvé une seule saloperie à dire sur Krighsu, c'est vous dire le niveau du bouzin, je m'attendais à ce que que Wormed, au mieux, stagne, pensant que Exodromos était insurpassable, je me trompais lourdement, Krighsu consolide la position de Wormed comme roi incontesté du Br00tal Tech-Death, ce troisième album reprend globalement le son développé sur l'album précédent, mais franchit un cap supplémentaire dans la sophistication, Krighsu est certes moins direct et tranchant que ne l'était Exodromos, mais il s'avère beaucoup plus fouillé au niveau de sa narration interne et des arrangements, cette nouvelle livraison est plus riche, plus texturée, et à la limite, presque plus intéressante, vraiment, c'est une véritable tuerie, foncez, Wormed vient de livrer son troisième monument, le plus abouti à ce jour.