Il y a des groupes comme ça, tu sais que la chronique va être pénible à écrire, pour la simple et bonne raison que tu vas devoir utiliser à fond la copier-coller à chaque fois que tu veux écrire leur nom, Chtell'ist Cthel'list Chte'lliiste, ah putain, ouais, voilà, Chthe'ilist, c'est compliqué, et je n'ai aucune putain d'idée de ce que ça signifie, et heureusement qu'ils se sont calmés sur les titres de morceaux à rallonge car leur première démo sortie en 2012 (d'ailleurs téléchargeable gratuitement) s'appelait Amechth'ntaas'm'rriachth, ouais, comme ça, on dirait qu'un des mecs du groupe s'est endormi sur le clavier en cherchant un titre cool et qu'à son réveil il y avait ce truc écrit, le trouvant suffisamment mystérieux pour en faire le titre définitif.
Bref, Chthe’ilist, ça renvoie directement à Lovecraft, et donc à un autre truc chiant à écrire, Chtulu Cthuhlu Ctuluh, merde, le gros poulpe à la con là, vous voyez? Tout ça pour dire qu'en fin de compte, on va pouvoir classer sans problème Le Dernier Crépuscule (le français c'est classe aussi et plus simple pour moi) dans la case Lovecraftian Death Metal, si vous aimez votre Death intriqué, chaotique, légèrement doomeux, à la fois violent, technique et atmosphérique, vous risquez d'aimer le premier album des québécois.
Le Dernier Crépuscule, c'est tout ce qu'on aurait aimé que soit le second album de Sulphur Aeon, qui avait succombé à un certain modernisme et au bourrinage facile, pas de ça chez Chthe’ilist, car le groupe, bien que super bourrin, va nous proposer une tambouille apocalyptique et surtout caverneuse, développant une atmosphère dense à trancher à la tronçonneuse, et c'est le moment de faire du name-dropping, cet album va voir Chthe’ilist parvenir à mélanger du Demilich avec du Disma tout en saupoudrant un petit soupçon d'Artificial Brain pour le côté moderne, ouais, le Death des québécois est monstrueux à ce point-là.
Les trois vrais titres de la démo seront présents sur ce premier effort longue durée, mais n'allez pas croire que Chthe’ilist soit une feignasse, ces morceaux apparaissent davantage comme de vagues brouillons tant ils ont subit des modifications profondes, d'ailleurs, le groupe à également changé, puisqu'un troisième larron, Claude Leduc, s'est ajouté au duo originel composé du chanteur/guitariste/bassiste Philippe Tougas et du batteur Philippe Boucher, ce dernier martyrisant également les fûts chez Beyond Creation, Boucher, un nom génial pour un batteur de Death Metal, le mec n'a même pas besoin de trouver un nom de scène.
Le Dernier Crépuscule, avec son excellente pochette signée du toujours très reconnaissable Paolo Girardi, est une grosse mandale dévastatrice de Death écrasant et richement texturé, chacun des titres sera sombre, torturé, menaçant, remplit de twists et de changements de direction très typiques du Tech-Death, mais avec ce supplément d'âme, cette inclinaison vers le Death caverneux mystique, où il est de bon ton de noter une production particulièrement dynamique (DR7) parvenant à capturer la dimension ténébreuse de l'album tout en restant particulièrement claire et lisible, ce disque est très suffoquant, intense, ce qui va permettre justement aux très nombreuses leads d'avoir un impact maximal sur l'auditeur, il y en a d'ailleurs sur tous les titres, et on sent très bien qu'un soin tout particulier a été porté sur les solos, qui apportent véritablement un plus à chaque morceau, ajoutons un cela une basse foisonnante et une prestation brillante, à la fois brutale et d'une très grande finesse, du Boucher de service, et on a tous les ingrédients techniques pour faire un excellent disque.
Et excellent, Le Dernier Crépuscule l'est, car les compositions seront également à la hauteur, pour un groupe qui a malgré tout une certaine dimension technique, ils ne vont jamais trop en faire, la technique sera au service des compositions, certes souvent alambiqués, mais dans des limites acceptable, les changements de direction s'opéreront avec une fluidité et une facilité déconcertantes, faisant de l'album une curieuse créature, qui parvient à faire l'amalgame entre le Tech-Death bizarre et le Death/Doom qui est en charge d'amener ce supplément d'atmosphère.
Evidemment, parlant d'un groupe de Death fortement influencé par Lovecraft (Ce qui implique des paroles cryptiques qu'il va être difficile de comprendre) qui mélange du Demilich et du Disma, il y aura forcement quelques passages obligés, des clichés de genre, mais qui, même s'ils sont attendus et prévisibles, seront des clichés qui vont fonctionner à plein régime, le plus flagrant étant le recours à des chœurs et orchestrations liturgiques sur de nombreux morceaux comme Into the Vaults of Ingurgitating Obscurity, Scriptures of the Typhlodians, ou encore Vecoiitn'aphnaat'smaala (à vos souhaits!), ça a beau être du classique, ça fait quand même son petit effet, car Chthe’ilist est un malin qui ne va pas trop en faire, encore une fois, encore une fois, le groupe sait se montrer mesuré dans son propos pour maximiser l'impact de ses artifices sonores, sur un morceau comme Voidspawn, les orchestrations se montreront discrètes mais suffisamment présentes pour apporter une ambiance toute particulière, complétant admirablement les leads brillantes vers la fin du morceau, lui donnant une dimension plus emphatique et mystérieuse.
Chthe’ilist est particulièrement brillant dans la construction de ses morceaux, le groupe à la très bonne habitude de proposer un climax, comme si tous les passages finement intriqués, violents, caverneux, convergeaient à chaque fois vers un moment fort servant à rendre chaque titre mémorable, chacun étant en fin de compte doté d'une personnalité propre, Chthe’ilist est davantage un groupe qui soigne chaque petit détail à l'extrême, construisant patiemment de longues pièces malfaisantes et obscures, et ce sont ses détails qui vont faire de ce Dernier Crépuscule un album complexe, incroyablement riche, mais étrangement simple à appréhender, Scriptures of the Typhlodians se voit doté d'un riff étrange, la basse est bizarre, et dans le seconde moitié, le groupe nous emmènera dans un cauchemar davantage tinté de Doom écrasant avant qu'une succulente lead ne vienne transpercer l'obscurité, d'ailleurs en parlant de lead, ce solo à mi-chemin de l'ultime morceau de treize minutes, Tales of the Majora Mythos Part 1, va s'avérer carrément glorieux, c'est un peu dommage que cette fois-ci cet espèce de chant liturgique qui le précède tombe salement comme un cheveu sur la soupe en étant juste un cliché et une figure de style bien trop facile, car ce morceau est un condensé cauchemardesque de tout ce que sait faire le groupe, et il fallait bien treize minutes à la fois épiques et cryptiques pour développer tout ça.
Vous l'aurez compris, Chthe’ilist est une sacré bestiole,n et l'air de rien, pour un premier effort longue durée, les québécois viennent tout simplement de pondre le meilleur album de Death Metal de ce début d'année, un album qu'il sera difficile de surpasser pour ses concurrents, la production est sublime, chaque morceau est admirablement construit et riche de détails, ce qui confère au disque une sacré durée de vie, d'excellents riffs, des leads géniales, un chant tout ce qu'il y a de plus caverneux, une section rythmique qui tabasse, dont une basse particulièrement savoureuse, les prestations individuelles des musiciens sont au top, et se mettent au service d'un tout, Chthe’ilist fonctionne comme un ensemble cohérent, esthétiquement et techniquement splendide, une bête menaçante, constamment en mouvement, évoluant dans les ténèbres et toujours prêtes à l'attaque, Le Dernier Crépuscule est un putain de bon disque, que je ne peux que vous recommander chaudement.