vendredi 10 juin 2011

[Film] Balada Triste de Trompeta


J'adore Alex de la Iglesia, surtout la première partie de sa carrière, Perdita durango, La Comunidad, Muertos de Risa, Accion Mutante, et le cultissime El dia de la Bestia, et je dois avouer que j'avais un peu perdu sa trace depuis.
J'ai toujours Crimen Ferpecto sur le disque dur que je n'ai pas encore vu, et je ne suis pas très chaud pour me taper les Crimenes de Oxford, malgré tout, le pitch et la grosse hype en Espagne autour de son dernier film m'a poussé à me pencher sur le cas de cette Balada Triste de Trompeta, qui devrait sortir en France en jour, je ne sais pas quand, ou pas...


Note, j'ai vu le film en español, donc je n'ai aucune idée de comment traduire en français les types de clowns, et j'ai autre chose à faire que de chercher ça, el payaso triste est le clown blanc je crois, et El payaso tonto se traduit par le clown idiot, comme je n'y connais rien en cirque ni en clown, j'utiliserai les noms espagnols.
Pour faire simple, l'histoire raconte la rivalité entre 2 clowns, Javier el payaso triste, et Sergio el payaso Tonto, tous deux amoureux d'une jolie trapéziste Natalia, sur fond de guerre civile españole et de franquisme, une rivalité telle que l'affrotement entre les 2 clowns va tourner assez vite à la boucherie.
(Tiens, Muertos de Risa mixé avec The greatest show on earth?)
Ce film est une immense farce, une bouffonnerie, un spectacle grotesque, violent et complètement barré, qui pourrait être une grosse daube dans les mains d'un réalisateur moins aguerri, mais fort heureusement, c'est Alex de la Iglesia qui est aux manettes, et qui arrive à contrôler plus ou moins ses sorties de routes, enfin bon, il y a quand même des moments où le film part un peu en vrille hein.
Un film qui traite d'amour, de vengeance, et aussi un peu de l'histoire de l'espagne, même si parfois ce dernier point m’apparaît plus comme un prétexte que comme un véritable parti-pris, car étant noyé dans un flot de vulgarité outrancière (et un peu gratuite), mais c'est pour ça qu'on aime De la Iglesia, non?
Un réalisateur totalement barré avec un budget confortable lui permettant de faire globalement tout ce qu'il veut, de laisser libre court à sa folie, cela donne un film qui part dans tous les sens, dont les changements de style donnent parfois le vertige.
Le film débute par un massacre, le père de Javier en clown fou, enrôlé de force dans l’armée, massacrant un régiment entier à la machette, spectacle totalement jouissif, brutal, et point de départ de la vengeance de Javier.
Le film glisse ensuite vers le tragi-comique un peu pathétique (dans le bon sens du terme), Natalia est une jeune femme paumée, déchirée entre Sergio, brutal (la dictature), et le plus "démocratique" Javier, mais qui connaîtra quand même l'irréparable, en tentant de sauver la belle, et précipitera leurs fins à tous, au cours d'un final grand-guignolesque (mais un peu foiré).
Alex de la Iglesia nous offre des passages très poétiques, mais le ridicule et la cruauté ne sont jamais loin (Javier vivant nu dans les bois, ainsi que son humiliation quand il est capturé par les fascistes), le film est très inconfortable, imprévisible, mélangeant absolument tous les genres, la comédie, l'horreur, la tragédie, et je dois avouer qu'arriver à faire un truc cohérent avec tout ça relève de l'exploit et démontre plus que jamais tout le talent de l'espagnol.
Un film fou et rageur, avec ces scènes ultra-violentes jouissives, mais où la violence n'est jamais gratuite, et avec toujours ce petit détail comique ou cette réplique mordante qui rend le tout plus supportable.
Petit point négatif, le final est la partie la moins maîtrisée, De la Iglesia à de toute évidence voulu trop en faire, l'affrontement entre les deux clowns devenus des monstres défigurés tourne vite au n'importe quoi, même si le plan final, ironique et triste, rattrape un peu tout ça.

En conclusion, Alex de la Iglesia nous offre son oeuvre la plus passionnante, la plus viscérale, la plus folle, la plus rageuse, et mélange absolument toutes ses influences.
On lui pardonne volontiers ses quelques errements et autres sorties de route scénaristiques...
Graphiquement excessif, une farce cruelle de toute beauté, drôle et émouvante, un concentré de cinéma, sans limites.