jeudi 23 juin 2016

[Chronique] Katatonia - The Fall of Hearts

Il est bien loin le temps du Doom/Death pour les suédois de Katonia, qui ont depuis une bonne dizaine d'années dévié en territoire progressif, comme pas mal de leurs compères d'ailleurs, Anathema a évolué comme ça, et ça a fonctionné, Opeth a évolué comme ça, et c'est devenu de la merde, quant au modèle Paradise Lost (ouais, faut bien parler de modèle vu qu'au tout début, Katatonia était un Paradise lost suédois), il a lui aussi évolué comme ça, et ça a fonctionné... ah non en fait, les fans ont gueulé, manifesté, brûlé leurs exemplaires de One Second et de Host dans la rue et finalement Paradise Lost a fait machine arrière, pourtant, on a jamais reproché à Katatonia d'avoir emprunté le même chemin hors-Metal que Paradise Lost, le privilège de ne pas être un leader finalement, la possibilité de faire ce qu'il veut sans trop gêner qui que ce soit, et en faisant ça, devenir un leader lui-même, car c'est bien ce qu'est devenu Katatonia au gré de son évolution, un gros poisson... du Post-Rock progressif teinté de Metal.

Il faut dire aussi que Katatonia a toujours réussi à évolué sans jamais perdre le soutien de sa fan-base, une évolution lente, progressive, sans coupures brutales et clivantes, The Fall of Hearts, bien qu'à des années-lumières des albums des années 90, demeure une continuation logique dans la carrière des suédois, Katatonia est certes devenu accessible, mais sans jamais qu'on l'accuse d'être devenu "commercial" (expression courante chez le Métalleux de base), pourtant, il y avait de quoi être perplexe avec ce nouvel album, car d'une certaine manière, les suédois avait depuis 2006 et The Great cold Distance choisi une certaine forme d'immobilisme, se contentant de raffiner leur son, gravitant autour d'une formule toute faite, qui même si elle fonctionnait bien, commençait à quelque peu s'essouffler avec Dead End Kings en 2012, le fait que le groupe nous ponde l'année suivante le même album en version acoustique laissait davantage penser que l'inspiration s'était tarie du côté de Renkse et de Blakkheim, et que désormais, on serait condamné à se taper le même album tous les trois-quatre ans...

Je me trompais.
Pas de beaucoup, mais suffisamment pour être très agréablement surpris par une The Fall of Hearts que l'on qualifiera sans peine de rafraîchissant, peut-être est-ce dû à l'arrivée d'un nouveau batteur et d'un nouveau guitariste l'année dernière, peut-être pas, mais quoi qu'il en soit, Katatonia a changé, évolué, mais pas brutalement, doucement, par petites touches, avec la classe folle qui le caractérise, The Fall of Hearts est une évolution notable qui demeure malgré tout ancrée dans le son désormais traditionnel de Katatonia, même si bien plus progressif que par le passé, car même si le son Katatonia demeure distinct, très reconnaissable, The Fall of Hearts est un pas de plus en dehors de la sphère Metal, un Metal, qui, rassurez-vous, constitue encore l'âme du projet, mais d'une façon différente, comme des références incorporées délicatement dans un ensemble progressif et post-Rock.

The Fall of Hearts va de l'avant, mais il n'en demeure pas moins qu'il est malgré tout confortable et que cette évolution ne choquera aucun fan du groupe, c'est ce qui s'appelle la classe, et niveau classe, le titre d'ouverture Takeover va vous en mettre plein les mirettes pendant sept minutes plutôt somptueuses, Katatonia va démontrer tout son savoir faire quand il s'agit de développer de longs morceaux à la fois très riche en terme de textures et en même temps extrêmement simple dans leurs constructions, Takeover avance lentement, mêlant certains passages plutôt lourds et Heavy avec des envolées progressives, simplicité et densité, pour un morceau qui ressemble à un Porcupine Tree avec des grosses couilles, ouais, c'est ça, Katatonia fait du Prog couillu, pas trop maniéré, à la fois beau et viril, car même si l'album sera riche de moments de grâce et de mélodies sucrées, il ne sera pas avare en riffs Heavy, ce qui va former un ensemble diablement varié.
Serein est un morceau étrange, dans un format pop, et surement très pop dans l'esprit, on se croirait chez Paradise Lost période Goth, et là ou chez les anglais on qualifierait un morceau comme ça de révélateur de leur période noire, chez les suédois, ça passe, car Katatonia embrasse la pop-Goth riche en claviers avec un naturel déconcertant sans jamais renier ce qu'il est, incorporant du Metal progressif à la tambouille sans que ce soit choquant ou bancal.

The Fall of Hearts sera un album diaboliquement cohérent, une collection de morceaux finement composés et d'une extrême profondeur malgré la simplicité des constructions, Katatonia va constamment joué sur l'ambivalence, mélangeant les passages éthérés avec les riffs Heavy (le très Toolien Serac), ou proposant directement des morceaux doux et easy-listening qui auront souvent de petits twists et spasmes nerveux, notamment l'excellent Residual et ce passage groovy à mort qui intervient après un joli build-up, et en parlant de build-up, celui de The Night Subscriver sera plutôt impressionnant, proposant une sorte de plongée ténébreuses mais non dénuée d'espoir, pour un morceau qui plongera directement dans un Pale Flag principalement acoustique et finement orchestré, une pure ballade progressive, qui ne fera que rendre impactant l'intro quasiment MeloDeath de Passer, morceau alternant entre le progressif éthéré et les incursion Heavy avec des leads particulièrement adroites et savoureuses.

Que dire d'autre sur cet album sinon qu'il est surement ce que Katatonia a fait de mieux depuis une bonne dizaine d'années et The Great Cold Distance, The Fall of Hearts bien que différent, propose lui aussi une sacré collection de putain de bonnes chansons, Katatonia fait un pas de plus dans le progressif, mais sans se couper de ses racines, ce qui est l'une des grandes réussites du disque, un album finement composé, facile d'accès mais malgré tout complexe et richement texturé, un disque tout simplement beau et captivant, et cela fait bien longtemps qu'on avait pas eu un Katatonia aussi inspiré, qui s'est mis un bon coup de pied au cul pour repartir vers l'avant, bravo.
Track Listing:
1. Takeover  07:09
2. Serein  04:46
3. Old Heart Falls  04:22
4. Decima  04:46
5. Sanction  05:07
6. Residual  06:54
7. Serac  07:25
8. Last Song Before the Fade  05:01
9. Shifts  04:54
10. The Night Subscriber  06:10
11. Pale Flag  04:23
12. Passer  06:25