dimanche 8 septembre 2019

[Chronique] Devourment - Obscene Majesty

Devourment est un groupe important dans le Death Metal, on parle ici d'un groupe qui, même s'il n'est pas réellement le géniteur d'un genre (coucou Suffocation, même si on laissera le débat aux historiens), est celui qui a défini les contours de ce que l'on appellera le Slam Death moderne, ce dérivé du Br00tal Death qui mêle la vélocité naturelle du Death à un groove langoureux tout ce qu'il y a de plus putride, le premier album de Devourment, Molesting the Decapitated, sorti en 1999, est un monument inattaquable du genre, c'est l'album que tous les groupes de Slam depuis vingt ans ont essayé d'imiter, c'est aussi l'album que Devourment à lui même essayé, vainement, de répliquer tout au long d'une carrière aussi chaotique qu'erratique, avec ses nombreux splits, changements de line-up (tout ça pour des raisons diverses dont on se s’attardera pas ici), et donc albums qui peinaient à s'approcher qualitativement parlant de cet encombrant classique du genre...

Vingt ans plus tard, voici que débarque Obscene Majesty, qui n'est seulement que le cinquième album du groupe, et qui est marqué par d'énièmes changements de personnel, Chris Andrews abandonne sa basse au profit du nouveau venu Dave spencer pour occuper désormais le poste de guitariste, et deux autres changements sont tout aussi intéressants, car Mike Majewski n'est plus là et c'est Ruben Rosas lui-même qui va s'occuper désormais du chant et des gruiks comme à la grande époque de Molesting the Decapitated, le dernier changement concerne le poste de batteur, puisque c'est le batteur originel Brad Fincher qui est de retour, un line-up qui sent bon le old-school, et on ne va pas y aller par quatre chemins, Obscene Majesty est le meilleur album de Slam Death sorti depuis Molesting the Decapitated, un monument de brutalité qui est très proche de ce que Devourment faisait il y a vingt ans, tout en étant suffisamment malin pour être en même temps une légère maturation du son originel de Devourment.

Devourment n'est pas aujourd'hui plus technique ou plus bourrin ou plus rapide qu'avant, ce qui a changé, c'est la capacité des américains à créer des transitions bien plus fluides et plus maîtrisées qui vont naturellement faire exploser tous les scores en terme de brutalité et de sauvagerie, Obscene Majesty pourrait être considéré comme la vraie suite à Molesting the Decapitated, les trois albums qui existe entre les deux sont presque oubliables, Devourment dispose probablement ici de son meilleur line-up, avec notamment une section rythmique insensée qui va permettre au groupe d'articuler autour ses riffs monstrueux à la guitare huit cordes qui en conjonction d'une basse omniprésente va véritablement créer des murs sonores en béton armé, le vrai coup de génie de Devourment est de ne pas faire dans le monolithique ultra bourrin et monotone, il va réussir à faire bouger tout ça sur un rythme particulier propre au genre, entre les moments foutrement véloce et ses gigantesques ralentissements où c'est le ciel qui vous tombe sur la tête.
Obscene Majesty est un disque tout aussi brutal et bourrin qu'il peut être angoissant et putride, A Virulent Strain of Retaliation va démarrer tranquillement avec une introduction noisy industriel afin de vous mettre dans l'ambiance et de vous coller une gigantesque mandale dans la gueule sans aucune forme de procès, guitares accordées le plus bas possible, chant guttural vomitif et section rythmique dévastatrice, il n'y a aucune surprise là-dedans, et personne n'en attendait, c'est dans la manière d'utiliser ses ingrédients que Devourment va faire la différence, en proposant des structures à chaque fois différentes, donnant à chaque morceau une coloration et une personnalité particulières, vers les 4'40 dans ce premier morceau il y a une petite piste distordue derrière le riff principal qui rend le morceau effroyablement menaçant, créant un certain malaise dans ce carnage brutal.

Cognitive Sedation Butchery va ensuite enfoncer le clou en terme de sauvagerie et d'intensité, avec quelques petites trouvailles sonores disséminées par-ci par-là, comme ce petit passage vachement cool après une minute juste après le petit break de basse, la structure est certes un peu classique mais putain ce que Devourment peut être sûr de son fait et déploie tout son savoir-faire sur un morceau étrangement catchy malgré le déluge délicieusement bruitiste, il faut d'ailleurs noter que la production est évidemment un brickwall mais c'est le genre qui veut ça, Devourment a toujours eu ce son qui croustille et qui grésille un peu, ça ne va pas trop changer ici mais on reste dans les limites de l'audible et la prod offre un petit cachet old school pas désagréable.

Profane Contagion doit bien être l'un des morceaux préféré de la galette, il faut dire que j'ai toujours un petit faible pour ce genre de groove répétitif et très mécanique qui évolue dans un marécage putride, le titre est particulièrement malfaisant et violent, le riffing sur les passages ralentis chargés de groove ont d'ailleurs un petit air de Morbid Angel, un peu comme le long fade out final de Sculpted in Tyranny qui contrastera avec la brutalité insensé d'un Xenoglossia expédié en moins de trois minutes de carnage qui n'oublie malgré tout pas son bon gros breakdown de méchant.

Bien sûr il y aura un mais, et ce mais viendra de la longueur excessive de la galette, car avec ses quarante-sept minutes au compteur, Obscene Majesty est le disque le plus long jamais proposé par Devourment, et sincèrement, malgré la variété certaine dans les structures et un songwritting au top niveau, on parle quand même d'un album de slam Death là, et il faut bien du courage pour se taper tout ça d'une traite, on aurait bien aimé que le groupe reste sous la barre des quarante minutes, bien plus digeste pour ce genre de musique, paradoxalement, il n'y a pas vraiment de titres à jeter parmi les dix proposés ici, Devourment maintient la tension et ses standards de qualité du début à la fin, il faut juste avoir le coeur bien accrocher pour se taper presque cinquante minutes de Slam Death aussi véloce et nauséeux.

Bref, y'a pas à tortiller du cul pour chier droit, ce nouveau Devourment est une bonne grosse tuerie et un véritable carnage à l'intensité redoutable, aucun temps-mort, juste la quintessence du Slam Death que des centaines de groupes, dont Devourment eux-même, avaient échoué à émulé correctement depuis vingt ans, mieux encore, Obscene Majesty établit de nouveaux standards pour le genre, c'est véloce, putride, groovy, brutal, et bizarrement catchy pour un album qui se veut aussi extrémiste dans son approche, il faut dire aussi que le songwritting est tout bonnement exceptionnel cette fois-ci et qu'on a affaire à un album vraiment très varié.
Si un jour je devais entrer dans une école maternelle pour massacrer des enfants à la tronçonneuse, il ne fait aucun doute qu'Obscene Majesty serait la bande-son idéale que je choisirais, Devourment vient de frapper un grand coup après des années d'errance, le roi est de retour sur son trône et il va être bien difficile de le déloger, à condition que personne n'aille en prison cette fois-ci et que le line-up n'explose pas encore pour diverses raisons, en attendant, savourons, et que le Gruik™ soit avec vous.