mardi 29 avril 2014

[Chronique] Prong - Ruining Lives

Prong est un véritable loser...
Mais attention hein, pas loser dans le sens groupe de merde qui n'a jamais rien fait de bien, non, plutôt dans le genre Loser magnifique, le genre de groupe qui aurait du devenir gros... sauf que ça n'est jamais arrivé, ce n'est pas faute d'avoir essayé pourtant, le groupe ayant sorti quelques albums de très haute qualité dans les années 90, mais Prong n'a jamais dépassé le cadre du succès d'estime.
Il faut dire aussi que Prong n'a jamais pratiqué une musique facile à suivre, un Thrash Groove un peu bâtard, orienté vers un crossover Hardcore typique de l'époque, mêlé à des sonorités industrielles, dans un sens, Prong était une sorte de Pantera en plus cérébral, c'est peut-être pour ça que sa carrière n'a jamais décollé véritablement, comme quoi le talent n'est pas toujours récompensé à sa juste valeur, car soyons bien clairs, Tommy Victor est un putain de guitariste, et un compositeur de riffs absolument géniaux, mais cela n'a pas empêché le groupe de splitter dans une certaine indifférence en 1997.
Désormais seul maître à bord depuis le retour du groupe en 2003, Tommy Victor, désormais accompagné d'une bande d'intérimaires qui change à chaque album, continue la lutte, avec une abnégation surprenante pour un groupe qui évolue toujours dans un relatif anonymat, ce bon vieux Tommy est un malin qui est surement conscient que le nom de Prong est malgré tout devenu un peu culte et qu'il est encore possible de se servir du groupe comme source de revenus, la mode étant au vintage, jouer sur la nostalgie des fans est désormais courant pour les vieilles gloires...

Allez, je vous l'accorde, Tommy Victor a quand même pondu quelques bons disques depuis le retour de Prong, peut-être pas Scorpio Rising, mais Power of the Damager et, surtout, Carved into Stone, ont permis à Prong de regagner un peu de crédit et de popularité ces dernières années, le dernier album ayant été plutôt bien accueilli, Victor n'a pas tardé à remettre le couvert, à peine deux ans pour nous balancer ce Ruining Lives armé d'une pochette à l'ancienne qui renvoie directement à l'âge d'or (toute proportion gardée) du groupe, et plus particulièrement Cleansing, et c'est justement là où Tommy Victor veut nous envoyer, dans le passé.
Ce n'est pas une nouveauté, Carved into Stone lorgnait déjà largement vers l'époque Beg To Differ/Prove you Wrong/Cleansing, et Ruining Lives va être globalement du même tonneau, sauf que c'est moins bien réussi qu'il y a deux ans, et plus gênant encore, Prong est en train de perdre sa personnalité et pas mal d'éléments qui faisaient tout son charme.
Vous aimiez les sonorités industrielles du groupe? y'en a plus, les influences punk et Hardcore ont de même été réduites, et c'est bien dommage, car Prong sonne désormais de manière très banale, et son thrash se fait bien plus passe-partout que par le passé.
Ruining Lives n'est pourtant pas mauvais, les chansons se font ici plus directes, toujours aussi groovy, avec des refrains ultra catchy et un chant largement plus mis en avant, c'est un peu comme si Victor misait davantage sur l'aspect catchy des refrains plutôt que ses ses riffs, avec des guitares qui ont cette fâcheuse tendance à être relégué au second plan, ce qui est quand même assez bizarre de la part du gaillard, qui n'est pas vraiment ce que l'on peut appeler un bon chanteur, quand son chant était un peu noyé dans les riffs, ça passait, et même si il a fait quelques progrès, le fait de mettre son chant en avant modifie l'équilibre de la musique de Prong, surtout que ce chant est souvent bien trop mélodique, ce qui va enfoncer les titres dans une sorte de banalité, ça manque de Punch, de variété, et l'on a souvent l'impression d'entendre des refrains tirant sur le Punk mélodique, en utilisant pas mal de grosses ficelles et de lieux communs.
Ruining Lives est marqué par la volonté de ne proposer que des chansons catchy et directes, mais avec Prong, cela produit l'effet inverse, et aucun des titres ne sera réellement mémorables, avec un album qui s'achève sans que l'on ne retienne un titre en particulier, juste le souvenir d'avoir écouté un disque plaisant, sans plus.
L'album est donc une tentative de renouer avec le côté direct de Cleansing, un peu la même chose que Carved into Stone, mais avec une production plus claire et donc ce chant mis en avant par rapport aux riffs, et c'est cette production qui va rendre l'album un peu passe-partout, une production clean, moderne, et surement bien trop clinique, sans aspérités, les structures sont certes plus directes, accessibles, mais un peu banales et stéréotypées, du gros riff heavy, quelques solos qui arrachent, une batterie qui martèle ses rythmes avec précision et puissance, un chant très mélodique avec des refrains catchy, une formule à répéter onze fois de suite, et c'est à peu près tout, d'ailleurs en parlant de la production, je n'ai aucune idée de qui joue de la basse là-dessus, mais elle est assez inaudible la plupart du temps, et le son de batterie n’apparaît pas franchement naturel, je me demande même si ce n'est pas une batterie programmée, et quand on parle du chant, quand je dis que Victor s'est amélioré, il a peut-être juste découvert Auto-tune, who knows...
L'album a une qualité moyenne assez constante, avec des chansons plaisantes, mais rien ne sort vraiment du lot, l'album s'écoute d'une traite, tranquillement, et jamais on aura droit à une grosse baffe dans la gueule, juste une série de titres corrects, le genre de titres que tu peux tout à fait balancer à fond dans ton auto-radio en été, le genre de truc qu'il est tout à fait plaisant à entendre, mais qui s'avère assez limité quand tu l'écoutes de manière attentive, rien n'est réellement mauvais sur Ruining Lives, mais on est constamment dans la recherche du single à tout prix, dans un format classique entre 3'30 et 4 minutes, rien ne dépasse, avec des structures basiques et facilement lisibles, avec des tempo pas trop rapides, à l'exception de The Barriers ou The Book of change, qui ont cette énergie hardcore à l'ancienne, ça envoie du gros et ça tabasse poliment sans que ça touche réellement sa cible, alors qu'un Remove, Separate Self est une nouvelle tentative de Tommy Victor de nous refaire un Snap Your Fingers, Snap Your Neck, il nous fait le coup à chaque album de toute façon, le reste? c'est bien sûr le déluge de riff habituel de Prong, sans que bizarrement cela sonne vraiment comme du Prong, là encore, on reste dans une espèce de banalité, Tommy Victor ne s'est pas trop fait chier, les riffs ne sont pas très sinueux, ça fait dans le direct et dans le simple, et tout ça fait de Ruining Lives une expérience plutôt décevante, plaisant, certes, mais absolument mas marquante...

Ruining Lives est le genre d'album que j'aurais aimé adorer, sincèrement, mais même s'il n'est pas mauvais, il m'est impossible de trouver ça très bon.
Prong nous sert ici une collection de titres directs et basiques, qui se veulent très catchy, mais cet aspect est justement un peu trop forcé, et en fin de compte, on ne retient presque rien de l'album, Ruining Lives, même avec une qualité constante, est un disque plutôt linéaire et trop léger pour dépasser le cadre du petit disque sympa qu'on équipe de temps en temps, sans déplaisir, mais avec un certain agacement de voir Prong emprunter ce chemin linéaire avec une musique qui se fait très banale et impersonnelle, Ruining Lives n'est ni bon ni mauvais, il est juste profondément moyen et pas franchement intéressant, pas aidé non plus pas un songwritting paresseux et une production moderne et clinique qui fait sonner le groupe de façon très passe-partout, dommage...
(Album en écoute chez Spotify)

Moyen et Décevant
Track Listing:
1. Turnover
2. The Barriers
3. Windows Shut
4. Remove, Separate Self
5. Ruining Lives
6. Absence of Light
7. The Book of Change
8. Self Will Run Riot
9. Come to Realize
10. Chamber of Thought
11. Limitations and Validations