lundi 21 avril 2014

[Chronique] Enthroned - Sovereigns

Enthroned est un authentique second couteau du Black Metal, le groupe qui aurait rêvé d'être norvégien, seulement voilà, pas de bol, ils sont belges, autant dire que ça partait mal dès le début, mais malgré tout, ce désavantage géographique n'a pas empêché la horde du plat-pays de faire une honnête petite carrière en seconde division.
Depuis vingt ans et donc avec Sovereigns, dix albums au compteur, ce qui fait une bonne moyenne dans le genre, les belges sont restés fidèles à certains principes de base, avec un Black Metal rageur, speedé et malfaisant, avec une constance dans la qualité malgré les multiples changements de personnel, un grand classique chez les seconds couteaux, comme tous les groupes de seconde division, Enthroned a un avantage et un inconvénient, tout deux majeurs et indissociables, l'avantage, c'est la constance dans la qualité, aucun album n'est réellement mauvais, vous pouvez fouiller la discographie, tout est solide, et cette constance créé le problème majeur qui empêchera toujours un groupe de passer au niveau au-dessus, jamais enthroned n'a sorti un grand disque, de ceux qui vous marque une carrière à jamais, et après donc dix albums, ce n'est pas près d'arriver, car une fois de plus, Sovereigns est juste un bon disque d'Enthroned, même si le groupe a quelque peu changé les choses...

Il y a donc un peu de changement, mais ne vous attendez pas à la grande révolution, plutôt à quelques ajustements, ce n'est d'ailleurs pas la première fois que le groupe procède à un léger ravalement de façade, mais celui-ci semble un peu plus profond, plus notable également, et de ce fait, même si Sovereigns continue avec la même ligne directrice que les albums précédent, Enthroned va parvenir à nous offrir son album surement le plus diversifié de sa discographie, ce n'est pas du génie non plus, faut pas trop pousser, mais Sovereigns va se faire bien moins lassant que certains de ses aînés.

Peut-être que le départ du chanteur et fondateur Lord Sabathan fut un mal pour un bien, car c'est bien depuis son remplacement que le groupe s'est mis à tenter de faire les choses un peu différemment, et Sovereigns peut-être considéré en quelque sorte comme l'aboutissement de cette évolution, même si je le répète, le changement demeure assez minime, mais suffisant pour que l'on puisse vraiment le ressentir, le groupe restant malgré tout fidèle à certain principe, notamment la vélocité supersonique de leur Black Metal, qui se retrouve ici davantage dilué dans des atmosphères plus présentes et des passages mid-tempo heavy et ambiancés particulièrement convaincant.
Le fait que Enthroned soit capable de défier n'importe qui dans la course à la vélocité et d'en sortir gagnant, on le savait, ce n'est pas une surprise, le groupe maîtrise totalement le trémolo à grande vitesse sur tapis de Blasts furieux, mais bizarrement, ce n'est pas vraiment là où le groupe est le plus intéressant, c'est même plutôt le contraire, le bourrinage intense s'avérant souvent lassant et lourdingue, ce qui est vraiment intéressant chez Enthroned, ce sont les ralentissements, heavy et intenses, et c'est là où le groupe se montre le plus inventif, je trouve dommage que le groupe n'ait jamais osé faire all-in sur les atmosphères avec un album intégralement mid-tempo, il faudra donc se contenter de bribes, et c'est déjà pas mal, bien sûr, le groupe avait déjà joué sur l'alternance par le passé, ce n'est pas nouveau, et c'est plutôt courant dans le Black Metal, mais cette volonté est ici plus assumée.
On pourrait presque considérer que le groupe est en train d'évoluer, lentement, vers une sorte de Deathspell Omega, en plus lisible malgré tout, moins chaotique et ésotérique, mais avec des structures et des riffs plus tortueux et distordus, avec quelques petites trouvailles sonores qui renforcent les ambiances malsaines des belges, notamment par l'incorporation de chants grégoriens et de spoken words, à faible dose, certes, mais c'est toujours mieux que rien.
Une fois de plus, le line-up a changé, une vieille habitude chez les belges, et Sovereigns marque l'arrivée d'un nouveau guitariste, ce qui en fait désormais trois dans le groupe, c'est peut-être un détail, mais cela joue peut-être un peu sur le fait que la musique du combo se fait un peu plus dense, avec des riffs plus imbriqués et davantage foisonnants; L'autre changement, c'est donc un nouveau batteur, et c'est Menthor, le déclic fraîcheur des excellents Lvcifyre (dont l'album est chroniqué ici), qui rejoint la horde, autant dire que les Blasts et la brutalité, ça le connait, ce n'est donc pas un changement radical pour le groupe, c'est du classique.
Un autre léger ajustement, au niveau de l'orientation des riffs, le côté heavy et thrashy est beaucoup moins marqué que sur Obsidium, l'album précédent, cette orientation est toujours présente, mais c'est bien le mur du son brumeux à base de trémolo féroce qui fait un grand retour au premier plan, redonnant à Enthroned son aspect labyrinthique et chaotique, et comme l'album est particulièrement riche en atmosphère, cela nous donne un Sovereigns au classicisme dogmatique certain, mais qui n'a pas peur d'emprunter d'autres voix afin de délivrer son message de haine et de fureur, Sine Qua Non est assez révélateur de cet état de fait, avec un morceau qui va constamment jouer entre furie black véloce et ralentissements heavy plus ambiancés, bien sûr, le groupe oeuvre toujours dans un black sulfureux, Of Feathers and flames jouant sur le même modèle, quoique les mélodies obscures et torturées sont surement encore plus poussées, et de vélocité, il n'en sera nullement question sur un Lamp of Invisible Lights chargé d'ambiances et d'atmosphères, avec un spoken words ésotérique qui renforce davantage l'ambiance poisseuse du titre, où le groupe se rapproche quelque peu d'un Watain, il faut par ailleurs noter que cette fois-ci, le groupe va parvenir à donner une coloration particulière à chacun de ses titres, chaque morceau faisant preuve d'une personnalité propre, et cela faisait longtemps que le groupe ne nous avait pas offert des titres aussi facilement identifiable, ce n'est plus vraiment le déferlement de violence où l'on ne parvenait plus vraiment à différencier les morceaux les uns des autres, Of Shrines and Sovereigns, malgré une mise en route incroyablement rapide et brutale, sera marqué d'un bon passage central mid tempo chargé d'ambiance afin une nouvelle explosion de violence sur la fin, ce n'est pas pour autant que le violence pure et simple est passée à la trappe, The Edge of Agony, Divine Coagulation, font dans le bourrinage à l'ancienne, classique, avec juste ce qu'il faut de mélodies malfaisantes afin d'aérer le propos, et surtout, le dernier titre, Nerxiarxin Mahathallah, va clôturer tout ça en beauté avec une véritable charge de violence, très bourrin, mais avec une redoutable densité, une tornade de riffs, brumeuse et menaçante...

Sovereigns ne va pas changer votre vie, c'est un fait, ni même révolutionner quoique ce soit dans le genre, et même si le groupe évolue un peu, il le fait sans pour autant se renouveler complètement, mais j'imagine que ce n'est pas le but de la manœuvre, Enthroned change pas à pas depuis deux-trois albums, soit depuis le départ de Lord Sabathan, et c'est tout à leur honneur de vouloir continuer sans pour autant trop se répéter, et même si l'album est très respectueux du dogme, il n'hésite pas à prendre une direction différente, ce qui est plutôt une bonne idée, permettant d'éviter la lassitude.
Reste que ce nouvel Enthroned, à défaut d'être la grosse baffe Black de l'année, est, tout du moins à l'échelle du groupe, une addition de choix à leur discographie déjà conséquente, ce n'est pas l'album qui leur permettra de franchir un nouveau palier, mais Sovereigns permet au moins aux belges d'asseoir encore davantage leur position de chef de file de la seconde division Black Metal européenne, un groupe toujours aussi solide, fort de 20 années d'expérience, qui continue son petit bonhomme de chemin sans faire de compromis, Enthroned nous offrant même ici son album le plus diversifié, ça n'a l'air de rien comme ça, mais c'est en tout cas suffisant pour classer Sovereigns parmi les meilleurs albums de la horde du plat-pays, sans génie, mais avec une admirable abnégation...
(L'album est en streaming sur Bandcamp: http://agoniarecords.bandcamp.com/album/sovereigns)

Pareil, mais un peu différent...
Track Listing:
1. Anteloquium
2. Sine Qua Non
4. Lamp of Invisible Lights
5. Of Shrines and Sovereigns
6. The Edge of Agony
7. Divine Coagulation
8. Baal al-Maut
9. Nerxiarxin Mahathallah