jeudi 22 février 2018

[Chronique] Visigoth - Conqueror's Oath

Le problème avec les groupes de Heavy-Retro ou de Neo-vintage, c'est qu'ils ont, pour la plupart, énormément de mal à produire un deuxième album qui soit aussi bon que le premier, ou tout du moins un second album qui apporterait une certaine plus-value, car c'est bien gentil de vouloir revenir trente ans en arrière et reproduire l'esthétique des années 80 en piquant les riffs et les structures des grands anciens sans malheureusement en avoir l'attitude, c'est d'ailleurs très facile et à la mode en ce moment, mais quand il s'agit d'aller plus loin que de la pompe en forme d'hommage, tout de suite ça a tendance à se chier dessus, bref, Visigoth avait déboulé en 2015 avec un The Revenant King comme une réponse américaine à Grand Magus, un Heavy/Doom évidemment à l'ancienne et particulièrement référencé qui avait fait son petit effet à l'époque, et un groupe qui doit donc passer le test du fameux second album avec Conqueror's Oath, réussite ou pas?

Il faut quand même réaliser que, production clinquante et modernisée mise à part, tout ce que faisait Visigoth sur son premier album, n'importe quel Manowar ou Manilla Road le faisait en mieux il y a plus de trente ans, et on ne va pas tourner autour du pot bien longtemps, Conqueror's Oath est globalement moins bon que The Revenant King, il est même moins bon que tout ce que produit les scènes italiennes ou grecques en matière de Heavy Vintage, ces groupes européens ayant le petit plus d'être à fond dans le premier degré et de ne pas traiter le genre par dessus la jambe comme est capable de le faire ici Visigoth, c'est un peu la différence qu'il peut exister entre le mec qui vit le truc comme à l'époque en en ayant rien à foutre qu'on se moque de son premier degré et le baltringue du dimanche qui transforme le Heavy Metal en jeu de rôle grandeur nature avec sa bullet belt, ses mimiques piquées à Halford et sa veste à patches toute propre, le  projet des américains semble de plus en plus s'embourber dans un cynisme ironique à la nostalgie factice et facile concernant la vision qu'ils peuvent avoir de leurs références,

Malgré tout, on ne pourra pas reprocher à Visigoth de s'être contenter de refaire le même disque en moins bien, mais on pourra s’interroger sur l'orientation qu'a prise l'aventure en court de route, car même si le groupe joue sur le caractère épique et la dimension guerrière de son Heavy, ce second album développe un ton souvent plus léger (avec un rythme globalement plus haletant aussi), à tel point qu'on se croirait parfois chez Kiss ou un Night Flight Orchestra qui aurait décidé de faire un morceau un peu plus musclé que la moyenne, Salt City étant l'un des morceaux de Hard Rock les plus génériques et quelconques qu'il m'ait été donné d'écouter depuis bien longtemps, aucune classe, aucune plus-value, aucun caractère, juste du sous-Krokus vite torché, le pire morceau jamais composé par le groupe.

Visigoth s'est ouvert à plus d'influences, le problème c'est que ça fait surtout un peu putassier comme si le groupe voulait bouffer à tous les râteliers du vintage pour racoler le plus possible, Blades in the Night est une sorte de morceau speedé de happy Metal qui sonne parfois comme Helloween, une filiation qui sera surement un peu plus flagrante sur un Outlive them all particulièrement galopant, avec une utilisation des choeurs sur le refrain très typique du Power teuton, on pourrait également rapprocher ce titre d'Hammerfall, autant vous dire que ceux qui étaient là pour du Heavy Doom y seront pour leurs frais, ils devront en tout cas attendre le dernier morceau éponyme pour avoir quelque chose à se mettre sous la dent, globalement du Grand Magus-like fatigué et pas super motivé.
Fort heureusement, Visigoth fournit quand même son petit quota d'hymnes épiques et guerriers faciles mais efficaces qui donnent envie de casser la gueule à un dragon avant d'aller gaiement culbuter la princesse, des morceaux bien évidemment placés en ouverture du disque histoire de faire passer la pilule de la diversité par la suite, difficile de trouver quoi que ce soit à redire à Steel and Silver, morceau agréable qui rassemble tout les clichés du genre sans trop se fouler, le genre de morceau qui fait le taf avec son refrain emphatique qui fera son effet sur scène, Warrior Queen sera d'ailleurs forgé sur le même modèle avec un poil plus de vélocité, son moment acoustique avec du pipeau au coin du feu décontracté du slip, et des leads particulièrement maideniens, classique, efficace, sans pour autant révolutionner quoi que ce soit, à la différence de Traitor's Gate, de très très loin le meilleur morceau de la galette, où Visigoth invoque l'esprit du grand Manowar de la belle époque pour un hymne épique superbement intense, dommage que ce genre de morceau soit une exception dans le cadre d'un album irrémédiablement moyen et inconséquent.

Visigoth a voulu s'ouvrir à d'autres influences et faire les choses de manière différente avec Conqueror's Oath... c'est raté.
Ce n'est pas catastrophique non plus, mais Visigoth est devenu un groupe qui ne fait que multiplier les gimmicks en émulant un genre différent par morceau, on est passé d'un groupe de Heavy/Doom vintage correct à un groupe qui picore désormais sur toute la décennie des 80's, autant dire que le résultat est bancal, alternant entre les fautes de goûts Hard Rock easy-listening et les morceaux guerriers vaguement passables qu'on a tendance à oublier un peu trop vite, essayer de faire cohabiter le Heavy épico-guerrier avec la légèreté du Hard Rock des années 80 au sein d'un même disque était une idée bizarre qui naturellement ne fonctionne pas, Conqueror's Oath est un disque bancal de Heavy Vintage et pas grand chose d'autre qu'une pile de clichés, où Visigoth nous sort une resucée de trucs déjà faits en mieux à l’époque, quel intérêt?