La musique de Dysrythmia Disrytmya Dysrhitmia merde, ah voilà, Dysrhythmia, est aussi complexe à appréhender que l'est son patronyme à orthographier, il faut dire aussi que depuis l'air de rien une bonne quinzaine d'années, le trio américain a créé une niche bien à lui, et passe volontiers pour un groupe prétentieux à destination des geeks, une assertion renforcée par le fait que Dysrhythmia pratique une musique expérimentale et surtout instrumentale, ce dernier point fait qu'il est parfois difficile de rentrer pleinement dans ce genre très spécifique, le rendant plutôt hermétique.
Bref, Dysrhythmia, c'est compliqué, très compliqué même, mais pas si hermétique que ça si on fait l'effort de s'y immerger un tant soit peu, surtout qu'avec ce The Veil of Control bien plus cohérent et fluide que certaines de leurs précédentes sorties, et donc par extension bien plus accessible, c'est votre chance de franchir le pas.
Quand t'essaies de comprendre un morceau de Dysrhythmia... |
Cela faisait donc quatre ans qu'on avait pas eu de nouvelles de Dysrhythmia, j'imagine que Colin Marston a eu du mal à trouver de la place dans son agenda puisqu'il produit globalement l'intégralité de tous les groupes nord-américain de Death abstrait/Prog/Post-bidule/Avant-garde en plus d'être impliqué dans une bonne centaine d'autres projets, le fait qu'en dehors de ça lui et Kevin Hufnagel ait été convoqué par Luc Lemay lors de la résurrection de Gorguts n'a pas dû laisser beaucoup de temps libre.
Mais voilà, le trio est bien là aujourd'hui, et après une grosse dizaine d'années à farfouiller dans le Jazz/Tech/Death/Experimental progressif et abstrait, Dysrhythmia semble avoir trouver une gemme, peut-être que le fait d'avoir côtoyé Luc Lemay a donné quelques idées, peut-être pas, mais The Veil of Control, même si toujours aussi jazzy dans l'esprit, sera l'album le plus fluide de Dysrhythmia, le premier à réussir pleinement le challenge du groupe, qui est de rendre intéressant du prog instrumental à très forte technicité en transmettant de l'émotion sans avoir recours à un vocaliste, c'est ainsi que The Veil of Control va s'avérer plus posé, presque plus calmes, et apparaît assez vite comme le résultat d'années de recherches et d'expérimentations.
Le son unique de Dysrhythmia est toujours présent, mais l'ensemble se fait ici plus raffiné, plus cohérent, et davantage dans une atmosphère cristalline, j'oserais presque dire que la musique de Dysrhythmia est devenue belle, ce qui va rendre l'album plus accessible, mais rassurez-vous bande de geeks, c'est toujours la foire à la technique et cet enchevêtrement labyrinthique sera toujours aussi intriqué, seul les arrangements et les transitions sont plus simples, ce qui est déjà beaucoup.
Le titre d'ouverture The Veil of Control sera assez révélateur de ce nouvel état d'esprit, intriqué et frénétique, mais porté par un flot assez particulier, où même les changements de direction et de rythme sont d'une remarquable fluidité, bien sûr, Dysrhythmia est toujours aussi porté par la dissonance, mais l'ensemble s'avère moins abrupte et chaotique que par le passé, avec des blast beats tout en nuance supportant un enchevêtrement de riffs et de pseudo-mélodies et la basse toujours aussi frénétique de Marston.
Très orienté Jazz, évidemment, mais dans des structures très strictes, où aucune place n'est laissée à l'improvisation, ce qui est une bonne chose dans le cas présent, Dysrhythmia va parvenir à se montrer passionnant et emmener l'auditeur avec lui dans ce dédale, Internal/Eternal va parvenir à se montrer particulièrement hypnotique et tournoyant, avec une lead volubile qui rattache le morceau à une certaine réalité, alors que Black Memory va délicatement flirter avec Krallice avec sa tornade de trémolo, une agressivité malgré tout contenue, tout le contraire d'un Selective Abstraction bien plus oppressif avec sa rythmique imposante et une basse qui prend une place énorme, Severed and Whole sera quand à lui un peu plus nuancé et mesuré, et il faut bien l'avouer, manquera d'impact, marquant une petite pause avant le grand final When Whens End, n'y allons pas par quatre chemins, ce morceau est tout simplement fantastique, avec un flot toujours aussi singulier, varié, parfois délicieusement schizophrénique, huit minutes d'un puzzle sonore oppressant, qui allie agressivité oppressive et atmosphère dissonante, le titre le plus complexe du disque, et surement le meilleur, celui qui a le plus d'impact en tout cas.
Inutile de préciser que la production est juste extraordinaire puisque c'est Marston qui s'en est occupé lui-même, un son très organique, naturel, et surtout très dynamique avec son DR11, très claire mais qui gère l'espace afin de conserver le caractère claustrophobique de la musique du trio.
The Veil of Control est surement l'album le plus abouti de Dysrhythmia, le plus concis également, le trio s'éparpille moins que par le passé et cela se sent sur le disque, qui ne perd pas de temps en digressions et expérimentations inutiles.
Bien sûr, c'est complexe, très complexe même, mais si Dysrhythmia a fait un petit effort pour rendre sa tambouille accessible, vous pourriez peut-être en faire un pour vous intéresser à ce disque, non?