Nightbringer a toujours été ce groupe un peu bâtard de la scène Black Metal américaine, ce mélange de Marduk et de Deathspell Omega saupoudré d'une touche d'Emperor, seulement voilà, malgré la qualité du truc, les trois premiers albums du combo ricains n'ont fait que des vaguelettes dans le petit monde de l'underground et l'on ne peu pas dire que les choses ont vraiment décollé pour eux, bref, on attend toujours le ras-de-marée Nightbringer qui emporterait tout sur son passage et lui offrirait la reconnaissance d'un public plus large.
Trois ans après un Hierophany of the Open Grave qui voyait le groupe s'enfermer dans une certaine routine, voilà que déboule un Ego Dominus Tuus sur lequel Nightbringer semble bien décidé à modifier sa musique et tenter de nous offrir, enfin, son chef d'oeuvre du Black Metal, et pour se faire, quoi de mieux que d'essayer de monter sur le trône vacant en devenant le nouvel Emperor...
C'est bien de cela qu'il s'agit avec ce nouvel album, évoluer, devenir autre chose tout en conservant son identité, conserver son caractère le plus noir, occulte, démoniaque, mais trouver un moyen d'organiser le chaos de manière bien plus efficace, cette évolution, on la sentait venir, quasiment depuis le début, Emperor a toujours était une influence majeure pour Nightbringer, mais ce n'était qu'une parmi d'autres, et après trois albums, les américains se sont enfin décidés à tomber le masque, avec une très bonne idée, dégager la grosse influence bourrine Mardukienne une bonne fois pour toute, il était temps.
Ce que Nightbringer parvient à faire ici, c'est conserver sa base base Black occulte atmosphérique vindicative, tout en y incorporant de nombreuses mélodies, qui ont cette tendance à transpercer leur brume de riffs entremêlées, comme une lueur d'espoir dans le chaos et l'obscurité, de ce fait, aujourd'hui, Nightbringer se rapproche davantage de Dark Funeral ou de Setherial que de Deathspell Omega, mais aussi et surtout d'Emperor, car jamais Nightbringer n'avait sonné de manière aussi grandiloquente et majestueuse qu'avec Ego Dominus Tuus.
Nightbringer a désormais la même opacité qu'Emperor, ce côté délicieusement surchargé, chaos organisé plein d'emphase et de fureur, un fascinant labyrinthe sonore qui nous envoie dans les abysses, et il va valoir s'accrocher un peu pour pleinement profiter de l'album tant il se montre de prime abord assez peu accueillant, surtout qu'une fois de plus, Nightbringer nous balance un album/pavé de soixante-dix minutes composé de titres à tiroir particulièrement occulte, ce qui ne va pas aller sans provoquer quelques soucis, mais on y reviendra plus tard.
Après l'introduction ritualiste lugubre du plus bel effet, Nightbringer nous livre un Et Nox Illuminatio mea in Deliciis Meis en forme de gigantesque poke à Emperor, et ça va être compliqué de dire le contraire tant ce morceau, long, reprend tous les éléments typiques des norvégiens cuvée 97, on se croirait vraiment chez Anthems to the Welkin at dusk, surtout les premières trois minutes, mais Nightbringer n'est malgré tout pas une vulgaire copie du maître, car très vite, l'occultisme et la brutalité vont faire leur apparition et l'on va se retrouver avec une sorte de morceau hybride partagé entre l'opacité et la violence brute, il est d'ailleurs à noter que la dissonance n'est plus vraiment à l'ordre du jour, au profit de mélodies mystérieuses et envoûtantes qui apparaissent sporadiquement sur la totalité du morceau, on pourra faire le même constat sur un Lantern of Eden's Night certes plus direct où il ne manque qu'un chant clair possédé et envoûtant pour que le titre soit un leftover d'Anthems, sauf que vocalement, on est plutôt dans le bourrin Black, l'un des derniers vestiges de l'influence de Marduk sur le groupe.
Nightbringer fait preuve d'une emphase extraordinaire et d'une maîtrise remarquable de ses atmosphère, et les américains proposent ici un black Metal épique et fortement occulte, il faut dire que le fait d'avoir trois guitaristes offrent de très nombreuses possibilités au groupe, l'ajout de mélodies, bien sûr, mais également la construction de véritables murs sonores aux riffs imbriqués, qui rendent l'album assez complexe mais bizarrement bien plus lisible malgré la densité de la musique pratiquée.
Nightbringer quitte quelque peu son black aux ambiances cradingues de messes noires crapoteuses pour nous proposer une musique puissante et majestueuse aux ambiances glaciales et ritualistes, comme ce I Am the Gateway qui nous propose un passage centrale ultra lourd et distordu, ou un Things Which Are Naught qui se conclue sur orgue grandiloquent.
On remarque également que le groupe a progressé d'un point de vue rythmique, car même si l'album est, entre guillemets, moins bourrin, le travail de la batterie est véritablement excellent, partagé entre les blasts furieux et les séquences martiales accompagnant le rituel de cymbales cinglantes, un bon boulot qui est l'oeuvre de l'hyperactif de service Menthor, qui connait une année bien chargée puisqu'on l'a également aperçu chez Enthroned et Lvcifyre.
Malgré tout, il y a quand même quelques réservent à émettre au sujet de cet album, notamment le fait qu'aucun titre n'atteint le niveau de qualité des deux premiers, I am the Gateway est bon, mais s'appuie sur une structure classique à base d'accélérations entre des passages plus heavy, c'est bien sûr efficace, mais on a pas vraiment le souffle épique du début de l'album, Where Fire Never Dreamt of Man est un morceau très atmosphérique qui évolue vers une séquence de bourrinage très convenue, et le morceau traîne un peu en longueur, et ce sont justement des longueurs qui vont un peu plomber l'album vers la fin, les interludes Call of the Exile et Salvation Is the Son of Leviathan sont peut-être une bonne idée à la base histoire d'aérer un peu le propos, mais la première dure quatre minutes et la seconde plus de six, ce qui est bien trop long et a tendance à casser le rythme, l'autre problème est que Nightbringer ne parvient pas à apporter de la diversité à son propos, et se répète beaucoup sur la fin, en se contentant parfois de diluer son black bourrin à trémolo dans des titres bien trop longs juste pour donner l'illusion de faire de l'atmosphérique, c'est plutôt gênant, on a parfois le sentiment que Nightbringer force un peu trop le côté alambiqué alors que ce n'était pas forcément nécessaire et l'on aurait peut-être aimé un peu plus de concision sur certains passages qui s'étirent bien plus que de raison, le fait d'étirer sa musique sur la longueur fonctionne plutôt bien sur le titre final The Otherness of Being, sorte de titre fleuve de plus de douze minutes alternant entre la brutalité extrême et les passages ritualistes malfaisants, mais on trouve le temps long sur The Witchfires of Tubal-Qayin et Where Fire Never Dreamt of Man.
Il faut quand même souligner la production de l'album, la batterie est un peu mixée de manière étrange, un peu trop en retrait surement, mais pour un album qui n'est qu'un DR 5 ultra compressé, il reste malgré tout lisible et assez clair, ce qui n'était pas gagné d'avance vu le style surchargé pratiqué par Nightbringer.
Malgré toutes ses qualités, Ego Dominus Tuus laisse un léger arrière-goût d'inachevé, et ne tient pas toutes ses promesses sur la durée, à défaut d'entrer au panthéon du black et d'être dans l'exceptionnel, Nightbringer nous sert un album qui n'est finalement qu'un très bon disque, vous me direz que c'est déjà pas mal, mais quand on a goûté à l'excellence grandiose des premiers titres, voir l'album s'enfoncer dans une certaine normalité, tout du moins pour le groupe, a quelque chose de frustrant.
Nightbringer nous propose ici son album le plus atmosphérique, et surement le plus abouti à l'heure actuelle, mais on sent que ça pourrait être bien mieux, Ego Dominus Tuus est surement l'un de ces albums charnières pour un groupe, dont on espère qu'il servira de base à la création d'un prochain chef d'oeuvre.
L'album n'est pas exempts de défauts ni de longueurs, mais Nightbringer est sur la bonne voie, cependant il faudra se contenter de ça cette fois-ci, un très bon disque qui apporte une réelle évolution, pas forcément une révolution dans le style même du groupe, mais juste de quoi franchir un palier supplémentaire dans sa maîtrise des atmosphères et dans la construction de longues pièces épiques et occultes
Ego Dominus Tuus reste malgré tout un album massif, grandiloquent, empreint de mystère et d'occultisme, une violence froide à la densité fascinante, et un réel pas en avant pour un groupe qui mérite que l'on s'intéresse enfin à son cas.
(Disponible sur Bandcamp)
Trois ans après un Hierophany of the Open Grave qui voyait le groupe s'enfermer dans une certaine routine, voilà que déboule un Ego Dominus Tuus sur lequel Nightbringer semble bien décidé à modifier sa musique et tenter de nous offrir, enfin, son chef d'oeuvre du Black Metal, et pour se faire, quoi de mieux que d'essayer de monter sur le trône vacant en devenant le nouvel Emperor...
C'est bien de cela qu'il s'agit avec ce nouvel album, évoluer, devenir autre chose tout en conservant son identité, conserver son caractère le plus noir, occulte, démoniaque, mais trouver un moyen d'organiser le chaos de manière bien plus efficace, cette évolution, on la sentait venir, quasiment depuis le début, Emperor a toujours était une influence majeure pour Nightbringer, mais ce n'était qu'une parmi d'autres, et après trois albums, les américains se sont enfin décidés à tomber le masque, avec une très bonne idée, dégager la grosse influence bourrine Mardukienne une bonne fois pour toute, il était temps.
Ce que Nightbringer parvient à faire ici, c'est conserver sa base base Black occulte atmosphérique vindicative, tout en y incorporant de nombreuses mélodies, qui ont cette tendance à transpercer leur brume de riffs entremêlées, comme une lueur d'espoir dans le chaos et l'obscurité, de ce fait, aujourd'hui, Nightbringer se rapproche davantage de Dark Funeral ou de Setherial que de Deathspell Omega, mais aussi et surtout d'Emperor, car jamais Nightbringer n'avait sonné de manière aussi grandiloquente et majestueuse qu'avec Ego Dominus Tuus.
Nightbringer a désormais la même opacité qu'Emperor, ce côté délicieusement surchargé, chaos organisé plein d'emphase et de fureur, un fascinant labyrinthe sonore qui nous envoie dans les abysses, et il va valoir s'accrocher un peu pour pleinement profiter de l'album tant il se montre de prime abord assez peu accueillant, surtout qu'une fois de plus, Nightbringer nous balance un album/pavé de soixante-dix minutes composé de titres à tiroir particulièrement occulte, ce qui ne va pas aller sans provoquer quelques soucis, mais on y reviendra plus tard.
Après l'introduction ritualiste lugubre du plus bel effet, Nightbringer nous livre un Et Nox Illuminatio mea in Deliciis Meis en forme de gigantesque poke à Emperor, et ça va être compliqué de dire le contraire tant ce morceau, long, reprend tous les éléments typiques des norvégiens cuvée 97, on se croirait vraiment chez Anthems to the Welkin at dusk, surtout les premières trois minutes, mais Nightbringer n'est malgré tout pas une vulgaire copie du maître, car très vite, l'occultisme et la brutalité vont faire leur apparition et l'on va se retrouver avec une sorte de morceau hybride partagé entre l'opacité et la violence brute, il est d'ailleurs à noter que la dissonance n'est plus vraiment à l'ordre du jour, au profit de mélodies mystérieuses et envoûtantes qui apparaissent sporadiquement sur la totalité du morceau, on pourra faire le même constat sur un Lantern of Eden's Night certes plus direct où il ne manque qu'un chant clair possédé et envoûtant pour que le titre soit un leftover d'Anthems, sauf que vocalement, on est plutôt dans le bourrin Black, l'un des derniers vestiges de l'influence de Marduk sur le groupe.
Nightbringer fait preuve d'une emphase extraordinaire et d'une maîtrise remarquable de ses atmosphère, et les américains proposent ici un black Metal épique et fortement occulte, il faut dire que le fait d'avoir trois guitaristes offrent de très nombreuses possibilités au groupe, l'ajout de mélodies, bien sûr, mais également la construction de véritables murs sonores aux riffs imbriqués, qui rendent l'album assez complexe mais bizarrement bien plus lisible malgré la densité de la musique pratiquée.
Nightbringer quitte quelque peu son black aux ambiances cradingues de messes noires crapoteuses pour nous proposer une musique puissante et majestueuse aux ambiances glaciales et ritualistes, comme ce I Am the Gateway qui nous propose un passage centrale ultra lourd et distordu, ou un Things Which Are Naught qui se conclue sur orgue grandiloquent.
On remarque également que le groupe a progressé d'un point de vue rythmique, car même si l'album est, entre guillemets, moins bourrin, le travail de la batterie est véritablement excellent, partagé entre les blasts furieux et les séquences martiales accompagnant le rituel de cymbales cinglantes, un bon boulot qui est l'oeuvre de l'hyperactif de service Menthor, qui connait une année bien chargée puisqu'on l'a également aperçu chez Enthroned et Lvcifyre.
Malgré tout, il y a quand même quelques réservent à émettre au sujet de cet album, notamment le fait qu'aucun titre n'atteint le niveau de qualité des deux premiers, I am the Gateway est bon, mais s'appuie sur une structure classique à base d'accélérations entre des passages plus heavy, c'est bien sûr efficace, mais on a pas vraiment le souffle épique du début de l'album, Where Fire Never Dreamt of Man est un morceau très atmosphérique qui évolue vers une séquence de bourrinage très convenue, et le morceau traîne un peu en longueur, et ce sont justement des longueurs qui vont un peu plomber l'album vers la fin, les interludes Call of the Exile et Salvation Is the Son of Leviathan sont peut-être une bonne idée à la base histoire d'aérer un peu le propos, mais la première dure quatre minutes et la seconde plus de six, ce qui est bien trop long et a tendance à casser le rythme, l'autre problème est que Nightbringer ne parvient pas à apporter de la diversité à son propos, et se répète beaucoup sur la fin, en se contentant parfois de diluer son black bourrin à trémolo dans des titres bien trop longs juste pour donner l'illusion de faire de l'atmosphérique, c'est plutôt gênant, on a parfois le sentiment que Nightbringer force un peu trop le côté alambiqué alors que ce n'était pas forcément nécessaire et l'on aurait peut-être aimé un peu plus de concision sur certains passages qui s'étirent bien plus que de raison, le fait d'étirer sa musique sur la longueur fonctionne plutôt bien sur le titre final The Otherness of Being, sorte de titre fleuve de plus de douze minutes alternant entre la brutalité extrême et les passages ritualistes malfaisants, mais on trouve le temps long sur The Witchfires of Tubal-Qayin et Where Fire Never Dreamt of Man.
Il faut quand même souligner la production de l'album, la batterie est un peu mixée de manière étrange, un peu trop en retrait surement, mais pour un album qui n'est qu'un DR 5 ultra compressé, il reste malgré tout lisible et assez clair, ce qui n'était pas gagné d'avance vu le style surchargé pratiqué par Nightbringer.
Malgré toutes ses qualités, Ego Dominus Tuus laisse un léger arrière-goût d'inachevé, et ne tient pas toutes ses promesses sur la durée, à défaut d'entrer au panthéon du black et d'être dans l'exceptionnel, Nightbringer nous sert un album qui n'est finalement qu'un très bon disque, vous me direz que c'est déjà pas mal, mais quand on a goûté à l'excellence grandiose des premiers titres, voir l'album s'enfoncer dans une certaine normalité, tout du moins pour le groupe, a quelque chose de frustrant.
Nightbringer nous propose ici son album le plus atmosphérique, et surement le plus abouti à l'heure actuelle, mais on sent que ça pourrait être bien mieux, Ego Dominus Tuus est surement l'un de ces albums charnières pour un groupe, dont on espère qu'il servira de base à la création d'un prochain chef d'oeuvre.
L'album n'est pas exempts de défauts ni de longueurs, mais Nightbringer est sur la bonne voie, cependant il faudra se contenter de ça cette fois-ci, un très bon disque qui apporte une réelle évolution, pas forcément une révolution dans le style même du groupe, mais juste de quoi franchir un palier supplémentaire dans sa maîtrise des atmosphères et dans la construction de longues pièces épiques et occultes
Ego Dominus Tuus reste malgré tout un album massif, grandiloquent, empreint de mystère et d'occultisme, une violence froide à la densité fascinante, et un réel pas en avant pour un groupe qui mérite que l'on s'intéresse enfin à son cas.
(Disponible sur Bandcamp)
Pas encore le nouvel Empereur