vendredi 10 janvier 2014

[Chronique] Alcest - Shelter

On ne peut pas dire que l'on n'avait pas vu le coup venir, alors que le certains groupes aiment à surprendre, changer de direction brutalement, l'évolution d'Alcest est un long cheminement prévisible qui le conduit tout naturellement à un endroit où l'on n'aurait jamais voulu qu'il aille, tout en sachant que c'était inéluctable.
Après le merveilleux Souvenirs d'un autre monde, Neige à emmené progressivement son projet vers d'autres horizons, par petites touches, avec Écailles de Lune et Les Voyages de l'âme, cette fois-ci, avec Shelter, c'est la bonne, il n'y a désormais plus aucune trace de Metal, et encore moins de Black, chez Alcest, qui semble vouloir devenir le Sigur Ros français, et bien que l'évolution soit logique, non, ce n'était pas nécessairement une bonne idée...

La musique d'Alcest fonctionnait de manière assez simple, du post-Rock éthéré, aérien et délicat qui était toujours plus ou moins contrebalancé par des parties un peu plus heavy et abrasives, et c'est en écoutant Shelter que l'on se rend compte de l'importance que pouvaient avoir les racines Black dans l'équilibre de la musique de Neige, l'élément indispensable qui offrait une certaine profondeur dans la palette émotionnelle déployée par le groupe, une forme de clair-obscur judicieux qui a aujourd'hui disparu, Alcest a coupé ses racines, s'est débarrassé du Metal, sauf qu'il n'ajoute rien sur la balance pour rééquilibrer sa formule, donc oui, Shelter est incroyablement chiant, ne reste ici que quelques bluettes cucul la praline, et aucun des titres de l'album ne dépareillerait en fond sonore d'une publicité sur les serviettes hygiéniques où les protège-slips contre les fuites urinaires, c'est vous dire à quel point Shelter est inoffensif et fleur bleue.
C'est donc sans surprise que dans le but de devenir le Sigur Ros français, c'est justement le producteur de Sigur Ros qui a été appelé à la rescousse, le résultat? bah c'est simple, ça sonne comme du Sigur Ros, et plus vraiment comme du Alcest, de ce fait, en plus du Metal, c'est également l'identité même du groupe qui passe à la trappe, désormais libéré de ses entraves métalliques, Alcest devient un ballon d’hélium flottant dans les nuages, avec légèreté, en faisant all-in sur les orchestrations et les atmosphères, l'autre problème, c'est que du coup, on se rend compte encore davantage que l'inspiration de la prose de Neige semble directement tirée du journal intime d'une collégienne, plus du tout de Black, mais une overdose de guimauve adolescente et de descriptions de paysages féeriques, mouais...
Quand on écoute le single Opale, le premier vrai titre après l'intro rêveuse aux relents new age, on se demande un peu où l'on est tombé, car certaines intonations dans la voix rappellent directement... Etienne Daho, et franchement, c'est pas la meilleure idée qu'ait eut Alcest, c'est l'ennui qui prédomine, avec son refrain bubblegum ultra convenu et aérien, à aucun moment les mélopées sirupeuses du groupe n'auront la profondeur de champ nécessaire à ce type d'entreprise, Alcest a la tête dans les nuages et ne parvient jamais véritablement à nuancer son propos, une ode à la rêverie qui trouvera son point culminant à la fin de l'album avec un Away effroyable d'ennui où intervient un certain Neil Halstead (connais pas), et le final longuet Delivrance, 10 minutes de longueurs atmosphériques où la part belle est donnée aux cordes et aux choeurs, les traditionnels ohohohohoh ou ahahahahaaaaaa lourdingues (y'en a sur presque tous les titres).
Le seul moment un tant soit peu correct, c'est Voix Sereines, qui a une véritable progression qui permet de faire passer une réelle émotion dramatique, avec un embryon de riff brumeux pas dégueulasse du tout, c'est un peu le seul moment où il se passe quelque chose d'intéressant, et sur un album de 45 minutes, c'est vraiment peu, le titre éponyme Shelter est correct, sans plus, mais sans que l'on en retienne grand chose, pour un ensemble vraiment pas mémorable, où l'on retiendra, faute de mieux, l'excellente production de Birgir Jón Birgisson, le son est vraiment très riche, avec de multiples textures, sans être surchargé, les orchestrations sont particulièrement bien intégrées, tout en restant discrètes, là dessus, rien à dire, l'album sonne de manière excellente, ce qui ne suffit malheureusement pas à sauver de l'ennui des compositions sans réelle profondeur où Alcest se contente d’effleurer la surface des choses...

Shelter, c'est comme bouffer un Big Mac sans viande, y'a du pain, du fromage, de la sauce, de la salade, ça peut éventuellement se laisser manger mais il manquera toujours un truc pour que ça marche et que le plaisir soit complet, Alcest est devenu végétarien, tant mieux pour eux s'il s'en satisfont, j'avoue rester sur ma faim à l'écoute d'un Shelter que je trouve ennuyeux et bien trop léger.
Reste un album lumineux, propice à la rêverie, ce qui est habituel chez Alcest, mais cette fois-ci, l'incroyable beauté formelle ne fait que masquer une merveilleuse coquille vide, délesté de ses racines abrasives, Alcest se retrouve à poil et joue les ingénues en minaudant, peut-être suffisant pour élargir son audience à d'autres sphères, peut-être pas, car la perte d'identité et d'équilibre est bien dramatique ici...

L'ennui...
Track Listing:
1. Wings
2. Opale
3. La nuit marche avec moi
4. Voix sereines
5. L'eveil des muses
6. Shelter
7. Away