dimanche 7 juillet 2019

[Chronique] Abbath - Outstrider

Dans la grande lutte post-split d'Immortal pour savoir qui allait faire du meilleur Immortal entre l'ex-Immortal et meme-humain Abbath et le Immortal avec Demonaz de retour aux affaires, il n'y avait pas vraiment eu match, malgré toutes les limitations dues au recyclage pratiqué par l'Immortal de Demonaz, Northern Chaos Gods était un album bien plus cool que la petite chiure éponyme d'Abbath sortie il y a déjà trois ans, il faut dire que là où Immortal puisait son inspiration et son énergie aux origines du groupe (alors que paradoxalement il recyclait plutôt du Immortal post-2000), Abbath avait choisi de recycler... All Shall Fall, ce qui était carrément une putain d'impasse artistique et le signe que le gars avait décidé de vite torcher son disque sans trop se faire chier.
Partant de là, qu'attendre de ce second album d'Abbath en solo? bah rien, et ça tombe super bien, puisque c'est exactement ce que va nous donner le père Abbath, un grand rien.

Pas la peine de chercher King ov Hell ou Creature/Kevin Foley sur la photo, c'est une toute nouvelle bande d'intérimaires qui a été embauché par Abbath pour bosser sur son nouvel album, on y trouve Mia Wallace à la basse, parce qu'une femme dans un groupe ça fait super inclusif et ça attirera l'attention, un finlandais, Ukri Suvilehto, qui se retrouve sur le siège éjectable de simple exécutant derrière les fûts, et un certain Ole André Farstad aux leads, mais ne vous inquiétez pas, on s'en bat les couilles de qui est dans ce groupe, ces gens sont de simples exécutants recrutés pour leur professionnalisme et leur capacité à jouer ce que Abbath et le management leur disent de jouer, après tout, le groupe s'appelle Abbath et c'est sa gueule qui est sur la pochette, c'est bien la seule chose qui importe pour qui est intéressé par ce genre de produit, parce que oui, Outstrider n'est rien d'autre qu'un produit, du Black Metal finement marketé et destiné à plaire au plus grand nombre... et générer de nouveaux memes mettant en scène Abbath dans des poses rigolotes pendant la promotion du bouzin.

Un produit destiné à faire vendre des t-shirts, justifier une tournée, et cimenter le statut d'Abbath comme une personnalité à la notoriété qui pèse dans le milieu du Métal™, ce qui est cool pour lui, car c'est ce genre de notoriété qui permet de ramasser un beau billet chez tous les festivals estivaux européens toujours en galère pour trouver des têtes d'affiches, il faut réaliser qu'avec cette démarche professionnelle où tout est carré et prévu, Outstrider ne peut pas être un album véritablement mauvais, car ce que fait Abbath, c'est la resucée attendue du Immortal post-At the Heart of Winter, le recyclage habituel en somme, et ce n'est pas pour rien que le premier single dévoilé était Harvest Pyre, qui est la quintessence du Abbath en pilotage automatique à l'aise dans son Black mid-tempo glacial, rien de honteux là-dedans, c'est juste du réchauffé, et ça laissait augurer une nouvelle fois d'un album sans aucune putain de prise de risque qui allait appliquer toutes les recettes traditionnelles avec les grosses ficelles et son avalanche de clichés, vous allez me dire que c'est pas loin de ce qu'à fait Immortal sur son album de retour l'année dernière, ouais, sauf que chez Immortal il y avait un facteur fun dans leur recyclage, ce qui sera complètement absent d'Outstrider, mais bon, on parle ici d'un produit de consommation courante, tout est calculé et bien trop calibré pour pouvoir générer du fun.

Outstrider est, vous l'imaginez bien, très facile à appréhender, c'est un album de pantouflard qui est un mélange de Immortal post-2000 et le projet I, qui était un truc poussé par Nuclear Blast pour faire du pognon et qui avait sorti un disque d'hybride Heavy/Black pas terrible en 2006, Outstrider c'est le mélange habituel des influences d'Abbath, avec toutes les mêmes limitations artistiques qui avaient plombé Immortal sur la fin avec All Shall Fall, Outstrider doit bien être le disque le moins excitant de l'année, c'est le genre d'album qui n'est pas mauvais, qui ne peut d'ailleurs pas l'être, mais qui ne peut jamais être très bon non plus, Outstrider est une collection de morceaux composés et joués par des personnes particulièrement compétentes, mais sans génie ni moment d'excitation particulier, sans surprise non plus, tout ce qui se passe ici est irrémédiablement prévisible et autant le dire, sans vraiment d'âme, on est même parfois en dessous du premier album en terme de créativité de la section rythmique, Kevin Foley et King ov Hell, c'était quand même autre chose que les deux nouveaux intérimaires anonymes qui se contentent de faire le boulot comme lors d'une journée au bureau quelconque.

Outstrider c'est quasiment un album de Black pour les gens qui n'écoutent pas vraiment de Black, ou alors pour des gens qui son restés bloqués sur une période très particulière de la carrière d'Immortal et qui veulent écouter la même chose encore et encore, sans aucun changement ni variation dans la recette, Abbath nous sert son Black à la Immortal avec ses riffs spécifiques, et il faut le dire plutôt unique, mais dans des structures basiques, où les petits moments atmosphériques arrivent toujours aux mêmes moments et sont toujours un peu les mêmes, avec quelques arpèges glaciaux et du groove à revendre, avec la simplicité structurelle du hard rock, et franchement, déjà que le premier album était pas terrible et souffrait terriblement de ce caractère safe et réchauffé, alors imaginez la frustration provoquée par cet Outstrider qui nous refait exactement la même chose, et souvent en moins bien, un morceau comme Land of Khem souffre d'un manque de direction certain, ça ressemble à un enchevêtrement de riffs et de leads sans aucun sens, la chanson-titre Outstrider semble être un leftover pas assez bon qui avait été mis de côté pendant les sessions de Sons of Northern Darkness, Outstrider étant trente-cinq minutes d'ennui relatif et ce n'est pas la cover de Bathory Pace 'Till Death que vous trouverez sur la version limitée qui remontera l'intérêt, c'est une fois de plus Abbath qui joue de son professionnalisme pour une reprise appliquée et sans génie d'une vieillerie.

Vous l'aurez compris, il n'y a rien à retenir de ce second album solo d'Abbath (le troisième si on considère que l'album de I en était un), c'est la soupe habituelle sans prise de risque, plombée par une remarquable absence de fun et d'envie de faire autre chose.
C'est pas nul, c'est pas honteux, c'est pas une daube, mais putain ce que ça peut être chiant et pas du tout excitant, c'est un produit musical de consommation courante des entreprises Abbath, qui applique la même recette afin de maintenir ses parts de marché et sa base de consommateurs, c'est tout ce que c'est, du Black chargé de Heavy et de Hard Rock groovy avec tous les clichés, les lieux communs et les facilités d'écritures habituelles, y'a rien de neuf, rien d'enthousiasmant, passez votre chemin et allez plutôt écouter le dernier Immortal, lui aussi c'est du réchauffé et du recyclage hein, mais avec de l'envie et du fun en plus, ce qui change pas mal de choses finalement...
Track Listing:
1. Calm in Ire of Hurricane  04:32
2. Bridge of Spasms  03:49
3. The Artifex  04:09
4. Harvest Pyre  04:12
5. Land of Khem  04:08
6. Outstrider  05:39
7. Scythewinder  04:17
8. Hecate  04:25