mercredi 17 avril 2019

[Chronique] Waste of Space Orchestra - Syntheosis

Cet album de Waste of Space Orchestra est probablement l'un des albums les plus attendus de l'année par tous les amateurs de la frange Metal orientée machin psychédélique avant-gardiste, un objet musical difficilement identifiable qui est le fruit d'une collaboration finlandaise entre Dark Buddha Rising et Oranssi Pazuzu, à l'origine un projet commissionné par le Festival Roadburn pour une prestation live lors de l'édition 2018, ce qui devait être éphémère semble désormais s'inscrire dans une certaine réalité, et plutôt que nous servir une captation live de la performance, les finlandais se sont enfermés en studio pour livrer une lecture plus approfondie du concept développé à l'origine, et partant de là, quand on parle de concept et qu'on inclut le Black psychédélique d'Oranssi Pazuzu et le Sludge/Doom de Dark Buddha Rising, on obtient une mixture progressive incroyablement dense et compliquée à appréhender, ce qui n'empêchera pas Syntheosis d'être une réussite en tout point pour qui décidera de se perdre dans ce labyrinthe sonore.

Musicalement, Waste of Space Orchestra est exactement la somme de ce que sont Dark Buddha Rising et d'Oranssi Pazuzu, du Black/Sludge/Doom/Drone psychédélique progressif avant-gardiste, le tout canalisé, à moins que ce soit l'inverse, par un concept bien évidemment flou et superbement pompeux, trois vocalistes pour chacun des rôles principaux de cette curieuse histoire de rituel ayant pour but d'ouvrir un portail vers une autre dimension, et pour accomplir ça nos trois amigos devront unir leurs esprits afin de former une conscience collective, il y aura The Shaman, qui a des visions sinistres du future de l'humanité, The Seeker, qui chercheur une certaine vérité des dimensions parallèles, et The Possessor, qui est une espèce de parasite qui corrompt les autres et les manipule dans un but cryptique, bref, c'est bien évidemment très difficilement compréhensible, mais malgré tout ce concept sera important car chaque intervention des protagonistes provoquera un changement de coloration et une mutation de la musique de Waste of Space Orchestra, sorte de kaléidoscope de personnalités diverses, le fait que le titre de l'album soit un mot composé de Synthèse et de Théosis en dit long sur la volonté du groupe de créer quelque chose d'unique sur le plan de l'expérience  spirituelle.
Malgré tout, ne vous attendez pas à une véritable album de Metal à proprement parler, avec Syntheosis, ce sont les atmosphères qui sont véritablement privilégiées, les riffs étant principalement utilisés pour leur caractère menaçant et pour amener des variations de thèmes très précis, Syntheosis aura également un très fort penchant pour le Doom/Drone, l'instrumental Void Monolith ouvrira l'album sur une note prononcée de post-Rock psychédélique malgré tout bien burné et Heavy qui sert de long prologue à The Shamanic Vision, une sorte de build-up perturbé et traversé de multiples soubresauts et changements de direction, avec un chant bien évidemment maladif d'un type échappé de l'asile du coin, c'est ce qui se rapprochera le plus d'Oranssi Pazuzu d'ailleurs, et il ne faudra pas s'y habituer, car Seeker's Reflection montrera une toute autre facette du collectif, une variation de drone avant-gardiste hallucinogène qui pourrait éventuellement se rapprocher d'un rejeton cinglé du In Somniphobia de Sigh et du Blood Inside d'Ulver, on est quand même sur un niveau de bizarrerie particulièrement élevé, et au niveau des intentions on est pas très éloigné non plus de l’exubérance et du caractère conflictuel de The Axis of Perdition, eux aussi avaient l'habitude de manier les larges concepts abscons.

Wake Up the Possessor sera une sorte d'extension de tout l'univers Oranssi Pazuzu vers le Doom/Drone, ce qui est le contraire du projet sous acide Atomikylä, première collaboration entre deux membres d'Oranssi Pazuzu et deux de Dark Buddha Rising qui date de quelques années, avec Waste of Space Orchestra, on a plutôt tendance à déconstruire le Black psychédélique et le diluant dans le Doom et les colorations répétitives du Drone, certaines explosions assez proches du Black/Death joueront le rôle de soupapes de décompression dans ce morceau chargé de tensions et développant un univers cauchemardesque, et dans cette mouvance là, Vacuum Head s'avérera un morceau particulièrement brillant par son caractère tumultueux et son approche psychédélique frontale et menaçante, ce qui n'empêche pas le morceau d'être incroyablement texturé, ce titre déborde littéralement de trouvailles sonores et d'expérimentations, les arrangements sont géniaux, ce qui sera le cas sur l'intégralité de l'album, Vacuum Head est presque à l'exact opposé d'un Journey to the Center of Mass qui joue sur le Drone infusé dans l'électronique minimaliste, un morceau très dépouillé aux ambiances extra-dimensionnelles pendant un long build-up de sept minutes qui amène une sorte de Doom/Black aux structures floues aux arrangements grandioses et grandiloquents.

Syntheosis n'est pas franchement le genre d'album qui se décrit aisément, on est davantage face à un album qui se vit comme une expérience sensorielle et spirituelle, un disque qui se rapproche plus de la phénoménologie que du simple album de Metal, aussi psychédélique et avant-gardiste qu'il soit, Waste of Space Orchestra développe un son également impalpable, où chaque instrument, où chaque voix, semble extrait d'une autre dimension et converge dans un disque qui est un véritable effort collectif et cohérent, Syntheosis est véritablement la somme de deux groupes, un univers étendu de deux projets à la base différents, même si de nombreux ponts se sont créés entre eux ces dernières années, et qui culmine ici, Waste of Space Orchestra, malgré le fait qu'il soit un amalgame, est un projet unique et sa musique l'est également, un album d'une richesse inouïe (et qui jamais ne sature l'auditeur sous une tonne d'informations à la seconde), où les différentes séquences parviennent à former un tout cohésif, entre rêve et réalité, entre cauchemar et espoir de divin, un album comme une expérience dont on ne ressort définitivement pas indemne.
Track Listing:
1. Void Monolith  05:06
2. The Shamanic Vision  04:30
3. Seeker's Reflection  05:04
4. Journey to the Center of Mass  10:36
5. Wake Up the Possessor  08:38
6. Infinite Gate Opening  06:51
7. Vacuum Head  04:48
8. The Universal Eye  05:35 
9. Syntheosis  13:02