mercredi 21 novembre 2018

[Chronique] Azusa - Heavy Yoke

J'espère que vous aviez apprécié l'album come-back d'Extol sorti il y a déjà cinq ans, parce que comme c'est parti on est pas sûr d'en avoir un autre, le groupe est reparti en hibernation et ne donne plus aucun signe de vie.
La raison pour laquelle je vous parle d'Extol en intro de cette chronique d'Azusa est que justement on trouve dans ce nouveau projet la batteur David Husvik et l'ancien guitariste de la formation norvégienne Christer Espevoll, deux membres originaux d'Extol qui ont récupéré dans l'aventure l'ancien bassiste de The Dillinger Escape Plan Liam Wilson et, plus surprenant, la chanteuse Eleni Zafiriadou qui nous vient du groupe de pop Sea + Air, ce premier album Heavy Yoke est finalement conforme à ce qu'on pouvait en attendre, ouais, Azusa c'est tout simplement Extol avec une chanteuse...

Ok, bien sûr, j'exagère un petit peu, mais pas tant que ça, car une bonne partie d'Heavy Yoke va directement renvoyer à Extol au point d'en faire par moment une sorte d'album d'Extol bis qui existerait dans un univers parallèle, c'est du Extol mais sans jamais en être totalement tout en en étant fondamentalement, vous aurez bien compris que le fait d'avoir recours à une chanteuse va forcément jouer dans ce processus de différenciation, avec une Zafiriadou  qui apporte, heureusement, quelque chose d'autre par rapport à Peter Espevoll, aux hurlements Hardcore viendront se greffer quelques mélodies vocales qui font très pop/indie, ce qui va apporter un contraste intéressant avec l'espèce de pseudo prog Thrash sur lequel elle évolue.

D'ailleurs quand je vous dis que Heavy Yoke renvoie directement à Extol, c'est à un album très précis, justement le dernier sur lequel jouait Christer Espevoll avant de quitter le groupe, Synergy, qui est un album un peu pivot entre le Death prog technique des débuts et le rock alternatif vers lequel s'orientera le groupe temporairement par la suite, on pourrait presque considérer Heavy Yoke comme une espèce de tentative de refaire une version légèrement modernisée de Synergy avec cette fois-ci une chanteuse, Heavy Yoke sera bien charpenté autour d'une énergie Thrash progressive un poil raw et d'un chant aux différentes intonations mélodramatiques, formant un ensemble souvent un peu trop erratique.

Erratique, c'est un mot qui est revenu très souvent dans les notes que j'ai prises en écoutant ce disque, Heavy Yoke donne parfois l'impression, avec ses morceaux très courts, de sauter de genre en genre sans trop de raison particulière, en balancer des tonnes d'idées sans jamais vraiment prendre le temps de les développer, ce qui est vraiment dommage, il y a de nombreux morceaux qui sonnent comme des ébauches et des figures de styles, comme une démo de ce qu'est capable de faire le groupe, Fine Line est un morceau très court, très mélodique aussi, qui me fait immanquablement penser à la période gothique de Paradise Lost, pas le Gothique de Gothic hein, le Goth électro des années 2000, ce morceau est posé là sans aucune relation avec le reste de l'album, sur le morceau suivant Lost In The Ether, on naviguera dans un bordel techno-Thrash avec des passages martiaux qui cohabiteront avec des moments schizophrénique où Zafiriadou alternera entre des hurlements pénibles et des délicates envolées aériennes, ce titre donne vraiment l'impression que personne ne sait où il va, impression confirmée par une fin en fade-out de grosse feignasse, Succumb To Sorrow apparaît également comme un morceau succinct qui mélange un peu tout et n'importe quoi, comme s'il était encore en chantier et qu'il s'était retrouvé sur l'album par accident, incompréhensible.
La prestation de Zafiriadou sera d'ailleurs très polarisante, ça commence plutôt bien, car Interstellar Islands est un titre d'ouverture de très haute volée où l'alternance entre les différents types de chant fonctionne diaboliquement bien sur un morceau certes très imprévisible mais où la fougue se retrouve correctement canalisée, ce sera d'ailleurs récurrent sur l'album, le chant sera bien moins crispant sur les morceaux les plus contenus, ou les plus aboutis, quand musicalement le groupe se laisse aller à faire n'importe quoi, sa chanteuse suit le mouvement de manière bien désagréable, il y a pourtant pas mal de morceaux qui fonctionne, comme Heart of Stone, Spellbinder, ou encore cet improbable Iniquitous Spiritual Praxis à la fois direct, dense, mais superbement aéré et dégageant un délicieux sentiment de malaise, mais ces morceaux côtoient d'authentiques merdiers chaotiques qui sont autant d'expériences ratées, des morceaux non-aboutis, presque des embryons pas assez développés pour être satisfaisants.

On aurait aimé un album qui joue sur les contrastes, on se retrouve avec un ensemble disparate qui mélange souvent tout et n'importe quoi, Heavy Yoke souffre d'un manque de direction et de cohérence, c'est un album qui n'est pas abouti, et c'est désagréable d'écouter un morceau qui te lance quelques bonnes idées sans jamais prendre le temps d'en développer une seule, Heavy Yoke est un album erratique, c'est un Extol qui aurait décidé de mélanger toutes ses différentes périodes en jetant par dessus une grosse louche d'Indie/Pop, le résultat est complètement aléatoire selon les morceaux, et ça n'a souvent aucun sens, j'entends bien que c'est un premier album, mais quand on voit le CV de ses instigateurs, dont les deux gars d'Extol qui ont été les principaux architectes des géniaux premiers albums du groupe, il y a de quoi être déçu par cet album à moitié terminé dont on peu se demander pourquoi il est sorti dans cet état alors qu'une bonne moitié des morceaux portent encore l'étiquette en chantier.

Je vous disais en introduction que Heavy Yoke était un album d'Extol avec une chanteuse, j'aimerais préciser, Heavy Yoke est un album d'Extol plutôt mauvais, complètement en roue-libre, avec une chanteuse crispante qui a tendance à toujours faire la même chose sur chacun des titres d'une tambouille qui n'a de toute évidence pas assez mijoté, et ça me fait chier d'écrire ça, car certains morceaux de Heavy Yoke sont de vraies claques, mais ils sont bien minoritaires et perdus dans un ensemble chaotique et disparate de fusion bordélique.
Track Listing:
1. Interstellar Islands  03:40
2. Heart Of Stone  03:47
3. Heavy Yoke  04:01
4. Fine Lines  01:57
5. Lost In The Ether  03:15
6. Spellbinder  02:39
7. Programmed To Distress  03:03
8. Eternal Echo  03:24
9. Iniquitous Spiritual Praxis  03:38
10. Succumb To Sorrow  01:47
11. Distant Call  02:53