mardi 17 juillet 2012

[Chronique] Nile - At The Gate Of Sethu


Il existe une une règle qui prévaut pour une majorité des groupes de Death Metal: Toujours se tenir à ce que tu sais faire, car l'histoire a démontré qu'à chaque fois qu'un groupe s'est aventuré sur un territoire qui n'était pas le sien, le résultat fut un désastre, c'est la jurisprudence Morbid Angel, ou Cryptopsy.
Bien sûr, et c'est ce qu'a toujours réussit à faire Nile tout au long de sa discographie, un groupe de Death Metal doit toujours proposer une petite évolution, voir même, n'ayons pas peur des mots, une expérimentation, sans cela, il risque de lasser et de tomber dans la case Cannibal Corpse ou Amon Amarth, à savoir des groupes qui sortent toujours le même album, rassurant, certes, mais atrocement inintéressant.
De ce point de vue, la discographie de Nile, considéré comme le plus gros groupes de Death Metal actuel, est inattaquable, un son particulier, identifiable, une certaine vision du Death Metal, chaque album proposant une petite variation le rendant unique sans pour autant trahir la cause.
Seulement voilà, il existe une autre règle en vigueur dans le Death, si toute ta discographie est parfaite et sans fausse note, il arrivera forcement un moment ou tu vas te vautrer, malheureusement pour Nile, ça tombe sur son nouvel album, At the Gate of Sethu...

Bon, ok, j'admets, le groupe avait déjà montré quelques signes de faiblesses, sur Ithyphallic surtout, mais s'était bien refait la cerise avec un dévastateur et plus inspiré Those Whom the Gods Detest, mais jamais le groupe ne s'était autant ramassé qu'avec At the Gate of Sethu.
Pourtant, tout ce qui fait la particularité de Nile est là, les thèmes ésotériques sur l'ancienne Egypte, bien sûr, mais surtout ce son dense, touffu, étouffant, ainsi que les différents gimmicks du groupe à base d'ambiances égyptiennes, seulement voilà, At the Gate of Sethu se contente de nous resservir exactement la même chose que par le passé, mais en moins bien.
Bref, Nile n'a absolument rien changé à sa musique, et s'est tenu à la règle d'or énoncé en introduction, malheureusement en ne mettant rien de neuf sur la table cette fois-ci, alors évidemment, on peut toujours se dire que c'est une bonne chose, après tout, Nile faisant du Nile, c'est plutôt rassurant, encore faudrait-il que l'inspiration soit au rendez-vous, ce qui n'est pas vraiment le cas ici.
A défaut de proposer une quelconque idée nouvelle, Nile va bourriner, tabasser, et rentrer dans le lard, comme presque jamais auparavant, au point de devenir ennuyeux, et au final une véritable caricature de lui-même, leur Death se faisant complètement mécanique et stéréotypé, le tout pas aidé par une production défaillante qui ne sied pas du tout à la musique du groupe.
C'est bien ce qui faisait toute la saveur des albums de Nile, ce son dense, qui permettait au groupe de mélanger brutalité, passages doom, et atmosphères, l'ensemble formant un tout, complexe, étouffant, la production de At the Gate of Sethu est bordelique, pour la première fois, on remarque les différentes couches qui s'amoncellent sans se fondre entre elles, le sont de guitare est plat, la basse a disparu, le chant est bizarrement mixé, sans aucune puissance, et surtout, la batterie de George Kollias, toujours aussi monstrueux d'ailleurs, avec une avalanche de blast beats en tout genre, apparaît comme isolé, occupant plus d'espace que nécessaire, pour un résultat bien entendu assommant, paradoxalement, on est pas dans une production en plastique comme le Metal moderne nous y a habitué, c'est même plutôt le contraire ici, tant l'ensemble sonne "brut", un choix certes assez honnête, mais qui ne colle pas du tout avec la musique de Nile.
L'exemple du premier titre est d'ailleurs assez révélateur de l'album, Enduring the Molestation of the Flame est construit exactement de la même manière que le titre d'ouverture de l'album précédent, Kafir!, c'est bourrin, violent, avec le passage plus lent de rigueur fidèle au cahier des charges et le gros solo rapide qui déboule derrière, du grand classique à la Nile, mais en moins bien, car c'est bien ce qu'est cet album, Those whom the gods detest en moins bon, et en moins inspiré, Nile se lancerait-il dans une grande opération recyclage de riffs et d'idées avec cet album?
Tout ce que vous écouterez avec ce disque, vous l'avez déjà entendu auparavant, et en mieux, car oubliez les titres épiques auxquels Nile nous avez habitué par le passé, car noyé dans cette brutalité, les atmosphères sonnent faux, tombant comme un cheveux sur la soupe, sans volonté de les intégrer véritablement aux morceaux.
De la même manière, le doom caverneux du combo passe à la trappe, et même quand le groupe tente le long titre doom épique, comme avec The Chaining of Inquitous, on se retrouve avec un titre qui tourne en rond et qui ne va nulle part, si ne n'est aux confins de l'ennui...
Chaque titre est plat, direct, et semble déjà entendu, et ne procure pas vraiment de moments inoubliables, on est dans le stéréotype, le gimmick pur et simple, les atmosphères ont été virés des morceaux, relégués à deux vulgaires interludes, oubliés les structures labyrinthiques et les pièces épiques, on bourre, on bourre, on bourre, et au final, on a rien retenu, une impression renforcé par ce côté monolithique, et bizarrement chaotique, mais dans le mauvais sens du terme, At the gate of Sethu apparaît plus comme un vulgaire assemblage de riffs recyclés et pas du tout inspirés, et sans aucune magie.
Bien sûr, techniquement, on est dans le top niveau, les riffs et les soli sont exécutés à la perfection, Kollias est un batteur monstrueux, même si son son de batterie est trop clinique, mais ce chant m'a profondément fait chier, avec une prédominance de ces hurlements incantatoires au détriment du growl caverneux, ce qui renforce encore plus le sentiment que le disque manque de puissance brute, en fait, l'utilisation de ce chant donne à l'album un côté théâtral assez factice à Nile, surtout que ce chant est souvent à côté de la plaque, en décalage avec la musique, du coup, pas vraiment de moments forts sur cet album, Supreme Humanism of Megalomania est peut-être l'un des seuls titres qui m'a tiré de ma torpeur, c'est peu, sur presque cinquante minutes de Death Metal...

At the Gate of Sethu est donc un album bizarre de Nile, rassurant car le groupe reprend tous les éléments qui ont fait son succès et continue dans un Death Metal pur et dur, mais profondément décevant, car ses armes sont ici très mal employés, au sein de compositions paresseuses et peu inspirées, un peu comme si la machine Nile tournait à vide, en se contentant de recycler son passé et de vivre sur ses acquis, ajoutons à cela un son manquant cruellement de puissance, et vous obtenez le plus mauvais disque de la discographie du groupe, ni plus, ni moins.
Un album anecdotique qui n'a pas grand intérêt et qui sera vite oublié, rien de neuf ici, Nile fait du Nile, sans magie, sans inspiration, en accumulant ses clichés et ses gimmicks, dans un vacarme assez vain...

Sans puissance, la maîtrise n'est rien... sans inspiration non plus...
2 / 5