vendredi 30 novembre 2018

[Chronique] Sigh - Heir to Despair

Difficile de décrire la carrière de Sigh à ce stade de son histoire tant le groupe de Mirai Kawashima apparaît plus insaisissable que jamais après presque trente ans d'existence, Sigh est indescriptible depuis ses débuts en 1990 et personne ne semble en mesure d'en donner une grille de lecture aujourd'hui, Sigh se traîne aussi une discographie complètement disparate et hétéroclite où le pire côtoie le meilleur, avec de fugaces moments de génies qui semblent être chez le fan largement suffisants pour éclipser les larges passages à vide qualitatifs et ses albums au mieux passables comme autant d'expérimentations ratées, Sigh étant un groupe aussi bizarre qu'innovant qui a toujours eu le mérite d'essayer de nouvelles choses, et tant pis le fort taux d'échec, la discographie de Sigh peut être résumer par les deux derniers albums, In Somniphobia était un putain de coup de génie, un album éblouissant et presque l'accomplissement de toute la trajectoire du groupe, à son opposé, l'album suivant Graveward était... une merde ¯\_(ツ)_/¯

Avec Graveward, Sigh était retombé dans ses pires travers avec un album complètement bordélique et sans queue ni tête, un naufrage d'autant plus incompréhensible qu'il faisait suite au phénoménal In Somniphobia, un tel sabordage demeure encore aujourd'hui inexplicable, mais malgré tout, il y avait de l'espoir pour que l'album suivant, i.e celui-ci, soit une réussite, car tout est possible avec ces imprévisibles japonais, le meilleur comme le pire, le pire comme un second disque foiré, ce qui sera le cas d'un Heir to Despair en tout point médiocre, même si légèrement moins dégueulasse que ne pouvait l'être Graveward, et comme d'habitude avec Sigh, il est différent de l'album précédent, Heir to Despair est un échec, mais est une toute autre forme d'échec que ne pouvait l'être Graveward.
Heir to Despair n'est pas, contrairement à l'album sorti il y a trois ans, un gigantesque bordel baroque incompréhensible confus avec un son de merde, Heir to Despair est juste un disque lamentablement chiant et dépourvu d'une certaine forme de folie, j'avais déjà évoqué ce sujet avec Graveward, on assiste depuis désormais deux albums à une certaine normalisation de la folie chez Sigh, c'est à dire que Sigh fait dans la folie recyclée qui déploie des éléments excentriques pour la simple et bonne raison que cela correspond au cahier des charges et que c'est ce que veulent les fans, Sigh a perdu la notion de sens, et se retrouve désormais à empiler des éléments hétéroclites sans aucune raison particulière, ce qui donne le sentiment d'écouter des morceaux qui sont comme autant de figures de styles imposées, qui ne sont que des vecteurs à des machins bizarres, Heir to Despair est de plus un album chiant car c'est l'un des moins couillus de l'histoire du groupe, Sigh a déjà fait dans le très atmosphérique/jazzy électronique mais c'était toujours intéressant, surtout In Somniphobia d'ailleurs, ici c'est juste irrémédiablement plat et sans aucun dynamisme, prenez le titre d'ouverture Aletheia, on a affaire à un morceau de plus de sept minutes qui sonne exactement comme si on avait pris une intro d'une minute trente et que sans aucune raison on avait décidé de l'allonger jusqu'à atteindre un sentiment d'ennui total, ce titre ne va nulle part, et ne commence jamais véritablement, on tourne en rond avec un riff et demi et une ambiance psychédélique à base de flûtes et d'ambiances orientales (l'album est d'ailleurs gavé de Shamisen, instrument traditionnel local), le fait qu'on ait une dernière minute de bruitages électroniques nazes à partir d'une louche de piano façon saloon qui n'a rien à foutre là n'est qu'une autre démonstration de l'incapacité qu'à Sigh aujourd'hui à ne faire autre chose que du bizarre pour du bizarre sans justification.

Homo Homini Lupus sera un peu plus conforme au son "traditionnel" de Sigh, on a affaire à un morceau qui est une résurgence de son Heavy/Black psychédélique, ici présenté dans une version basique et minimaliste, Sigh ne proposant rien de vraiment probant, aucune plus-value à un morceau qu'il a déjà fait en largement mieux sur globalement tous ses albums depuis le début, que dire également de la très grosse et monumentalement pataude référence à Iron Maiden sur ce morceau si ce n'est que c'est juste gênant et digne du plus mauvais fan service (on notera que Phil "Sieg Heil" Anselmo fait une apparition sur ce morceau, même en le sachant aucune idée de ce qu'il y fait), quant à In Memories Delusional, on a l'impression que Sigh s'est juste contenté de prendre une dizaine de morceaux qui ne vont pas ensemble et les à fait s'accoupler de force, on navigue de genre en genre, une tranche après l'autre, sans aucune cohérence, ouais, c'est juste du merdier qui encore une fois ne sert aucune volonté d'aller quelque part.

Vous vous souvenez quand Sigh était capable de pondre de merveilleux titres à tiroirs finement ambiancés divisés en plusieurs chapitres, ah c'était le bon temps, aujourd'hui faut se farcir le triptyque Heresy qui est un cauchemar psychotique à base d'électronique minimaliste qui se retrouve confronté à du recyclage de thème de musique classique, on atteint un sacré niveau de nullité, surtout sur les parties deux et trois qui ne sont rien d'autres que des délires électroniques cacophoniques, ça dure quasiment douze minutes en tout hein, c'est pas comme si c'était un petit truc inconséquent, c'est supposé être le plat de résistance de l'album, la pièce la plus ambitieuse du disque alors que c'est juste Kawashima qui fait joujou avec des claviers en te chiant dans les conduits auditifs, au moins après une telle purge on appréciera toute la médiocrité d'un Hands of the String Puller mou de la bite et tout aussi incohérent que le reste, une fois encore ce titre est une sorte de mash-up débile torché n'importe comment qui mélange folk asiatique avec de la flûte de merde à du Heavy/Black psychédélique avec une fois encore une grosse référence à Iron Maiden, le titre éponyme qui clôture l'album est encore pire, c'est exactement le même principe que le morceau qui le précède, en deux fois plus long putain, dix minutes à se faire balader dans le capharnaüm de Sigh, une fanfare de kermesse hétéroclite où chaque musicien bourré jouerait une partition différente, va te faire enculer Sigh.

Heir to Despair est une pantalonnade grotesque, où quand l'excentricité du groupe devient contre-productive car plus du tout canalisée, plus rien n'a de sens dans la musique de Sigh, un groupe qui n'a plus d'autre ambition que d'accumuler tout un tas d'éléments hétéroclites sans aucune justification ni direction, la musique de Sigh est ça, un gros magma informe d'éléments jetés là-dedans de manière aléatoire, le résultat ne pouvait qu'être un gros merdier erratique et c'est exactement ce qu'est Heir to Despair, l'album est de plus surproduit avec une tonne d'instrumentations Folk et psychédéliques intégrées de force dans des morceaux médiocres, Sigh en fait désormais trop, son excentricité, auparavant naturelle, apparaît désormais comme forcée et ne faisant plus partie que d'un cahier des charges devenu illisible à force de rajouter des couches et des couches de conneries bizarres.
L'écoute de Heir to Despair, avec un songwritting porté disparu, s'avère en tout point désagréable, le genre d'album que rien ne saurait pardonner malgré la sympathie que j'éprouve envers ce groupe, monde de merde...
Track Listing:
1. Aletheia  07:23
2. Homo Homini Lupus  05:33
3. Hunters Not Horned  06:47
4. In Memories Delusional  06:17
5. Heresy (Part 1: Oblivium)  07:28
6. Heresy (Part 2: Acosmism)  01:45
7. Heresy (Part 3: Sub Species Aeternitatis)  02:26
8. Hands of the String Puller  04:48
9. Heir to Despair  10:15