jeudi 27 septembre 2018

[Chronique] Voivod - The Wake

Sorti il y a déjà cinq ans, Target Earth marquait ce que l'on pouvait considérer comme un vrai retour pour Voivod, non pas que le groupe avait vraiment disparu, mais il faut bien avouer que depuis le milieu des années 90, entre les problèmes de line-up, le décès de son guitariste Piggy en 2005, et des albums pas vraiment bons, surtout dans les années 2000, la trajectoire de Voivod s'était écrite en pointillés au point qu'on imaginait pas forcément que les canadiens parviennent à se reprendre et à remettre la machine en route, c'est pourtant ce qui s'était passé avec Target Earth, album remarquable qui était parvenu à complètement relancer le groupe et à le replacer sur l’échiquier des légendes du Metal encore en activité, parce que ouais, Voivod est un groupe légendaire, peut-être pas le plus accessible ni le plus bankable, mais probablement l'un des plus novateurs et influents des années 80, toujours prompt à se remettre en question et à continuer son évolution plutôt que de vainement se répéter...

Bah ouais, vous pensiez quoi? que Voivod allait se la couler douce et se contenter de chier un Target Earth part 2 confortable et sans risque? C'est pas le genre de la maison, et que ça passe ou que ça casse, il était évident que ce nouvel album allait être différent, et par bien des aspects, The Wake s'inscrit dans la trajectoire logique d'un groupe bien décidé à explorer davantage sa dimension progressive, l'EP Post Society sorti en 2016 emmenait d'ailleurs le groupe dans cette direction, The Wake sera la confirmation que Voivod connait de nouveau un pic de créativité surprenant pour un groupe aussi ancien, l'arrivée en 2008 du guitariste Daniel 'Chewy' Mongrain n'est probablement pas étranger à ce retour au premier plan, et d'ailleurs en parlant de line-up, le bassiste Blacky s'est barré après Target Earth pour être remplacé par un certain Rocky.

On ne va pas trop tourner autour du pot dans cette chronique, et si Target Earth était le meilleur album de Voivod depuis au moins dix ans, The Wake lui est probablement supérieur en terme d'inventivité, on pourrait presque dire qu'on a affaire au meilleur album de Voivod depuis The Outer Limits, ce qui remonte quand même à 93, c'est vous dire le niveau de qualité (et d'étrangeté aussi) atteint par The Wake, évoluant comme une version plus progressive d'un Thrash anticonformiste weirdo punk psychédélique, avec un concept qui va connecter les huit morceaux de l'album, narrant une histoire comme vous pouvez l'imaginer bien bizarre, l'histoire de l'humanité tiens, qui découvre qu'elle n'est pas seule dans l'univers, l'album explorant toutes les ramifications (chaos, déni, conflits, dimension religieuse, la place de l'homme dans l'univers, sa possible obsolescence...) de cette découverte, ce concept va permettre au groupe de proposer une expérience particulièrement immersive et cohérente malgré une musique toujours aussi serpentante et prompte aux changements de directions, ouais, on est chez Voivod, le songwritting n'est pas des plus linéaires et c'est comme ça qu'on aime les canadiens.
Pourtant l'album débutera sur un morceau plutôt accueillant, vraiment catchy, ce qui est marrant c'est que dans le genre prog psychédélique "accessible" Voivod met une grosse branlée à tout ce qu'a fait Mastodon depuis dix ans en cinq petites minutes, Obsolete Beings est le genre de morceau posé, à la structure assez simple qui évite le caractère rugueux du Thrash pour une forme d'agressivité maîtrisée, le morceau à proprement parler dure quatre minutes, il inclut une dernière minute et demi qui sert un peu de narration et de connecteur avec le morceau suivant, et un The End of Dormancy où les choses vont se faire bien plus bizarres, Voivod se fait plus dur, plus menaçant, comme le chant de Denis 'Snake' Bélanger, avec un titre très martial, très lourd, qui contiendra quelques soubresauts nerveux et techniques, ainsi que de nombreuses références aux Planètes de Gustav Holst, ce seront des références, classiques dans la SF, qui seront très présentes tout au long de The Wake.

Partant de ce second morceau, The Wake va se dévoiler comme une oeuvre ambitieuse et souvent expérimentale, Iconspiracy sera une sorte de morceau de Thrash d'avant-garde dotée d'une vigoureuse énergie, et incluant une fois encore des éléments orchestraux sur un excellent passage central progressif, planant et agressif, il est difficile de sortir un morceau du lot tant The Wake donne l'impression d'être un long, et putain d'excellent, titre de cinquante-cinq minutes (certains reprocheront peut-être l'absence d'un morceau/single définitif), on navigue dans un univers progressif, expérimental, mais toujours cohérent, et ce qui est le plus étonnant pour un album aussi complexe, The Wake parvient à être particulièrement accessible, jamais Voivod ne donne le sentiment de trop en faire ou alors de faire dans l'inutilement complexe, l'album dégage une certaine simplicité dans son approche du thrash labyrinthique psychédélique, on pourra éventuellement sortir du lot la phénoménale dernière pièce de l'album, Sonic Mycelium, une sorte de titre-somme qui semble rassembler toutes les expériences de l'album en en revisitant les thèmes essentiels, un meta-morceau qui est finalement à l'image de l'album, une somme de tout ce qu'a pu faire Voivod jusqu'ici, The Wake encapsule toutes les différentes facettes de Voivod, avec une remarquable cohésion en une redoutable démonstration de talent.

Difficile de trouver des défauts à ce nouveau Voivod tant The Wake transpire la maîtrise et la sérénité du début à la fin, l'album évolue dans le son typique de Voivod, avec les tics d'écriture et signatures sonores classiques du groupe, mais The Wake est marqué par le volonté de Voivod d'explorer de nouveaux territoires, ce qui est tout à l'honneur d'un groupe qui pourrait très bien se contenter de ne prendre aucun risque, The Wake est pour moi le meilleur album de Voivod depuis vingt-cinq ans, progressif, psychédélique, toujours aussi thrashy, toujours aussi étrange et unique, et on pourra que souligner la capacité d'un groupe de nouveau au top de créativité à sortir des albums toujours aussi innovants et essentiels.
Track Listing:
1. Obsolete Beings  05:34
2. The End of Dormancy  07:42
3. Orb Confusion  06:00
4. Iconspiracy  05:15
5. Spherical Perspective  07:41
6. Event Horizon  06:10
7. Always Moving  05:11
8. Sonic Mycelium  12:24