dimanche 23 juillet 2017

[Chronique] Wode - Servants of the Countercosmos

Il y a des groupes qui n'ont pas de temps à perdre et qui préfère battre le fer tant qu'il est chaud plutôt que de se poser et d'analyser, ou parfois de sur-analyser d'ailleurs, les raisons d'un succès, c'est le cas des anglais de Wode, qui reviennent déjà un an à peine après avoir délivré en guise de premier album une véritable master-class du Black Metal dans tout ce qu'il a de plus féroce et sans concession, un Black à l'ancienne redoutable et finement référencé qui faisait entrer le groupe dans le cercle très fermé des jeunes formations à fort potentiel, c'est surement afin de profiter de cette "hype" qu'est sorti il y a quelques semaines ce second album, qui va s'avérer curieusement bien différent de son prédécesseur, et il est moins bien aussi, pas de beaucoup, mais c'est malheureusement le cas...

Le problème d'un album comme Servants of the Countercosmos, c'est qu'il est tellement différent du précédent, que ce soit dans le contenu ou dans les intentions, qu'il en devient assez piégeux de les comparer, on pourrait dire que Wode ne voulait tellement pas reproduire son premier disque qu'il a rushé l'écriture d'un second disque qui serait différent tout en gardant le même esprit sauvage et vindicatif, sur ce dernier point, pas de doute, Servant of the Countercosmos demeure fondamentalement un disque de Black, mais contrairement à son premier méfait, que mon côté élitiste avait trouvé savoureusement de sang pur, ce second album est un disque de Black bâtard, bien plus cosmopolite dans son approche du genre, bien plus décousu aussi.

Si vous étiez habitué à la sauvagerie et l'extrême intensité malfaisante et sulfureuse et que vous attendiez la même chose, vous risquez d'être choqué par la tournure des événements, car Wode ne va pas tourner autour du pot et dès le premier titre va vous faire savoir qu'il n'est pas là pour refaire deux fois le même disque, après quelques secondes d'introduction lugubre, c'est une espèce de riff décharné proche d'un Peste Noire qui fera la transition avec un morceau de Black très orienté par le Death et le vieux Heavy cradingue à la Darkthrone, oh putain, Wode nous fait sa crise Black punk à chien dès le second disque sans prévenir.

Et ce n'est que le début de la bâtardisation du son Wode, car dès le second morceau Celestial Dagger, collé au précédent par du larsen, Wode va envoyer du bon Gros Black 'n' Roll des familles avec quelques trémolos pour rappeler que ça reste du Black malgré la grosse louche de groove vicieux et infectieux, Temple of Interment ne sera pas forcément des plus différents si ce n'est le tempo plus speedé et la volonté de mettre de la grosse mandale dans la gueule en rapprochant le Black et le Death old school, c'est assez particulier à écouter sans forcément être déplaisant, surtout passé le choc initial de la première écoute.

Un Black bâtard, qui se veut bien plus concis et frontal que son prédécesseur, les morceaux sont plus courts, rentre-dedans, avec une forte propension à partouzer avec le Death et l'esprit du Punk, l'album de dure qu'un demi-heure divisé en cinq morceaux plus une outro acoustique complètement inutile, ça ne va pas empêcher Wode de nous pondre quand même un bon gros pavé dont il a le secret avec Chaosspell, un morceau qui est, sans surprise, la meilleure pièce de la galette, la plus élaborée, la plus variée, et même si bien sûr elle se rapproche du premier album, Wode y intègre sa nouvelle propension au Death et au Black 'n' Roll dans un ensemble bien plus convaincant que les morceaux précédents.

Car voilà, on y est, ce second album n'est pas franchement des plus intéressants, Wode a troqué sa sauvagerie Black pour une dimension punchy et directe, qui ne fonctionne réellement que sur Chaosspell, qui est le seul morceau où le groupe a pris le temps de développer ses idées plutôt que de balancer des riffs et du groove death 'n' Roll dans sa marmite Black Metal, et j'ai vraiment le sentiment que cet album arrive trop tôt, qu'il n'a pas assez mijoté, il est raw, direct, et son côté rentre-dedans ne compense pas la presque disparition des atmosphères diaboliques qui rendaient son Black violemment infernal, on en est réduit à chercher des références, l'album en est gavé, et c'est parfois pas subtile du tout, à l'image d'un morceau éponyme Servants of the Countercosmos qui est un titre de Black/Death mélodique plein de punch et de mélodies vicieuses très très très fortement influencé par Dissection, on est même quasiment sur de la copie facile, et on attendait forcément mieux de la part de Wode après son premier album.

La barre était surement trop haute, et Wode a décidé de passer par les chemin de traverse plutôt que de se confronter à son encombrant premier album, ce qui nous donne un album mi-figue mi-raisin, où on sent que le groupe sait à peu près où il va sans être nécessairement sûr de quelle direction empruntée ni comment il y va, il aurait peut-être mieux valu réfléchir un peu et préparer le voyage avant de se lancer dans l'aventure.

Servants of the Countercosmos est un album très différent de ce à quoi on pouvait s'attendre, c'est certes surprenant, mais les surprises ne sont pas toujours bonnes, surtout quand on a pas pris le temps de développer ses idées et de les expérimenter, à part bien sûr sur un Chaosspell qui est tellement au dessus du reste qu'il rend tous les autres morceaux un peu plus fadasses qu'il ne le sont réellement, car il faut bien avouer que même pas assez cuit, le plat est malgré tout plutôt goutu, et que l'orientation Death Metal de l'aventure n'est pas un échec, sans être une franche réussite, Wode nous propose un Servants of the Countercosmos qui à défaut d'être aussi marquant et impactant que son aîné s'avère un bon petit disque de Black/Death 'n' Roll avec des hauts et des bas.