Cela faisait quelques temps qu'on avait pas eu de nouvelles de Sulphur, sept ans précisément, je pourrais vous dire que le monde entier a trouvé le temps long, mais ce serait faux, ce n'est pas que les deux albums précédents de Sulphur soient mauvais, ils ne le sont pas, mais ça n'a jamais été la folie non plus, Sulphur a toujours gravité à la marge, sous le radar, Cursed Madness en 2007 et Thorns in Existence en 2009 étaient deux disques corrects, de quoi satisfaire les fanatiques du Blackened Death, mais ces deux albums n'avaient pas fait forte impression à l'époque, je me rappelle les avoir écouté à l'époque, m'être dit, ouais, c'est pas mal, et n'y être jamais revenu passées quelques écoutes, on ne va pas y aller par quatre chemins, l'orchestre norvégien était un groupe mineur du genre, comme il en existe finalement des tonnes.
Partant de là, je dois bien vous avouer que j'étais plutôt surpris d'apprendre cette année que le groupe existait encore et qu'il allait sortir un troisième album, un Omens of Doom que je pensais écouter une fois sur Bandcamp et vite passer à autre chose, sauf que, les choses ne se passent pas toujours comme prévu, car ce nouvel album montre une sacrée évolution chez Sulphur, qui a enfin réussi à sortir un album intéressant, enfin, un peu... nah je déconne, c'est certes très différent mais vous allez quand même vite passer à autre chose...
Bon, attention cependant, ce n'est pas non plus la révolution chez les norvégiens, on va toujours retrouver dans Omens of Doom une très forte influence de Dissection dans le rayon Blackened Death, seulement voilà, ce troisième album sera moins crasseux que ses prédécesseurs, car Sulphur a semble-t-il décidé de creuser davantage dans son caractère mélodique, et surtout, de naviguer dans les sphères progressives, en lorgnant fortement du côté d'Enslaved, de Borknagar, et en bifurquant parfois chez Arcturus, une petite évolution qui a finalement du sens dans la mesure où l'initiateur du projet Øyvind Madsen est également guitariste chez Vulture Industries.
Globalement, Sulphur va remplacer ses moments les plus brutaux des deux premiers albums, l'agression abrasive plutôt thrashy, par des passages plus mélodiques, tortueux, progressifs, au sein de morceaux plus longs et sinueux, davantage des build-up alternant entre sa propension à l'hostilité et le raffinement du progressif, d'ailleurs le son de cet album est bien plus clean qu'avant, bref, le changement sera notable dès le premier morceau de la galette, The Force of our Fall, qui construit dès le début une curieuse ambiance Black/Prog avec un clavier plutôt typé SF vintage, une certaine forme d'agression prendra ensuite le relais, mais de manière moins frontale qu'avant, et on va vite bifurquer dans un étrange amalgame entre du Dissection et du Enslaved avec ses pseudo-chœurs sur les passages mélodiques, avec un vocaliste dans le chant Black renvoie souvent à ce que faisait Ihsahn avant, le second titre Gathering Storms va se montrer bien plus déterminé au niveau du Black, et surtout, les digressions seront davantage maîtrisées, avec des transitions très fluides donnant au morceau un appréciable sens du mouvement, les chœurs seront mieux utilisés, avec des leads diablement mélodiques et immersives, Gathering Storms est surement, pour moi, le meilleur titre de l'album, le plus compact, le plus dense, où le songwritting est le plus carré.
Le problème de cet album, c'est que les structures et les atmosphères vont constamment se répéter, avec toujours les mêmes tics de compositions qui reviennent inlassablement, de même que les différents emprunts, The Devils Pyre pourrait être un morceau vachement cool s'il était plus court, là, il est clairement divisé en deux, une première partie que ressemble aux premiers albums solo d'Ihsahn, et une seconde qui renvoie directement à Enslaved, Rise of the Mushroom Cloud souffrira également de ce problème de durée excessive, le morceau pourrait très bien faire cinq minutes, il en fait inutilement huit, avec des digressions poussives qui ne sont que des répétitions de ce qu'on a entendu avant, Plague and Pestilence aura pour lui d'être bien plus concis et réellement concentré, montrant un groupe bien plus à l'aise dans un format de cinq minutes, où ses variations et leads sont plus impactantes, et alors que Omens of Doom est plus court, plus compact, assez sauvage, reprenant la ligne de clavier SF du titre d'ouverture, Sulphur poussera le vice jusqu'à complètement singer Arcturus période La Masquerade Infernale en pompant les lignes de chant de Garm.
Un album doit te donner envie d'y revenir régulièrement, ce n'est pas vraiment le cas ici, quand j'écoute Omens of Doom, j'ai plutôt envie de réécouter du Enslaved ou du Arcturus, voir du Ihsahn, et pas forcément de me retaper ce disque, ce n'est pas qu'il est mauvais, mais Sulphur se contente ici de reproduire plus ou moins habilement ce qui a pu fonctionner à un moment donné au sein de la scène Black/Prog norvégienne, on a plus le sentiment d'écouter un album réalisé par d'habiles copistes plutôt qu'une oeuvre qui se veut originale.
Omens of Doom, bien que non dépourvu de certaines qualités, est un album bien trop référencé pour pouvoir surprendre l'auditeur averti, qui passera son temps à se demander où il a déjà entendu tel ou tel passage tellement les norvégiens empruntent des pans entiers de leur musique à d'autres, et cela limite de fait l'intérêt de l'album sur le long terme, Omens of Doom est une sorte de condensé d'une certaine scène norvégienne, qui ne met rien de neuf sur la table, reste un album malgré tout sympathique, mais qui ne devrait pas changer le donne pour Sulphur, on écoute et on passe à autre chose, c'est dommage qu'un groupe aussi talentueux, qui a quand même de sacrées fulgurances sur ce disque, ne parvienne pas à développer sa propre personnalité et un son bien à lui, car c'est tout ce qu'il lui manque, une prochaine fois peut-être... ou pas.