vendredi 13 juin 2014

[Chronique] Incantation - Dirges Of Elysium

Incantation est le genre de groupe pragmatique, son Death Metal, il l'a défini il y a plus de vingt ans, avec Onward to Golgotha, du Death crasseux, bien gras, occulte et rustique, et vous savez ce qui a changé chez Incantation depuis 1992? QUE DALLE!
C'est comme ça, là où des groupes recherchent l'évolution, tentent d'expérimenter, ou suivent les modes et le tendances, Incantation a trouver son filon et ne l'a jamais lâché, nous offrant une discographie en forme d'ode à l'immobilisme, peu importe les innombrables changements de line-up, John McEntee a su rester fidèle à son dogme, décontracté du gland dans son marécage, sortant inlassablement plus ou moins le même disque, à une ou deux baisse d'inspiration près quand même.
Pourtant, bien que demeurant dans la zone de confort et les limites que s'impose le groupe, Vanquish in Vengeance était une redoutable baffe dans la gueule, album entre tradition et modernité, avec une production "moderne" enfin à la hauteur (ce qui n'avait pas toujours été le cas pas le passé), Incantation parvenait à insuffler un vent de renouveau à son Death des cavernes, le genre d'album tout pareil qu'avant mais en un peu différent quand même, et donc, partant de là, vous vous doutez bien que deux ans plus tard, Dirges of Elysium va de nouveau emprunter le même sillon que son prédécesseur...

C'EST LA BOUCHERIE!!!!!
Votre Maître artisan boucher vous propose la spécialité de la maison, son Death Br00tal à l'ancienne saupoudré de plans Doom crépusculaires, pas original vous dites? bah non, et c'est toute la beauté de la chose, Incantation ne se réinvente pas, n'expérimente absolument rien, tout ce que vous aller entendre ici, ils l'ont déjà fait, d'ailleurs j'aurais pu reprendre exactement la même chronique que Vanquish in Vengeance en changeant le nom des morceaux, mais il y a un truc chez Incantation depuis son retour au premier plan il y a deux ans, la faculté du groupe à faire exactement la même chose en demeurant frais, à aucun moment sur ce Dirges of Elysium la formule ne va paraître usée, mieux encore, Incantation semble être encore plus en forme que jamais, la production y est surement pour quelque chose, car elle parvient à conjuguer à la fois le côté traditionaliste, dogmatique du groupe, donc old school, avec des sonorités très modernes, le son est croustillant, caverneux, à l'ancienne, mais tout cela est très clair, et cela renforce la puissance et l'impact du Death d'Incantation, surtout qu'une fois de plus, les gars vont se montrer plutôt malin dans la construction de leurs morceaux, les titres vont constamment proposer une réelle tension, mêlant la surpuissance d'un Death hargneux avec des ralentissements Doom implacables, et même si les titres sont plus courts désormais, ils parviennent à demeurer très dynamiques et variés.
C'est bien la petite différence entre Dirges of Elysium et Vanquish in Vengeance, les morceaux sont plus courts, d'ailleurs, l'album est également plus concis, cinquante minutes pour dix titres, c'est dans la norme me direz-vous, sauf que voilà, parmi ces dix titres, on en trouve un de plus de sept minutes, ainsi qu'un monumental pavé final  de plus d'un quart d'heure, autrement dit, les huit titres restants ne vont pas traîner, donc ouais, ça va être la déferlante de torgnoles dans le gueule.
Surprise quand même, on a droit à une intro instrumentale pour ouvrir les hostilités, ce qui doit bien être une première chez le groupe, rassurez-vous, pas de trucs symphonique mystérieux à la con, juste le ptit truc pour mettre l'ambiance et faire monter la sauce avant que McEntee et ses potes ne viennent violer ta mère à la tronçonneuse, et avec Debauchery, c'est qu'elle en redemanderait la bougresse, vicieux et viscéral comme à son habitude, Incantation t'envoie le pâté avec une redoutable efficacité, et ce n'est qu'un début, car la première moitié de Bastion of a Plague soul va atteindre le niveau au dessus en terme de violence, un titre qui va progressivement évoluer et prendre une dimension plus atmosphérique avec des leads possédées, avant une seconde accélération finale, même pas trois minutes pour annihiler la concurrence et montrer qui est le patron, absolument ridicule... Ok, peut-être pas Dead congregation, mais c'est tout du moins toute l'armada de copieurs qui prend l'eau face à l'assaut des américains.
A partir de là, on va entrer dans une autre phase, Carrion Prophecy est un titre hybride, très lourd, avec un groove gigantesque, qui monte en tension progressivement, qui sert globalement à amener une série de trois titres bien plus orientés Doom, From a Glaciale Womb est un long titre sinueux, profondément malade et violent, atmosphères malsaines et dissonantes, gros passages à Headbang, tout y passe, et on va continuer dans le Doom avec un Portal Consecration, certes pas franchement des plus inspirés, mais secoué de deux grosses accélérations pour relever le niveau, et un Charnel Ground particulièrement lugubre et lent, sorte de petit filler Doom qui contraste avec Impalement of Divinity et Dominant Ethos, deux morceaux ultra classiques et rentre-dedans, où Incantation ne va pas se poser de question, on va d'un point A à un point B en faisant le plus de vacarme possible, bourrin bien sûr, mais Dominant Ethos propose une partie centrale plus ambiancée avec une basse serpentante assez gouleyante, c'est l'un des avantages de la production moderne de l'album, qui permet d'offrir à chaque instrument tout l'espace nécessaire pour s'exprimer, mais c'est surement ce qui risque de déplaire aux fans de Death les plus Old School, Incantation sonne de manière moins Evil qu'avant, c'était déjà le cas sur Vanquish in Vengeance, et Dirges of Elysium entérine encore davantage ce parti-pris sonore,du coup, le Death d'Incantation est un peu moins hermétique, plus facile d'accès aussi, chacun en pensera ce qu'il veut, mais je dois vous avouer que j'aime bien cette orientation, et franchement, si vous voulez qu'Incantation sonne comme il y a vingt ans, vous pouvez toujours vous pencher sur Dead Congregation, c'est ultra Iveul, occulte et infernal, à l'ancienne quoi, Incantation est ici plus glacial, plus net, précis, à la violence clinique, alors que Dead Congregation est plus organique et plus haineux, surement plus chaotique et nébuleux, ce sont deux visions assez différentes dans la forme d'une musique plutôt similaire sur le fond, destruction sauvage contre annihilation méthodique, les deux faces d'une même pièce.
Reste le dernier titre, plus de seize minutes, ils nous avaient déjà fait le coup avec Legion of Dis il y a deux ans, on prend cinq minutes de plus avec Elysium, longue outro de Doom pachydermique, rituel cauchemardesque et ténébreux, un titre fleuve misérable, mélancolique, qui s'ouvre par un McEntee abandonné sur un drum & bass fantomatique, éloge de la lenteur avant qu'un riff écrasant et les leads lugubres ne viennent apporter le coup de grâce, lente agonie finale et ode à la désolation, idéal pour aider à la digestion...
Papy McEntee fait de la résistance, ouais, encore.
Bien sûr que Dirges of Elysium est prévisible, les enfants, on parle d'Incantation là, on ne recherche pas vraiment l'originalité ici, on veut du Death bien gras qui défonce, et c'est pile poil ce que nous propose les américains.
Incantation est toujours fidèle au dogme, le dogme qu'il s'est forgé il y a plus de vingt ans, et ce n'est pas aujourd'hui que cela va changer, malgré des contours plus modernes et surement plus accessibles.
Incantation parvient ici, comme lors de Vanquish in Vengeance, à marier la clarté formelle avec l'opacité du propos, et Dirges of Elysium s'avère particulièrement efficace, malin dans ses compositions, et Incantation délivre tranquillement ses mandales dans la gueule, même si tout cela s'avère au final un simple prolongement de l'album précédent, et l'effet de surprise est un peu moindre.
Malgré tout, ne boudons pas notre plaisir, Incantation fait ce que l'on attend de lui, un Death teinté de Doom qui arrache les poils avec une redoutable abnégation et un savoir-faire inégalé, Dirges of Elysium est un excellent disque de Death, point barre, ça poutre, c'est varié, et même si c'est convenu et un peu recyclé sur les bords, ça fait son office, et le groupe ne montre que peu de signes d'usure malgré 25 ans de carrière et désormais dix albums au compteur...

Du muscle et de la graisse...
Track Listing:
1. Dirges of Elysium
2. Debauchery
3. Bastion of a Plague Soul
4. Carrion Prophecy
5. From a Glaciate Womb
6. Portal Consecration
7. Charnel Grounds
8. Impalement of Divinity
9. Dominant Ethos
10. Elysium (Eternity Is Nigh)