samedi 21 juin 2014

[Chronique] Body Count - Manslaughter

Ice-T est quand même un type bourré de contradiction, en effet, il faut quand même un sacré cheminement mental pour démarrer dans le Gangsta Rap afin d'aboutir à un Télé-réalité foireuse avec sa gonzesse siliconée, la très distinguée Coco.
De la même manière, on parle d'un type qui chantait cop Killer en 1992 et qui incarne depuis quinze ans le Détective Tutuola dans Law & Order, tu parles d'un grand écart.
Ouais, la carrière d'Ice-T depuis une dizaine d'année tient plutôt du vieil has-been qui essaie tant bien que mal d'exister, à tel point qu'on aurait même tendance à oublier qu'il fut un rappeur plutôt hardcore, et même, ce qui nous intéresse ici, chanteur d'un groupe de Hardcore.
Car Body Count est un groupe de Hardcore, plus proche d'un Biohazard ou d'un Suicidal Tendencies que du Rap-Metal, un genre où il a longtemps, et à tort, été catalogué.
La carrière de Body Count peut être résumé à un seul album, le premier, l'éponyme sorti en 1992, le seul disque cohérent du groupe, porté bien entendu par le single polémique Cop Killer, tellement controversé qu'il a été viré du disque au final, mais ce buzz a permis de lancer le groupe, ce premier album est d'ailleurs le seul album qui vaut le coup, le seul à écouter, car les albums suivants (Born Dead et Violent Demise) ont plutôt fait sombrer le groupe dans la médiocrité et l'anonymat, suivant le même chemin que la carrière en solo d'Ice-T qui s'embourbait dans le n'importe-quoi.
Avec un Ice-T en mode has-been, et après un premier retour totalement foiré en 2006 avec Murder 4 Hire dégueulasse,  ça partait mal ce Manslaughter, et pourtant, par je ne sais quel miracle, Body Count cuvée 2014 s'avère contre toute attente être un cru correct...
Yo Niggas!!!! Hardcore Motherfuckaaaaaaaa!
Enfin, quand je dis cru correct, Malslaughter est une certes une réussite, mais une réussite à l'échelle de la discographie de Body Count, donc en partant de là, plutôt que de réussite, on pourrait plutôt parler d'un groupe qui est parvenu contre toute attente à sortir un album qui soit le moins mauvais possible.
Après tout, Body Count est une relique du passé, dont les thèmes et les sonorités correspondaient avant tout à une époque aujourd'hui révolue, à savoir les années 90, Body Count traitait des gangs, de la drogue, du racisme, de la pauvreté, du gouvernement, ce qui était très en vogue à l'époque, de même que le style de musique pratiquée, un crossover Thrashy, à la Slayer meets Suicidal Tendencies, particulièrement vindicatif, et ce qui est très surprenant avec cet album, c'est que ce bon vieux Ice-T, 58 ans au compteur quand même, se soit décidé à se bouger le cul pour nous pondre un truc agressif comme à l'époque.
Ce sont les mêmes thèmes qu'en 92, et ne soyons pas dupes, c'est grosso-modo la même musique, il n'y a aucune idée neuves dans Manslaughter, mais contrairement aux trois disques qui ont suivi l'album éponyme, Body Count retrouve ici les crocs et une agressivité bienvenue, de même qu'une certaine cohérence.
Manslaughter est sur le fond et la forme, le genre d'album absolument passéiste, à l'ancienne, le genre de musique qui ne se pratique plus vraiment à l'heure actuelle, avec des paroles qui font aujourd'hui sourire tant elles accumulent un nombre absolument invraisemblables de clichés; Le chant d'Ice-T, ses textes à l'ancienne dont on ne sait jamais vraiment si il est sérieux ou si c'est du second degré, la musique très directe et plutôt violente, font de Manslaughter un album à la fois très con et très fun à écouter, sans aucune subtilité, et c'est toute la beauté de la chose.
Talk Shit, Get Shot, qui ouvre l'album, est le véritable testament de ce qu'est le groupe en 2014, faut-il prendre au sérieux un clip où le gros bras d'Ice-T sort d'un téléphone pour choper un gars qui raconte de la merde sur son groupe sur internet? ou encore un hipster végétarien qui se fait tirer dessus en pleine rue?
Les paroles sont connes, pleines de clichés gangsta Rap, refrain scandé à l'ancienne, gros riff Thrashy, la recette est simpliste, mais ici, il faut avouer que ça fonctionne pas mal, à condition de prendre Body Count au second degré, c'est bien le seul moyen d'apprécier ce premier assaut, car pris au premier degré, tout ça sonne incroyablement daté, après tout, on parle de Crossover là, le genre tout entier est périmé depuis 20 ans, ouais, même Suicidal Tendencies.
Body Count pue les années 90 à plein nez, comme si n'avait changé depuis 20 ans, et aborde les même thématiques qu'à l'époque, avec un bordel improbable au niveau des paroles, entre les dénonciations faciles, les propos moralisateurs, et les lyrics façon Gangsta, absolument tout y passe...
C'est ainsi qu'Ice-T va se la jouer travailleur social et t'envoyer trouver du boulot à grand coups de pompe dans le cul sur un Get a Job ultra simple et dans un esprit assez punk, va nous servir son discours anti-drogue niveau école primaire avec Back to Rehab, là aussi à coups de pompe dans le cul, ou nous affirmer que traîner dans les rues c'est pas cool sur Wanna be a gangsta, sors de ce corps Pascal le grand frère!
Ice-T va même déclamer son amour et son respect pour les braves soldats américains sur une ballade, I will always love you, absolument grotesque au refrain moche de chez moche, je ne vais pas vous mentir, c'est parfois de la merde, surtout vers la fin de l'album, avec le triplé de la lose ultime Black Voodoo Sex/Wanna be a gangsta/I will always love you, ces morceaux sont décousus, mélangent tout et n'importe quoi, je préfère quand même quand Body Count envoie le pâté avec des titres bien agressif, comme par exemple la torgnole Bitch in the Pit et ses paroles hilarantes, ou encore un Pop Bubble très typé Hardcore avec Jamey Jasta en guest.
Deux trucs qui sortent de l'ordinaire quand même, Institutionalized 2014 est donc une reprise du Institutionalized de suicidal Tendencies, avec des paroles adaptées au monde moderne, mouais, Ice-T parler de X-box et de ses difficultés à taper un mot de passe sur Internet, je trouve ça plutôt limite et un peu con, et la reprise est donc un peu foireuse, et dans le genre truc foireux, on entre dans le domaine de l'Inception de la cover, vu que 99 Problems BC, est un hybride entre la version originale d'Ice-T (tirée de Home Invasion) et l'espèce de reprise qu'en avait faite Jay-Z, c'est bancal; en fait, les passages purement Hip-Hop sont le principal problème de Manslaughter, ça n'a souvent rien à faire là, c'est souvent embarrassant et mal foutu, c'est vraiment dommage que Body Count ne se soit pas exclusivement centré sur le Crossover pur et dur, car c'est là où il est de loin le meilleur, dans l'attaque frontal brute de décoffrage, on se retrouve avec des titres qui envoient la sauce mêlées à des trucs plus orientées hip-hop qui font retomber le soufflet immédiatement...
Bizarrement, malgré tous ses défauts et ses sorties de route, Manslaughter est le meilleur album de Body Count depuis l'éponyme de 1992, avec un groupe qui se montre assez convaincant quand il accélère le rythme et se décide à balancer la purée, dommage qu'il perde parfois le fil lors d'incursions dans le Rap qui n'ont rien à faire là.
Manslaughter fournit quand même quelques brûlots bien sympa, et en virant les morceaux les plus bancals et dispensables, on aurait pu aboutir à un EP plutôt cool, malheureusement, c'est un album longue durée qui alterne constamment le bon et le moins bon.
Body Count retrouve une certaine agressivité, renoue quelque peu avec des sonorités plus Thrashy, ce qui est une bonne chose, et pris au second degré, surtout les paroles, l'ensemble s'avère plutôt sympa et souvent fun, au second degré seulement, car Body Count et Ice-T ne sont ici pas à prendre au sérieux, l'ensemble est daté, nostalgique d'une époque révolue, et Manslaughter aurait pu sortir en 1994 tellement il est à l'ancienne, mais c'est surement tout ce dont était capable Body count en 2014, un défouloir sans idées nouvelles, du recyclage de vielles thématiques, et un crossover direct et simple, il ne fallait pas s'attendre à autre chose, et c'est largement moins mauvais que prévu...
(L'album est en Streaming sur Youtube)

Fun, con, et bancal
Track Listing:
1. Talk Shit, Get Shot
2. Pray For Death
3. 99 Problems BC
4. Back To Rehab
5. Manslaughter
6. Get A Job
7. Institutionalized 2014
8. Pop Bubble (featuring Jamey Jasta)
9. Enter The Dark Side
10. Bitch In The Pit
11. Black Voodoo Sex
12. Wanna Be A Gangsta
13. I Will Always Love You
14. 99 Problems BC - Rock mix