mardi 29 mai 2012

[Chronique] Kreator - Phantom Antichrist


Véritable institution du Thrash européen, Kreator avait forgé sa légende dans la seconde moitié des années 80 avec des brûlots tel que Pleasure to Kill ou Coma of Souls (ok, c'était en 90 mais on s'en fout), avant de subir un énorme passage à vide dans les années 90, qui voyaient le groupe se perdre dans des expérimentations bizarroïdes.
Pourtant, alors qu'on espérait plus rien des allemands, Violent Revolution marquait en 2001 un retour salvateur au son originel, qui se perpétua lors des deux albums suivant, un retour au Thrash plus classique et ultra-agressif qui fit la joie des fans et des puristes qui avaient délaissés le groupe, ces derniers risquant de bien faire la gueule avec ce Phantom Antichrist, bien différent des albums précédents, qui va faire couler beaucoup d'encre...


En regardant de plus près, il était presque évident que cet album allait être différent, le groupe fonctionnant par cycles, le premier, 100% Thrash explosif sans concession dans les années 80, le second avec les expérimentations des années 90, et un troisième avec les années 2000 marquant le retour aux sources.
2012, nouvelle décennie, et une fois encore, Kreator prend tout le monde à contre-pied, mais pas tant que ça, car bien que plus mélodique, les allemands n'ont rien perdu de leur agressivité légendaire, qui prend ici une forme différente.
Phantom Antichist est différent donc, car le groupe expérimente de nouveau en lorgnant carrément sur le Power Metal! Autant dire que les puristes old school gardiens du temple qui vénèrent les albums des années 80 et bénissent les trois albums du retour aux sources vont grincer des dents, et en toute franchise, même si je les comprends (un peu), ils auront tord, car aussi mélodique soit-il, Phantom Antichrist est une véritable tuerie!
Ah bien sûr, il y a des refrains ouais, même avec des choeurs derrières, des mélodies, plein, du mid-tempo, pas mal, et alors? vous croyez que Kreator s'est calmé pour autant? Que dalle, ça bourre souvent, et au final tous ces emprunts au Power Metal rendent le Thrash du combo plus diversifié, plus aventureux et plus aéré, surtout que le savoir-faire en terme de composition est toujours présent, avec des titres bien ficelés, certains titres prenant même des allures d'hymnes power-Thrash assez épiques.
Partant de là, le premier titre de l'album qui sert de single (d'ailleurs assez joliment amené par une intro toute en montée en puissance), l'éponyme Phantom Antichrist, n'est absolument pas représentatif de l'album, coquins d'allemands qui ne souhaitaient surement pas effrayer la vieille garde de ses fans en dévoilant un titre plus aventureux.
Bref, ça commence par du classique qui démonte la face, un véritable carnage en règle comme les teutons en ont le secret, c'est rapide, véloce, et avec un excellent solo, la voix de Petrozza est toujours reconnaissable entre milles, et la production de Jens Bogren (encore? ce type est partout en ce moment!) est surpuissante.
Histoire d'enfoncer le clou, le groupe enchaîne avec un Death to the World très très direct, mais avec d'excellents passages mélodiques, surprenant, surtout dans la deuxième partie, qui n'en demeure pas moins très heavy, déjà avec ce titre, on sent le changement, mais ce n'est rien avec le suivant, From Blood into Fire qui voit le groupe ralentir la cadence et plonger dans le bain du Power Metal avec son refrain en forme d'hymne soutenu par des choeurs, c'est très mélodique, mais le groupe n'en oublie pas l'agressivité avec une accélération diabolique sur le solo, avant un curieux, mais court, passage en chant clair, l'ensemble est assez épique et aventureux, avec une grosse prise de risque, mais ça passe, sans pour autant se renier, d'ailleurs c'est même plutôt le contraire, car Kreator arrive plutôt bien à intégrer à son thrash tous ces éléments plus ou moins nouveau pour lui, il suffit d'écouter Civilisation Collapse pour s'en rendre compte, véritable agression Thrash couplée à de puissantes mélodies, avec de nombreuses variations et changements de rythmes, du coup, on se fait quand même moins chier que sur Hordes of Chaos...
Après une courte intro acoustique, United in Hate déboule pour vous coller un cou de rangers dans la gueule, avec toujours ce refrain power metal qui prend aux tripes, dommage que le titre soit un poil trop long et tourne un peu à vide sur la fin.
La suite sera du même tonneau, et l'album ne faiblira pas vraiment jusqu'à la fin, avec cette avalanche de riffs, de soli en tout genre, et de mélodies, The Few, The Proud, The Boken voyant même le groupe flirté avec le Melodeath à la suédoise, par contre, Your heaven, My Hell est, il faut bien l'avouer, un peu foireux avec son long passage calme introductif, la sauce ne prend pas vraiment sur ce titre malgré un final plus sympa.
Heureusement, ce petit passage à vide ne va pas durer avec un Victory will come en forme d'hymne thrash bourrin avec pains dans la gueule inclus, l'album se terminant par un judicieux Until our paths cross again, qui assez calme, mais avec une monstrueuse accélération qui décoiffe dans la partie centrale, une manière pas dégueulasse de se dire Auf Wiedersehen...

Bref, vous l'aurez compris, j'ai adoré ce treizième album des teutons, même si bien sûr il ne plaira pas à tout le monde, j'avoue avoir moi même été souvent choqué à la première écoute.
Phantom Antichrist est plus varié que les précédentes livraisons du groupes, plus mélodique bien sûr, mais pas forcement moins violent, le son est énorme, massif, les riffs toujours aussi acérés, et ça fait plaisir de voir un groupe prendre encore des risques après trente ans de carrière, là où ils auraient pu se contenter de se la jouer facile et safe en sortant un énième album de thrash classique à la Kreator, les teutons nous montrent qu'il est possible de botter le cul de la concurrence tout en ajoutant une bonne dose de mélodie à sa musique, et c'est quand même la grande classe, les structures sont plus complexes, mais sans perdre en intensité, un savant mélange d'agression Thrash et de mélodies épiques, du tout bon.
Les aigris vont gueuler et crier au scandale, bien sûr, mais fuck them, Kreator vient de balancer une vraie bombe, et ça fait mal...
(ça sort le 4 juin chez Nuclear Blast, et en plus, y'a un Dvd bonus avec 20 min de making of et presque une heure de live enregistrée au Waken, ce serait dommage de se priver...)

Différent, mais Surpuissant...
4.5 / 5