vendredi 25 janvier 2019

[Chronique] Evergrey - The Atlantic

Pour un groupe qui était tombé au fond du trou il y a une petite dizaine d'années avec les médiocres Torn et Glorious collision, Evergrey affiche aujourd'hui une bonne forme et semble profiter de vents favorables depuis Hymns for the Broken il y a cinq ans, un album qui marquait le début de l'opération reconquête pour les suédois, un redressement qui allait prendre du temps, comme le démontrait un The Storm Within inconstant et imparfait où le groupe de Tom Englund assumait tous ses défauts avec une désarmante sincérité.
Après deux bons disques qui remontaient le niveau, on ne voyait pas ce qui pouvait empêcher Evergrey de nous sortir une fois de plus un disque meilleur que le précédent, j'étais très confiant là-dessus, jusqu'à ce que j'écoute The Atlantic dans son intégralité, et autant le dire tout de suite, c'est de peu que le Tom Englund et son équipage évitent le naufrage, analyse de la boîte noire...

Il était acquis que Tom Englund n'allait pas modifier quoi que ce soit à la formule habituelle d'Evergrey, une musique pour les gros fragiles du Metal, les gros durs aux cœurs tendres qui apprécient les gros riffs Power Prog chargés de groove saupoudrés de trucs goth-émo mélancoliques théâtraux, et sur ce point-là, c'est exactement le cahier des charges qui sera respecté, et c'est peut-être le problème, le côté irrémédiablement safe du truc, et plus grave encore, le faible niveau d'implication émotionnelle tout au long de l'album, faisant de The Atlantic un disque dans lequel on peine à s'engager pleinement, il y a aussi un gros excès de sucre sur la plupart des morceaux qui vont faire exploser le tonnage de la bête, pas étonnant de ce fait que le navire ait touché les récifs.
Pourtant on ne pourra pas dire que l'album débute mal, A Silent Arc et Weightless sont exactement conformes à ce que l'on est en droit d'attendre d'un album d'Evergrey, ils sont d'ailleurs construits un peu sur le même modèle, avec un solide riff d'ouverture gras et groovy qui sert de base à divers build-up tout au long des morceaux, c'est du bien bel ouvrage, suffisamment catchy pour retenir l'attention, et on retrouve avec plaisir le chant typique d'Englund et de très nombreux arrangements électroniques, bref, c'est très propre, on est pas sur le cul mais ça passe, on pourrait presque dire la même chose de All I Have, qui est la première ballade de l'album, là encore on est sur du Evergrey qui suit son cahier des charges chapitre Power Ballades pour fragiles, c'est un peu prog, très mélancolique, le groupe excelle dans ce domaine, mais encore une fois ce sera bien trop familier et prévisible.

Il y a toujours des petits moments de flottement dans les albums d'Evergrey, sur cette album il arrivera très vite et ce sera quasiment un tunnel de banalités sirupeuses jusqu'à la fin, ce ne pas dire que c'est dégueulasse et que tout est à jeter, loin de là, mais la plupart des morceaux vont souffrir d'un manque de dynamisme et de rythme, et il n'y aura bien que le musculeux Currents pour sortir un peu du lot, on ne sera pas surpris que durant toute la promo de l'album, ce soit ce titre ainsi que A Silent Arc et Weightless qui aient été choisis comme singles, ce sont de très loin les meilleurs morceaux de l'album et aucun autre titre ne parvient à se hisser à leur niveau.

Il n'y aura pas de mauvais titres à proprement parler sur cet album, mais juste une collection de morceaux passables qui alternent le bon et le moins bien dans une relative indifférence, A Secret Atlantis sera construit sur le même modèle que Currents, à la différence près que tout sera moins bien, le riff est moins bon, la mélodie vocale est faiblarde, les claviers proggy sortent de nulle part et semblent détachés du reste, End of Silence sera une autre power ballade un peu daubée et fainéante, notamment un refrain bien trop familier où Englund fait dans l'auto-recyclage, il n'y aura pas grand chose à tirer non plus des trois derniers titres qui ne sont là que pour faire du remplissage, encore une fois ils ne sont pas catastrophiques, mais il sera bien difficile de retenir quoi que ce soit vu le faible niveau d'implication d'un groupe qui ne parvient pas à accrocher l'auditeur, il n'y aura bien que l'ultime minute du dernier morceau qui est cool et épique, malheureusement il laissera juste un petit arrière-goût amer  de ce qu'aurait dû être cet album si Evergrey n'était pas passé à côté.

The Atlantic est le genre d'album que j'aurais adoré aimer, mais il faut être réaliste, Tom Englund s'est un peu trompé cette fois-ci, ce n'est pas aussi catastrophique qu'il y a dix ans, mais après deux bons disques le groupe retombe dans certains travers malheureux, une surdose de sucre et de clichés.
Il n'en reste pas moins que The Atlantic est un album respectable d'un groupe qui l'est tout autant, mais Evergrey est capable de largement mieux que ça, Il y a beaucoup de recyclage et de pilotage automatique dans ce que fait Englund aujourd'hui, et même si cet album propose parfois d'excellents moments, ils sont trop peu nombreux et perdus dans cet océan de banalités, un véritable coup d'arrêt après deux album parfaitement encourageants, l'opération redressement vient de se prendre un iceberg dans la gueule.
Track Listing:
1. A Silent Arc  07:47
2. Weightless  06:41
3. All I Have  06:15
4. A Secret Atlantis  05:30
5. The Tidal  01:06
6. End of Silence  04:45
7. Currents  05:29
8. Departure  06:30
9. The Beacon  05:23
10. This Ocean  04:30