dimanche 24 décembre 2017

[Chronique] Diablo Swing Orchestra - Pacifisticuffs

Diablo Swing Orchestra est un groupe étrangement clivant, la musique pratiquée par les suédois est du genre qu'on aime ou qu'on déteste, avec presque rien au milieu, c'est marrant pour un projet aussi positif qui se veut particulièrement fun et sans prise de tête; sorti en 2012, Pandora's Piñata avait créé deux types de réactions, amour inconditionnel ou détestation, j'étais plutôt dans le premier camp, il faut dire que l'album, marqué par quelques évolutions notables, pas toujours acceptées par certains cependant, faisait office d'aboutissement dans le cheminement stylistique des suédois, qui avaient complètement disparu de la circulation après ce cycle Pandora's Piñata, au point qu'on était pas sûr du réel statut du groupe ou d'une éventuelle mise en chantier d'un quatrième album, qui vient donc tout juste de sortir après des tonnes de changements...

La nouvelle avait choqué plus d'un fan quand en 2014 Diablo Swing Orchestra était sorti de son silence pour annoncer le départ de sa chanteuse historique AnnLouice Lögdlund, cette dernière ayant choisi de se consacrer à sa carrière de chanteuse d'opéra professionnelle, et ça c'était un gros coup dans la gueule pour un groupe qui avait fait des performances vocales de sa chanteuse l'un des ingrédients majeurs de son son, le single dévoilé dans la foulée, Jigsaw Hustle, servait à introduire la nouvelle chanteuse dans le cadre d'un morceau classique dans sa structure malgré son délire Disco, un morceau où DSO sonnait évidemment de manière bien différente avec Kristin Evegård, la petite nouvelle, avec son chant bien plus orienté Jazz/Rock que le chant typé opéra d'AnnLouice.

Ce changement de vocaliste va finalement coïncider avec l'évolution dans le son Diablo Swing Orchestra, qui va se faire ici bien moins lyrique et teinté d’opérette métallisée, afin de privilégier une approche plus moderne et douce, et dans ce cadre-là, le chant de Kristin Evegård s'intègre absolument à ce nouveau paradigme, Pacifisticuffs sera l'album le plus calme de la part des suédois, presque le moins Metal du lot, il faut dire que le départ d'AnnLouice et de son chant puissant et incroyablement versatile a probablement impacté la capacité du groupe à proposer des structures plus sinueuses et aventureuses, Pacifisticuffs est un disque assez direct et assez simple à aborder, avec des morceaux où c'est bien l'efficacité qui sera privilégiée.

Malgré les changements, le cœur de la musique des suédois, ou plutôt ses composantes, resteront inchangées, Diablo Swing Orchestra est toujours un groupe de Prog/Avant-Garde qui fait dans le pastiche musical et le mash-up de genres aussi variées que le swing, le jazz, la country, la disco et plein d'autres trucs, admirablement intégrés et harnachés à des sonorités Rock/Metal, Pacifisticuffs sera de ce point de vue là impeccable dans sa maîtrise du mélange des genres, les morceaux auront des transitions toujours très fluides, et même l'album fera preuve d'un dynamisme plutôt unique et d'une cohérence certaine malgré les très nombreuses pérégrinations dans d'autres genres.

Comme pour se rassurer après une période d'incertitude, c'est avec Knucklehugs (Arm Yourself with Love) que s'ouvre l'album, pour ce qui est un morceau absolument typique de Diablo Swing Orchestra, qui va montrer toute son extravagance en moins de trois minutes, un bon vieux morceaux bien Rock qui sera marqué par des délires sudistes au banjo et des cuivres qui développent un bon gros swing des familles, il y a énormément d'informations à traiter en très peu de temps, et on se laisse vite entraîner par la folie ambiante et le caractère insolite du truc, à moins bien sûr d'être réfractaire à ce genre de fusion, mais là je ne peux rien pour vous.

Bien sûr, on remarque assez vite le changement, en dehors du chant, c'est bien le département Guitare & Riff qui a été obligé de se serrer la ceinture après la restructuration du groupe, les guitares apparaissent d'ailleurs ici comme un accompagnement à une musique dont le centre de gravité s'est déplacé sur les cordes et les cuivres, ainsi que sur le chant, on sent bien que les suédois ont ici tenté d'utiliser à plein les capacités de sa nouvelle chanteuse, et comme la chanteuse est différente, la musique l'est également, DSO a eu l'intelligence de ne pas tenter de faire du Lögdlund avec une vocaliste aux compétences évidemment différentes, et en quelque sorte, Pacifisticuffs est complètement structuré autour de sa nouvelle vocaliste, Evegård a un chant plus orienté Jazz/Cabaret, et de fait, la musique du groupe prend naturellement cette direction.

La première moitié de l'album, globalement les six premiers titres, sont d'ailleurs les plus classiques du groupe, les plus dynamiques, où DSO montrera son caractère le plus exubérant, avec son Avant-Garde punchy et bondissant qui comportera constamment des bifurcations fantasques et autres rebondissements rocambolesques, c'est aussi la facette la plus rassurante du groupe, c'est dans la seconde moitié que l'ambiance se fera presque plus intimiste avec des titres comme Ode to the Innocent ou Interruption jusqu'à l'interlude Cul-de-Sac Semantics, qui est surement la seule correcte d'un disque qui en compte quatre, il est dommage que les trois autres ne servent à rien à part casser le rythme du disque, il est d'ailleurs étrange de trouver dans cette seconde partie d'album un morceau aussi explosif que Karma Bonfire, un morceau comme une auto-parodie puisqu'il semble totalement auto-pompé sur le Voodoo mon Amour de l'album précédent, ce qui est une petite faute de goût.

Evidemment, du fait du changement de chanteuse, Pacifisticuffs est assez différent de Pandora's Piñata, mais ce changement se fait sans que le groupe ne perde quoi que ce soit à son identité, et il n'a pas impacté non plus la capacité de Diablo Swing Orchestra à savoir mélanger tout un tas de styles dans un ensemble cohérent et incroyablement fun et positif.
Pacifisticuffs est un album moins théâtral, également beaucoup moins agressif, mais tant que le groupe sera capable de pondre des morceaux comme The Age of Vulture Culture ou Superhero Jagganath, il n'y a aucun souci à se faire concernant Diablo Swing Orchestra, même si Pacifisticuffs est loin d'être parfait, après tout, il est parfois un peu trop simple et confortable, on regrettera des morceaux moins riches que sur l'album précédent, ainsi qu'un mix pas des plus judicieux qui semble impacter le caractère explosif des compositions des suédois en en réduisant le dynamisme.

Quoi qu'il en soit, et même si je trouve ça moins intéressant que Pandora's Piñata, ce reboot de Diablo Swing Orchestra avec une nouvelle vocaliste reste une expérience plutôt fun, Kristin Evegård montre qu'elle est une chanteuse compétente, dans un registre différent certes, et l'on saluera le fait que le groupe lui ai réservé des morceaux taillés sur-mesure pour ses qualités de chanteuse de Jazz/Cabaret, ce n'est pas du grand DSO qui pousse les limites et qui fait preuve d'inventivité, mais Pacifisticuffs reste un disque sympa et festif qui remplit pleinement son office, voyez ça comme un Diablo Swing Orchestra qui joue un peu safe, avec pas mal de redites et de réchauffé directement piochés dans les albums précédents, pour se rassurer et présenter sa nouvelle vocaliste dans les meilleures conditions possibles, et même avec pas mal de recyclage et un changement de vocaliste, bah ça reste quand même vachement brillant dans son genre.
Track Listing:
1. Knucklehugs (Arm Yourself with Love)  02:26
2. The Age of Vulture Culture  05:00
3. Superhero Jagganath  05:41
4. Vision of the Purblind  01:01
5. Lady Clandestine Chainbreaker  04:50
6. Jigsaw Hustle  04:52
7. Pulse of the Incipient  00:34
8. Ode to the Innocent  03:49
9. Interruption  05:21
10. Cul-de-Sac Semantics  01:09
11. Karma Bonfire  04:14
12. Climbing the Eyewall  04:40
13. Porch of Perception  00:43