samedi 9 décembre 2017

[Chronique] Morbid Angel - Kingdoms Disdained

Morbid Angel est le groupe de Death Metal le plus mythique et le plus kult que vous pouvez trouver dans le genre, même bien au dessus de Cannibal Corpse (principalement devenu culte pour son image et ses lyrics...), Morbid Angel, c'est le sommet du culte dans le Mort Métal, y'a rien au-dessus, mais ça c'était avant, parce qu'il y a eu 2011, annus horribilis qui a vu le groupe commettre l’irréparable, célébrer le retour de David Vincent avec un... mauvais disque de Rob Zombie à base d'industriel alternatif honteux et d'électronique de baltringue contenant les paroles les plus débiles jamais écrites pour un album de ce qui était supposé être du Death Metal, bref, personne n'a compris ce qui s'est passé, comment un tel géant peut se chier dessus, chier sur sa légende, et littéralement chier dans la bouche des ses fans, si le groupe avait voulu flinguer sa carrière il ne s'y aurait pas pris autrement, pourtant, ils ne sont pas morts, parce que bon, faut pas déconner, ce serait du gâchis commercialement parlant de ne pas continuer et de ne pas continuer à monétiser un nom aussi mythique que ça...

Exit les intérimaires Tim Yeung et Destructhor, désormais remplacés par des enfants, l'ancien batteur d'Abysmal Dawn Stott Fuller et un certain Vadim comme second guitariste, Trey Azagthoth a fait le vide autour de lui puisqu'on a même eu droit à un drama débile où David Vincent s'étonnait du fait que Steve Tucker avait (re)pris sa place et que personne ne lui avait annoncé qu'il s'était (re)fait virer, parce que ouais, ce bon vieux David Vincent a été prié d'aller faire de la country ailleurs et d'arrêter de casser les couilles à Trey et à sa maman, et c'est donc Steve Tucker qui est revenu, encore, histoire de remettre le groupe sur les rails du Death Metal pur et dur.

Ce n'est d'ailleurs pas la première fois qu'un groupe culte™ se lance dans une vaste entreprise de rédemption avec s'être pris les pieds dans le tapis en tombant dans une piscine de merde, Metallica l'a déjà fait, deux fois même, après St Anger et Lulu, et la recette, tout le monde la connait et c'est celle qui sera appliquée par Trey Azagthoth, Kingdoms Disdained sera, comme Death Magnetic et Hardwired, un pur album de fan service, soit un (faux) retour aux sources contraint et bien évidemment forcé où tout sera mis en oeuvre pour raccrocher les wagons après le déraillement en donnant aux fans exactement ce qu'ils veulent, où plutôt ce qu'ils pensent vouloir d'un groupe aussi légendaire après trente ans de carrière juste après s'être fait chier dessus par le groupe.

C'est finalement la stratégie la plus facile, la plus simple, celle qui ne comporte aucun risque, on oublie qu'Illud Divinum Pulanus a existé et on reprend les affaires courantes sans trop se faire chier, c'est quasiment dix ans du groupe qui passent à la trappe, la décennie du retour au bercail de David Vincent désormais considéré comme une parenthèse pendant l'ère Tucker, puisque c'est précisément là où le groupe veut revenir, et finalement, le truc qui m'a le plus choqué avec Kingdoms Disdained, c'est que sa première lettre soit un K, et non un J, c'est ainsi que j'ai découvert que le groupe avait sorti sous le nom de Juvenilia un vieux live datant de 89, mais passons.

Je ne vais pas vous dire que j'attendais des miracles de ce nouveau disque de Morbid Angel, mais le retour de Tucker annonçait un retour au Death Metal et surtout à une période un peu sous-estimée du groupe, le bien virulent Formulas Fatal to the Flesh et le massif et ultra-lourd Gateways to Annihilation, qui sont deux très bons disques que pas mal de personnes semblent mésestimer, surtout le second, même si ce n'est que mon avis, que j'ai toujours trouvé fascinant, mais bref, il ne faut pas oublier que Morbid Angel avec Tucker, ça a aussi donné Heretic, qui était vraiment très moyen, et très moyen, c'est exactement ce qu'est Kingdoms Disdained.

Sans aucune putain de surprise, cet album de Morbid Angel avec Steve Tucker sonne exactement comme un album de Morbid Angel avec Steve Tucker, c'est tout ce que vous aurez en guise de fameux retour en forme, du Morbid Angel basique et bourrin qui tire pas mal du côté d'Heretic ou plus simplement du côté de Warfather, qui était le groupe de Tucker pendant qu'il était sur la touche, il faut bien se mettre dans la tête que le Morbid Angel des albums de A à D est mort et enterré et qu'on y reviendra jamais, Kingdoms Disdained sert également à entériner un autre point de détail un peu plus gênant, le fait que Trey est presque rincé, n'a plus rien sous la pédale, et qu'il est en pilotage automatique avec des riffs que l'on qualifiera poliment, et au mieux, de moyen, autant le dire tout de suite, Kingdoms Disdained ne sera pas franchement flamboyant.

Bien sûr, Kingdoms Disdained est une putain de progression par rapport à l'album dont on taira désormais le nom, mais quand on part de si bas, il est bien difficile de faire pire, Piles of Little Arms ouvrira l'album de manière ultra-bourrine et violente, et bon dieu que c'est linéaire, ça tabasse, c'est direct de chez direct, et on va vite ressentir poindre l'ennui alors que le morceau fait moins de quatre minutes, j'imagine que le groupe voulait à tout prix que l'album débute de cette manière, le plus violemment possible, histoire de rassurer les fans sur leurs intentions, heureusement, malgré son titre un peu con, D.E.A.D, pour Department of Eradication And Disposal (putain...), ajoutera au bourrinage ambient une petite touche de groove bien sentie et enfin quelques variations de tempo, et c'est à peu près ce que sera l'intégralité de l'album, un enchaînement de morceaux moyens qui naviguent entre le violence de Formulas Fatal to the Flesh et la lourdeur de Gateways to Annihilation, voir le particulièrement écrasant Paradigms Warped qui développe une ambiance angoissante plutôt appréciable, le disque aura également quelques petits moments WTF, comme Declaring New Law, qui, même s'il ne tombe pas dans la nullité abyssale de l'album I, est globalement un morceau superbement moyen de Godflesh qui pataugerait dans la semoule.

Tucker est toujours aussi énervé avec un chant typé années 90, ce qui est appréciable d'un album comme celui-ci, et l'on retiendra la performance plutôt intense du nouveau batteur, qui a au moins le mérite de ne pas jouer comme une boite à rythme comme Yeung, c'est pas Sandoval non plus mais c'est propre, carré, et il apporte pas mal de mouvement et de chaos à des compositions qui en manquent pas mal, car il faut bien réaliser que Kingdoms Disdained est un album dramatiquement forcé manquant cruellement d'inspiration, le fait qu'Azagthoth n'en ait plus rien à foutre expliquerait peut-être pourquoi les riffs sont généralement noyés dans une avalanche de blast beats, car ce sont bien la batterie et le chant de Tucker qui sont mixés en avant, et c'est assez bizarre à entendre, l'album évolue de fait dans un vacarme assourdissant qui va s'avérer épuisant malgré une production pour une fois pas trop compressée de Rutan, c'est dommage d'avoir un mix qui semble annihiler toute tentative de création d'atmosphères afin de privilégier une violence en tout point factice et forcée.

On pourra toujours se consoler en se disant que c'est toujours mieux que le nauséabond disque précédent, ce qui n'était pas très compliqué à accomplir, Morbid Angel a naturellement choisi la facilité pour se remettre en selle et sauver la source de revenu de Trey Azagthoth, Kingdoms Disdained est un album safe et facile, ce n'est pas un bon disque, pas un trop mauvais non plus, il est juste profondément moyen.
Kingdoms Disdained est le disque le moins mauvais possible que pouvait sortir Morbid Angel à ce moment de sa carrière, et pas grand chose de plus, un disque bourrin et linéaire, unidimensionnel, qui manque tout simplement d'âme et de volonté d'aller plus loin que ce simple fan service sans aucun intérêt, difficile de se sentir concerné et encore moins satisfait par ce genre d'impasse artistique.
Track Listing:
1. Piles of Little Arms  03:44
2. D.E.A.D.  03:01
3. Garden of Disdain  04:25
4. The Righteous Voice  05:03
5. Architect and Iconoclast  05:44
6. Paradigms Warped  03:59
7. The Pillars Crumbling  05:06
8. For No Master  03:29
9. Declaring New Law (Secret Hell)  04:21
10. From the Hand of Kings  04:02
11. The Fall of Idols  04:49