mardi 30 mai 2017

[Chronique] Ulsect - Ulsect

Formé autour d'un ancien bassiste de Textures et surtout de deux membres actuels des excellents Dodecahedron, le projet Ulsect a de quoi intriguer et créer de la hype avec son line-up et une signature chez Season of Mist pour directement un premier album sans passer par la case EP, il faut dire aussi que c'est presque vendu comme un super-groupe vu comment le label insiste sur le fait que les gars d'Ulsect sont chez d'autres groupes, ce qui va être important pour d'autres raisons que les triviales questions promotionnelles, il y aura beaucoup de Dodecahedron et de Textures chez Ulsect, quelle putain de surprise...

Entre la pochette super mystérieuse où il y a une espèce de trou noir et la photo promo du groupe, il n'y a aucun doute, Ulsect va faire dans le Death à la mode, ouais, vous savez, ce truc qu'on appelle Post-Death sans trop savoir pourquoi, auquel on aime bien accoler l'étiquette Avant-Garde parce qu'on ne sait pas trop comment cataloguer le truc, oui, tout à fait, les machins Death cérébraux dissonants directement inspirés par Gorguts et Ulcerate, j'ai tendance à appeler ça du Tech-Death abstrait, je n'ai pas vraiment trouvé mieux.

Vous allez me dire, putain, encore un groupe de Death abstrait, ça commence à bien faire, y'en a marre, on sature, et vous avez sans doute raison, sauf dans le cas d'Ulsect, car les hollandais sont une bestiole plutôt différente, surtout beaucoup moins labyrinthique et hermétique que d'autres groupes du genre, leur tech Death est bien évidemment complexe et comprendra tout un tas de bifurcations et ramifications au sein de structures pas toujours très conventionnelles, mais Ulsect va parvenir à se montrer curieusement accueillant dans son approche du genre, presque rafraîchissant aussi.

Il faut dire aussi que ce que fait Ulsect n'est pas franchement orienté Death Metal pur jus et que les hollandais ne sont pas non plus forcément intéressé par l'édification de murs sonores hermétiques et écrasants, le premier morceau Fall to Depravity va démarrer comme votre Tech-Death abstrait conventionnel, il n'y a pas trop de surprises dans ce tir de barrage post-Death et ce déluge sonore froid et menaçant, mais très vite, le morceau va prendre une coloration différente, puisqu'il va ajouter à ce qui pourrait ressembler à une version Death Metal de Dodecahedron une bonne louche de post-machin prog à la Textures qui va permettre à l'auditeur de respirer un peu entre les phases de défouraillages Tech-Death dissonants et menaçants, et de la même manière permettre à Ulsect de développer des morceaux plus atmosphériques dans pour autant sacrifier ses velléités agressives et son penchant pour la violence, ça reste du Death après tout.

C'est la petite touche Ulsect dans un genre désormais très codifié, cet album ne va pas révolutionner le genre et la plupart des éléments empruntés aux Tech-Death abstrait sont un peu réchauffés, ce qui n'empêche pas qu'avec sa grosse louche de Djent à la textures et l'utilisation de plages ambiantes et pesantes, Ulsect parvient à proposer une mouture très accessible et bien plus digeste que la plupart de ses comparses, un morceau comme Our Trivial Toil, pourtant très long avec ses huit minutes au compteur, va passer comme une lettre à la poste, Ulsect conservant une tension de tous les instants, armé d'une rythmique imposante et d'un son de de basse carrément énorme, développant une longue plage atmosphérique qui laisse le temps de respirer, c'est bien ça le petit gimmick des hollandais, ne pas vouloir ensevelir l'auditeur sous une tonne de plomb ou le laisser errer dans un labyrinthe cauchemardesque et abscons, Ulsect est plutôt du genre à vous accompagner le long du chemin.

Il faut dire que l'album à un flot particulier, avec des morceaux souvent connectés les uns avec les autres, notamment articulés autour des deux instrumentaux, Ulsect a même tendance à aller un peu plus loin avec également des références à du Gojira, pour cette faculté à développer une musique à la fois pesante, lourde, et en même temps aérienne, le chant bien plus typé Hardcore/Djent et pas trop teinté de growl caverneux aide aussi à faire ce rapprochement, de même que l'utilisation de rythmiques massives et ultra martiales qui accompagnent les riffs dissonants pour une efficacité maximale.

L'air de rien, entre Dodecahedron et cet album d'Ulsect, les hollandais sont en train de tuer le game cette année, je ne dirais pas qu'Ulsect se rapproche du niveau atteint par Dodecahedron, mais Ulsect parvient à proposer une vision bien personnelle du Tech-Death abstrait, qui sonne étrangement frais malgré l'utilisation de tous les codes du genre.
Ulsect se montre plus digeste, plus limpide, et choisi de prendre le temps de développer ses atmosphères lumineuses qui contrebalancent parfaitement son Death agressif d'ailleurs bien plus chargé de Groove que de dissonances schizophréniques, Ulsect prend un genre élitiste à mort pour lui donner des contours plus accessibles tout en maintenant un certain niveau de complexité et une intensité de tous les instants, une vraie réussite pour un premier album.