samedi 29 avril 2017

[Chronique] Nightbringer - Terra Damnata

J'avais bien aimé le dernier Nightbringer sorti il y a déjà trois ans, Ego Dominus Tuus était de ces très bons disques de Black qui même s'ils ne touchent pas à l'excellence parviennent à se hisser dans le peloton de tête des prétendants, près du trône, à une marche, mais jamais vraiment apte à prendre la place de l'empereur, qui même désormais absent aura laissé une aura infranchissable pour les prétendants.
Bref, malgré son évolution, ayant délaissé son black occulte et trve à mort pour des délices bourrins et emphatiques, Nightbringer ne sera jamais le nouvel Emperor, cherchez pas, c'est mort, Nightbringer vient de trop loin et Season of Mist aura beau tenter de vous vendre le bouzin comme étant le nouveau géant du genre, Nightbringer ne sera jamais rien d'autre qu'un bon élève appliqué, mais c'est déjà pas mal, il n'y a aucune honte là-dedans.

Pourquoi Nightbringer ne franchira jamais le dernier pallier? facile, pour cette incapacité à se sublimer et à passer la vitesse supérieure, c'est déjà le cas sur Ego Dominus Tuus, après un début d'album brillant, la qualité du songwritting diminuait presque irrémédiablement par la suite et le groupe se répétait, Terra Damnata ne va pas franchement modifier quoi que ce soit à la formule établie par son aîné, n'espérez pas du tout un retour au Black underground et crapoteux dissonant occulte, les américains sont passés définitivement à autre chose et n'y reviendront pas, Terra Damnata ne fait qu'entériner la nouvelle orientation... et rien d'autre.

Ouais, il y a beau avoir eu une évolution il y a quelques années, il n'en reste pas moins que Nightbringer est un dogmatique et surtout pas du genre à faire autre chose que ce qu'il sait faire, n'y allons pas par quatre chemin, il n'y a rien de neuf dans Terra Damnata qui n'est rien d'autre qu'un Ego Dominus Tuus part II, vous aimez aimé le déluge de tremolo en mode parpaing dans la gueule dans un délire grandiose et occulte? cool, vous allez en reprendre pour cinquante minutes de grosses mandales dans la gueule, vous prenez de la tornade de blasts cinglante à la Dark Funeral que vous saupoudrez de dérivés emphatiques à la Emperor et vous obtenez du bon gros Black de bourrin avec exactement les mêmes défauts que l'album précédents, et les mêmes qualités aussi, vu que c'est quasiment le même disque après tout...

Infernal, violent, grandiose, énorme, tout autant qu'il est redondant et répétitif, dans les mêmes proportions, Terra Damnata est le genre d'album qui fait illusion un temps, surement une écoute ou deux, avant que tu ne le ranges sagement sur l'étagère avec les autres, mais plus probablement que tu ne l'oublies dans ton dossier Black Metal sur ton disque dur car cet album tu l'auras surement téléchargé vilain pirate, bref, Nightbringer n'est pas du tout là pour tenir un stand de crêpes non plus, faut pas déconner et trop pousser le bouchon, même sans aucune surprise, Terra Damnata demeure un très bon disque de Black Metal, surement ce qui se fait de mieux pour celui qui souhaite retrouver la grandeur d'un Emperor, malgré tout sans la magie et le génie du maître.

C'est ce qui manquera toujours à Nightbringer, le génie, cette capacité à se sublimer, à aller au-delà de ce que l'on croyait possible, Nightbringer est un excellent copiste, un tâcheron compétent, qui ne semble pas aspirer à autre chose, comme si Naas Alcameth, la tête pensante du projet, préférait laisser libre-court à son inspiration pour son projet Akhlys et ne voyait qu'en nightbringer un projet alimentaire, un cynique pourrait pensait ça, et ça tombe bien, c'est ce que je suis, et pour moi ça explique le côté pas super inspiré de ce nouvel album, bon mais pas top, qui bande un peu mou et ne fait pas franchement jouir un auditeur qui aura surement mentalement lâché l'affaire avant la fin.

Partant de là, Terra Damnata est relativement facile à appréhender, As Wolves Amongst Ruins ouvre le disque en mode ultra-violence avec un mur du son en parpaing, déluge de Blast beats et acrobaties guitaristiques à base de trémolo volubiles, bourrinage et étrangeté occulte notamment au niveau d'un chant versatile qui vagabonde dans le chant clair d'asile psychiatrique, on dirait que Nightbringer a coché toute les cases de son bingo Black Metal défini il y a trois ans, ça a au moins le mérite de faire le boulot et de mettre l'album sur de bons rails, ça entérine aussi le fait que ce Nightbringer désormais imprégné de modernité sonore ne proposera rien de neuf, Misrule sera donc plutôt classique et en en rajoutant une couche dans la sauvagerie et l'intensité sans aucune pitié, mélangeant quand même subtilement quelques dissonances bienvenues avec une force de frappe toute primitive, qui se clôturera par quelques minutes d'occultisme atmosphérique, mouais, c'est bien évidemment trop long et c'était le même problème il y a trois ans, Nightbringer propose toujours des morceaux trop longs, avec beaucoup de remplissage inutile, ce qui a tendance à rendre leur musique artificiellement pompeuse, et bien évidemment redondante.

Terra Damnata est une redite, le soucis étant que je suis bien incapable de vous sortir un morceau en particulier tant il ont tendance à tous se ressembler avec des ambiances et des riffs interchangeables, on a l'impression que les morceaux naviguent tous autour des six minutes et proposent la même chose, avec son déluge bourrin souvent enrobé de fines orchestrations afin de rendre tout ça épique et comprenant toujours les déclinaisons atmosphériques occultes, Let Silence Be His Sacred Name navigue dangereusement du côté de Dimmu Borgir et je ne pense pas que ce soit vraiment une très bonne idée, et à la limite, on retiendra peut-être une fin d'album un peu plus posé avec un Inheritor of a Dying World mid-tempo et imprégné d'un occultisme ténébreux et savoureusement baroque dans son approche, The Lamp of Inverse Light sera un bon petit filler atmosphérique avec de la narration, précédant un Serpent Sun qui n'en fait pas des tonnes, une sobriété réellement appréciable après un album qui semble vouloir faire le plus de vacarme possible en se concentrant sur la forme plutôt que sur le fond, Serpent Sun est peut-être le seul titre de l'album que l'on pourrait qualifier de véritablement épique, dommage que ce soit le huitième et ultime titre d'un disque qui n'aura jamais décollé.

Nightbringer ne s'est pas trop emmerdé, il ont refait Ego Dominus Tuus avec un tel mimétisme qu'ils en ont même reproduit les défauts, qui se sont d'ailleurs légèrement amplifiés car contrairement à il y a trois ans, Terra Damnata ne propose même pas ces deux-trois morceaux référence et définitif qui faisaient oublier les-dits défauts, d'ailleurs, Nightbringer veut tellement sonner de manière monumentale qu'il fini par sonner de manière ridiculement minuscule, avec des morceaux qui sonnent forcés au possible, sans aucune ambition, ce qui est assez paradoxal pour un Black qui se veut énorme et over-the-top.
Nightbringer manque d'inspiration et d'idée et tente de le masquer avec un enrobage grandiloquent, Terra Damnata est brutal, infernal, envoie la sauce avec une verve primitive, mais n'est au final qu'une resucée redondante et diablement répétitive d'une tambouille qui ne va jamais au-delà d'un territoire défini, Nightbringer ne se met jamais en danger, tourne en rond dans des codes étriqués, et même si ça en met plein la gueule avec son déluge sonore, on s'ennuie assez vite et c'est la déception qui prédomine, Nightbringer manque trop d'ambition pour pleinement convaincre et son pilotage automatique s'avère bien trop lassant pour qu'on y revienne après quelques écoutes.