jeudi 9 juillet 2015

[Chronique] Cradle of Filth - Hammer of the Witches

Le problème avec les albums de Cradle of Filth depuis plus de dix ans, c'est que bien que ce soit de la merde, ce n'est jamais suffisamment mauvais pour justifier un trollage massif de ma part et un déferlement d'insultes et de gifs, j'avais eu ce problème avec la précédente livraison du groupe, The Manticore and Other Horrors, le disque n'avait aucun intérêt, et était même parfois carrément idiot dans sa brutalité, mais ne tombait jamais dans le ridicule ou la grosse bouse infâme, ce qui est toujours dommage pour un chroniqueur/Troll comme moi.
Mais tout n'est pas perdu, car j'avais secrètement espoir qu'avec Hammer of the Witches, Cradle of Filth allait enfin sortir une vraie belle merde dégueulasse, j'avais même prévu des gifs pour l'occasion, c'est vous dire si j'y croyais... sauf que vous ne verrez pas ces gifs aujourd'hui, ce qui me chagrine un peu, car Hammer of the Witches n'est pas une catastrophe, merde, c'est con quand même, mais ce n'est pas pour autant qu'il est très bon, faut pas déconner, mais on a peut-être affaire à un disque de transition vers quelque chose qui pourrait être vaguement bon un jour, car il y a des trucs pas mal dans cet Hammer of the Witches, de là à dire que ce disque est intéressant, il y a quand même une certaine marge, mais c'est un peu mieux que prévu.

Malgré tout, un album de Cradle of Filth a toujours un certain intérêt, mais seulement côté business pour le groupe, vous croyez quoi? que les mecs continuent par amour de l'art? évidemment non, car que cela vous plaise ou non, Cradle of Filth reste un gros poisson devenu culte dans les années 90... enfin, quand je dis culte, c'est globalement pour un public mainstream qui n'est jamais allé au-delà de ce groupe en ce qui concerne le Black Metal, et qui se contente de ça, le groupe attire toujours du monde en concert, et surtout, les festivals toujours en quête de gros noms pour remplir une affiche (une denrée de plus en plus rare dans le Metal) seront toujours preneurs de ce genre de groupe catalogué par les masses comme "extrême" et ayant réussi à toucher un grand public, peu importe que ce soit pour l'imagerie provocante (du moins à une certaine époque) ou pour la qualité de la musique, bref, un gros nom, ça ne se lâche pas, tant que ça reste vendeur, il faut continuer coûte que coûte, y'a toujours moyen d'en tirer profit.

Bon, bien sûr, quand je dis Black Metal pour catégoriser Cradle of Filth, c'est désormais un raccourci facile vu que le groupe n'en fait plus trop depuis dix ans, et quand je dis "les mecs" dans le paragraphe précédent, il faut plutôt comprendre Dani Filth tout seul plus une joyeuse bande d'intérimaires, car le line-up a une fois de plus été modifié en profondeur par Dani le nabot en chef, et c'est ainsi que l'on dit au revoir au guitariste de longue date Paul Allender, gentiment prié d'aller se faire foutre, et que l'on accueille deux nouveaux guitaristes, Rich Shaw et Ashok, Daniel Firth prend du galon et passe de bassiste de session à bassiste titulaire, et encore une nouvelle venue, la canadienne Lindsay Schoolcraft se s'occupera des claviers et du chant féminin, parce que bon, c'est dans le cahier des charges de ce genre de groupe d'avoir une meuf qui fait du clavier, et comme elle a environ cinquante kilos de moins que Sarah Jezebel Deva, elle pourra peut-être attirer le crevard et qui sait, la consécration d’apparaître dans le calendrier des hottest chicks in Hard Rock de Revolver, on ne va pas cracher sur de la pub gratuite...

Bref, y'a du changement, et bizarrement, c'est pour le meilleur, enfin, pour le moins pire, car le nouveau duo de guitaristes va apporter un peu de sang neuf dans la musique de Cradle of Filth, pas au point de rendre l'album très bon, mais l'apport de ces nouveaux guitaristes va se ressentir par moment, de quoi me faire dire qu'on est presque passé à côté d'un bon disque, presque hein, car malgré une qualité supérieure dans le riffing et surtout dans les leads, Cradle of Filth va malheureusement nous resservir son Metal extrême lourdingue en mode bourrinage de gros débile que ne vont pas toujours réussir à sauver les leads souvent ingénieuses de nos deux nouveaux compères, j'insiste sur la pas toujours, car ce sera parfois le cas.

En fait, la trajectoire de Cradle of Filth me rappelle un peu celle de Misanthrope, qui pratiquait au début un Death étrange et limite avant-gardiste avant de se mettre au MeloDeath brutasse bas-de-plafond où les claviers auparavant baroques et omniprésents se sont retrouvés dans le fond derrière le mur de riff, Cradle of Filth est certes parti d'un genre différent, globalement un Black symphonique baroque et un peu fou avec ses longs titres à tiroirs, et même s'ils ont bifurqué un moment dans une espèce de daube Goth extrême dégueulasse, sont arrivés au même point, le death mélodique de gros bourrin où le Black n'est qu'une référence assez lointaine, c'est un peu la crise de la quarantaine pour les groupes qui dépassent les vingt ans d'existence, à croire qu'ils veulent à tout prix sonner le plus fort possible pour se prouver qu'ils sont encore jeunes et fougueux, sauf que ça fait toujours forcé et qu'ils en oublient les fondamentaux qui ont fait leur succès par le passé.

Même si les titres sont assez longs, environ six minutes en moyenne, abandonnez tout espoir de longues chevauchées romantico-épique dont le groupe avait le secret par le passé, c'est encore le bourrin qui est à l'honneur avec Hammer of the Witches, et après la traditionnelle introduction mystérieuse de rigueur, Yours Immortally va reprendre le chemin emprunté par Manticore, du Death mélodique en mode tâcheron, une batterie en mode tapis de blasts assourdissante, et des orchestrations dans le fond pour l'ambiance, autant le dire tout de suite, c'est plutôt de la daube quelconque, et la seule chose que l'on retiendra, c'est l'excellent travail du nouveau duo de guitaristes sur les leads, et l'on pourrait dire la même chose sur presque la totalité des titres de l'album, c'est du MeloDeath violent, brutal et simpliste, mais y'a des leads qui déchirent, Enshrined in Crematoria est plutôt basique, avec les orchestrations d'usage et les moments atmosphériques bien foutus, qui précédent un excellent passage à la limite du Power Thrash, c'est justement ce qui manquait à l'album précédent, du punch et du dynamisme, et là, on va en avoir, car contrairement à la dernière fois, le bourrinage sera moins assourdissant, moins usant, même si Hammer of the Witches va quelque peu souffrir des mêmes problèmes que ceux de Manticore.

Ben ouais, c'est bien gentil de mettre du punch et du dynamisme, il n'en reste pas moins que chaque titre sera à chaque fois trop long et que Cradle of Filth va peiner à tenir sur la durée, c'est compliqué de tenir six minutes ou plus avec un riff et de bonnes leads, et même si le groupe va avoir recours à ses artifices habituelles, notamment les passages plus atmosphériques avec des orchestrations toujours aussi classieuses, tout ça va vite devenir répétitif, surtout dans la deuxième moitié de l'album, qui contient les titres les plus faibles, ou en tout cas les plus linéaires, Hammer of the witches, Right Wing of the Garden Triptych, ou The Vampyre at My Side, œuvrent dans un Melodeath à claviers gothiques et baroques plutôt quelconque et passe-partout, où on ne va rien retenir à par le vacarme ambiant, cette seconde partie d'album, globalement à partir de l'interlude The Monstrous Sabbat, n'a pas le même dynamisme ni le même sentiment de grandeur et d'emphase qui peuvent émaner de pièces plutôt ambitieuses comme Deflowering the Maidenhead, Displeasuring the Goddess ou Blackest Magick in Practice, des morceaux qui parviennent, enfin, à conjuguer la puissance brute et un harnachement symphonique plutôt grandiose, et à la limite, on aurait aimé que Hammer of the Witches soit un EP ne contenant que les cinq premiers titres.

Reste un autre problème, récurrent aussi, Dani Filth est toujours autant à la ramasse vocalement, ça ne s'est pas amélioré en trois ans, et l'on sent bien que sa voix est complètement pétée après des années à forcer dessus, et ça fait de la peine de parfois entendre un vieillard asthmatique en fin de course en train de galérer à ce point-là, il est de fait responsable du fait que certains morceaux manquent d'un peu de punch, le Dani est largement moins versatile que par le passé, il donne le change en restant dans un registre moins criard, n'utilise presque plus de growl non plus, ce qui ne l'empêche pas de continuer malgré tout à tenter des cris bien trop hauts pour ses capacités vocales actuelles, pour un résultat assez pathétique.

En dehors de la voix de Dani Filth, la musique de Cradle of Filth s'est améliorée en trois ans, l'injection de sang neuf dans le line-up a fait beaucoup de bien, et on tient presque avec Hammer of the Witches le meilleur album du groupe depuis Midian, sans pour autant parvenir à atteindre de nouveau de certaines productions passées, car malgré le petit coup de mieux, Cradle of Filth retombe souvent dans le travers de la linéarité crasse qui finit par plomber l'album au final.
Ce n'est pas encore l'album de la résurrection, loin de là, mais Cradle of Filth tient peut-être le bon bout s'il parvient à conserver ce line-up, notamment deux guitaristes particulièrement compétents, Hammer of the Witches est quand même un peu moins nul que son prédécesseur, et constitue un effort plutôt honnête sans être flamboyant, c'était presque bien dites-donc, et qui sait, au lieu d'attendre un album de merde, peut-être que la prochaine fois j'attendrais un bon disque, qui sait...

Un peu de mieux
Track Listing:
1. Walpurgis Eve  01:29
2. Yours Immortally…  06:00
3. Enshrined in Crematoria  05:46
4. Deflowering the Maidenhead, Displeasuring the Goddess  06:56
5. Blackest Magick in Practice  06:50
6. The Monstrous Sabbat (Summoning the Coven)  01:51
7. Hammer of the Witches  06:28
8. Right Wing of the Garden Triptych  05:54
9. The Vampyre at My Side  05:45
10. Onward Christian Soldiers  06:59
11. Blooding the Hounds of Hell  02:10