samedi 9 mai 2015

[Chronique] Arcturus - Arcturian

Je ne pensais jamais avoir à chroniquer un album d'Arcturus sur ce blog, le légendaire combo norvégien était mort et enterré et c'était bien comme ça, ne restaient que, globalement, de bon souvenirs et une douce nostalgie d'une époque révolue, même si l'on sentait que le retour scénique du groupe en 2011 laissait augurer un possible nouvel album à moyen terme, c'est ainsi, nous vivons à cette époque où tous les groupes un peu cultes reviennent à la vie (même In the Woods bosse sur un nouvel album), peu importe que le statut de groupe culte ait été acquis avant ou après le split, bref, dans le cas d'Arcturus, ce statut a été acquis de son vivant, tant l'influence du groupe a été énorme sur toute la scène Black Avant-gardiste, et pas seulement norvégienne.
Arcturus est l'auteur de trois disques absolument indispensables, dans des genres très différents, mais qui s'inscrivent dans la logique d'une évolution, Aspera Hiems Symfonia, La Masquerade Infernale, et The Sham Mirrors, et puis il y a eu Sideshow Symphonies, aïe...
Sideshow Symphonies, dernier album du groupe pré-split, avait prouvé deux choses, qu'Arcturus était arrivé au bout de son évolution et ne pouvait pas aller au-delà, et qu'avec le remplacement au chant de Garm par Vortex, on avait largement perdu au change, ouais, Sideshow Symphonies était foiré et foireux.
Malheureusement dix ans après, rien n'a changé chez Arcturus, et Arcturian ne va faire que confirmer les deux points ci-dessus, constituant un second disque complètement dispensable dans la discographie des norvégiens, à tel point que l'on se demande vraiment pourquoi les gars ont trouvé nécessaire le fait de sortir un nouvel album...

La déception est devenue la norme chez Arcturus, le recyclage aussi, car le groupe n'avance plus, et finit même par complètement régresser comme le serpent qui se mange la queue, Arcturus en 2015 se contente de peu et n'a plus de couilles ni le panache qui le caractérisait.
Mélodique, accessible... sans aucunes putain de surprises, aucune nouveauté à l'horizon, on en est quasiment à de l'auto-parodie dans cet album en mode pilotage automatique, où le but semble être de donner à peine ce que les fans veulent sans se faire chier, sans se mettre en danger, qu'elle est loin l'époque où le groupe était novateur et mettait ses couilles sur la table à chaque album, choquant l'auditeur avec classe et talent.

Vulgaire et vaine resucée de The sham Mirrors en moins bien, sans la magie cosmique qui émanait de cet album, le côté théâtral grotesque de La masquerade infernale? Dans ton cul, profondément en plus, que reste-t-il d'avant-gardiste à Arcturus en dehors du fait de balancer de manière ridicule des effets sonores futuristes et de gaver tout ça avec des orchestrations recyclées et du violon pourri? bah que dalle, juste un groupe qui s'enferme dans ses codes, qui avait déjà touché le fond avec Sideshow symphonies mais qui continue inlassablement de creuser dans les abîmes de la médiocrité.

Peut-on parler de progressif concernant un groupe qui n'évolue plus, ne progresse plus, ne transgresse plus du tout ses propres codes comme il le faisait avant? la réponse est non, en parlant d'Arcturus, progressif est devenu la définition d'un ensemble de règles établies, qui s'avèrent être en fin de compte des limitations de son espace sonore, Arcturian est désespérément prévisible, creux et vide de sens, où l'intérêt dépasse le zéro absolu, où l'inspiration du groupe est prisonnière dans les glaces éternelles, un Arcturus qui se contente de répéter sa formule sans imagination, sans envergure ni ambition, putain que cet album est petit, et pour un groupe qui se situe dans la catégorie avant-garde/progressif, ça le fait moyen.

Vortex fait encore son yodel pourri, la batterie d'hellhammer sonne toujours de manière aussi peu naturelle et l'on commence à sérieusement se demander si ce n'est pas une batterie programmée, les riffs sont pauvres, les structures déjà utilisées à de trop nombreuses reprises auparavant, quant aux ambiances, ce sont encore une fois les mêmes, du psychédélique symphonique ultra poussif qui se veut cosmique, pour simplifier, si vous attendiez 2015 l'odyssée de l'espace, vous aurez droit au crash de la navette Challenger, dix ans pour ça.

Tout est en faute dans Arcturian, notamment la production bien dégueulasse qui ne fait qu'embourber des morceaux déjà pas flamboyants dans une platitude abyssale, un comble alors que les titres font réellement preuve d'une certaine richesse sonore, de la redite facile, certes, mais un enchevêtrement de textures plutôt habile malgré tout, malheureusement gâché par une production sans envergure, sans aspérité ni dimension emphatique, et alors que le fait d'utiliser de vrais instruments à cordes classiques et même un peu de tuba devrait donner une chaleur organique à la musique, l'ensemble apparaît froid et sans âme, ce qui a tendance à me conforter dans l'idée que ce disque est un gigantesque Troll et que les norvégiens se foutent ouvertement de la gueule des fans avides qui de toute façon achèteront le bouzin quoi qu'il arrive.

La plupart des effets d'Arcturus tombe à plat, la dimension introspective de certains titres apparaît plutôt vide de sens, la faute à un son toujours aussi factice et malencontreusement trop froid, où la magie est absente, comme sur les deux morceaux de symphonique/Electronique Demon et Journey, les références à la facette plus théâtrale (Pale, Game Over) du groupe sont généralement pataudes et lourdes, un peu comme tenter de refaire La Masquerade Infernale sans la fourberie vocale de Garm, et même quand le groupe veut replonger dans la vigueur du Black (Angst), il le fait en forçant trop le trait, et cela sonne comme un passage obligé, sans vraiment l'envie d'en découdre, le rythme s'accélère timidement dans une froideur glaciale et un son bien trop policé pour l'exercice, à aucun moment Arcturus ne parviendra à prendre l'auditeur aux tripes, ni même à le surprendre avec ses figures de style imposés, chausse-trappe dans laquelle le groupe ne fait que tomber à chaque fois.

L'expérimentation est ici au ras des pâquerettes, avec un album gavé de clins d'oeil aux trois premiers albums du groupe, comme si Arcturus ne se résumait aujourd'hui qu'à faire du fan service, c'est complètement le cas sur le single d'ouverture The Arcturian Sign, un resucée spatiale et théâtrale de la Masquerade Infernale et de Sham Mirrors, c'est pile poil entre les deux, comme un chaînon manquant que personne ne cherchait et dont le peu d'implication du groupe saute aux yeux, et hop, quelques bruitages de rayons laser en mode guerre des étoiles cheap, Vortex fait son petit numéro habituel, le petit solo bien mélodique est ultra convenu, le titre est certes composé de différents mouvements, mais chaque section s'avère bien trop convenue pour faire véritablement de l'effet, la bizarrerie habituelle en quelque sorte, sauf que le numéro est usé jusqu'à la corde, Crashland pourrait être un build up intéressant, avec un violon particulièrement bien utilisé, mais qui n'aboutit sur rien de concret, pire, ça commence très vite à tourner en rond et on s'emmerde en se demandant où le groupe veut en venir, avec juste cette envie de prendre un billet pour la Norvège afin de mettre un bon coup de rangers dans la gueule de Vortex pour qu'il la boucle, j'imagine que les fans tyroliens du groupe seront ravis de se taper le yodel de Vortex, un chanteur que j'apprécie à petite dose chez Borknagar, mais sur la totalité du disque, ça va vite casser les couilles et tourner à vide, la performance vocale est typique d'un Vortex en roue libre qui n'en a absolument rien à foutre, n'hésitant pas à se couvrir de ridicule sur les passages les plus aigus et théâtraux.

Où est la transgression et la folie? Arcturian est sinueux, riche en mouvements, en textures aussi, mais ne fait qu'enchaîner les figures imposés, Arcturus fait preuve de dilettantisme jusqu'à la banalisation de sa folie, avec des titres mollassons et incroyablement pompeux, où les aspérités sont absentes, une description de paysages spatiaux jusqu'aux confins de l'ennui, où l'on ne se sentira jamais véritablement concerné par ce qu'il se passe, rien n'est jamais bluffant ou surprenant, et après dix ans d'attente, Arcturian est un genre de pot-pourri en forme de best-of foiré d'Arcturus, franchement pas ce que l'on était en droit d'attendre de la part d'un groupe aussi innovateur et original, qui avait fait des mutations sa marque de fabrique, ici, on ne peut se satisfaire d'une telle production de la part de l'orchestre norvégien.

Un cynique vous dirait que le but de la manœuvre est purement mercantile, c'est malheureusement souvent le cas quand les groupes cultes se reforment après une longue absence, la fan-base étant déjà présente, c'est du tout cuit commercialement, Arcturus donne précisément aux fans ce qu'ils veulent entendre, cela pourrait fonctionner dans n'importe quel autre genre plus prosaïque, dans le cas d'un groupe d'avant-garde, il en va autrement, et Arcturian manque cruellement d'une véritable vision, ainsi que d'une volonté d'aller au-delà de la simple redite confortable.
On aurait aimé la redéfinition de l'avant-garde par Arcturus, on a juste un disque crapoteux qui radote sévère, sans le panache ni la magie cosmique de certains opus passés, encore moins les aspects théâtraux décadents, la machine Arcturus fonctionne à vide du début à la fin, où chaque morceau erre sans but dans l'immensité de l'espace, sans se mettre en danger, en voulant à tout prix coller à des codes stricts, Arcturus accouche d'une oeuvre irrémédiablement médiocre, en tout cas à l'échelle de la discographie des norvégiens, qui auraient mieux faits de s'abstenir, cela nous aurait évité ce retour raté en forme de crash dans les étoiles.

The Arcturian Crash
Track Listing:
1. The Arcturian Sign  05:08
2. Crashland  04:08
3. Angst  04:26
4. Warp  03:51
5. Game Over  05:57
6. Demon  03:27
7. Pale  05:10
8. The Journey  04:14
9. Archer  05:36
10. Bane  05:50