samedi 24 mars 2018

[Chronique] Susperia - The Lyricist

Cela fait tellement longtemps qu'on avait plus de nouvelles des norvégiens de Susperia que si on m'avait annoncé qu'ils avaient splitté ça ne m'aurait pas surpris plus que ça, car on ne peut pas dire que le groupe a suivi une trajectoire ascendante depuis 2009, date de sortie de leur dernier album, une crise cardiaque du chanteur Athera, un single moisi pour participer aux sélections norvégiennes pour l'Eurovision et une compilation bricolée en 2011, et depuis plus grand chose, un Athera qui part dépanner chez Borknagar avant de définitivement lâcher l'aventure en 2015, ce qui dans le cas de Susperia semblait plutôt dramatique vue l'importance de son vocaliste dans la tambouille des norvégiens, un groupe qui n'a jamais su où se placer, et que le public n'a jamais réussi à classer non plus, du Thrash, du Melodeath, du Black, du Power, la musique de Susperia a toujours évolué autour de ces courants-là, délaissant malgré tout progressivement le Black au profit d'une certaine ouverture mélodique, et avec ce caractère alternatif, on voyait mal comment Susperia allait pouvoir remplacer un chanteur aussi versatile du calibre d'Athera...

Ah ben si, c'est facile de remplacer Athera, il suffit juste de prendre un chanteur encore meilleur, c'est ainsi qu'entre en scène un certain Bernt Fjellestad, choix surprenant au premier abord puisque le gars est plutôt connu pour faire du Power Metal chez Guardians of Time, ce qui n'a pas franchement de rapport avec ce que fait Susperia à la base, mais il faut croire que les gars de Susperia savaient très bien ce qu'ils faisaient, que le chant clair de Fjellestad soit meilleur que celui d'Athera, ça me parait normal, mais que Fjellestad ait également un meilleur growl et une palette vocale encore plus large que celle de son prédécesseur, personne ne l'avait vu venir, et sa performance va faire pour beaucoup dans le succès de The Lyricist, parce que ouais, le disque est bon.

Enfin, quand je dis succès, c'est à l’échelle d'un groupe comme Susperia hein, ce n'est pas comme si le groupe avait déjà sorti un grand disque dans le passé, et même au sommet de sa forme, ce qui pour les fans remonte aux deux premiers albums qui étaient davantage orientés Thrash et Black, ça n'a jamais été la folie du côté des norvégiens, même à l'époque d'Unlimited quand le groupe à amorcé un virage mélodique, ils se sont montrés plus clivant que convaincant, et quand je vous disais que pour un peu tout le monde c'est du côté des deux premiers albums qu'il faut retourner pour trouver le meilleur de Susperia, c'est également là où le groupe a voulu revenir, enfin, un peu, ce n'est pas comme si The Lyricist était un album de Blackened Thrash, loin de là, mais il va parvenir à reconnecter le Thrash mélodique teinté de gros Power Metal avec ses racines Black tout en incorporant du Death mélodique, et pour un premier album avec le groupe, l'ami Fjellestad  a eu du boulot, The Lyricist navigant entre Nevermore, Hypocrisy, Amon Amarth, et de succulentes références au Black Metal, rappelons quand même que le batteur Tjodalv est passé chez Dimmu Borgir et Old Man's Child et que le reste du groupe à un background dans le l'extrême.
I Entered va coller une sacré baffe en guise d'ouverture, et ou sera heureux de retrouver un Susperia plutôt conquérant même si de facture relativement classique, c'est un peu comme si le groupe avait voulu se rassurer avec un morceau sans trop de surprise histoire de bien intégrer son nouveau vocaliste, qui va d'ailleurs se montrer foutrement convaincant, en faisant preuve d'une redoutable versatilité, il en fait un peu trop peut-être, mais qu'importe, ça le fait, le morceau est catchy, bien Heavy et parfois punitif avec sa section rythmique intraitable, et ce ne sera qu'une mise en bouche, car Heretic sera d'un tout autre niveau en terme de violence et de conviction, le morceau aura de véritables passages Black, avec le chant qui va bien, qui se mêleront avec une sorte de Power Metal groovy à la Nevermore, et il sera d'ailleurs question de ce dernier sur le titre éponyme, The Lyricist, qui lui mixe du Nervemore avec du Death mélodique, car Hypocrisy ne sera pas très loin quand le groupe appuiera sur l'accélérateur, on pourra regretter que l'opposition de style soit malgré tout un peu cliché et que le titre donne l'impression d'être un assemblage de deux groupes différents et que ça ne se mélange jamais parfaitement, comme cette espèce de Power Ballade My Darkest Moment, on retrouve un build up assez typique de Susperia, très énergique, mais où les passages un peu gothiques et Doom semblent hors de propos, avec un petit break acoustique à mi-parcours directement piqué chez Dissection.
Comme tous les albums de Susperia, The Lyricist ne sera pas parfait, car le groupe évolue toujours le cul entre trois chaises et veut tout le temps trop en faire, ce qui fait que l'on a tendance à être balader entre plein de genres différents au sein d'un même morceau, ce qui est un problème récurrent chez Susperia, tellement récurrent que c'est devenu ce qui fait parti du charme du groupe et de sa personnalité, Void est presque un morceau de Black Metal qui rappellera fortement Old Man's Child, auquel on aurait rajouter une louche de Power Metal et un chant clair pas des plus judicieux, avec Feed the Fire, on sera dans un bon gros Melodeath où Fjellestad  nous sort son meilleur growl, sur le première minute du morceau on se croirait presque chez Amon Amarth avec son côté massif et lancinant, les dérivations Black apporteront un surcroît d'énergie et de sauvagerie, quant à Whore of Man, c'est un peu le titre qui résume le mieux l'album, car absolument toutes les influences de Susperia y passent, du Death mélodique au Black en passant par le Power, le Heavy, le Groove, le Thrash, si vous vous demandiez ce que ça pourrait donner si on mélangeait Immortal, Hypocrisy, Nevermore, Pantera, Blind Guardian et Dimmu Borgir, Susperia vient de fournir la réponse et c'est particulièrement couillu, le groupe reconnectera d'ailleurs totalement avec son passé Blackened Thrash sur l'ultime titre Come alive, de facture très simple, adoptant une approche bien frontale et viscérale, comme une version Black de Testament.

Il n'empêche que malgré tous ses défauts, The Lyricist est un très bon disque de retour de la part des norvégiens, ça part évidemment dans tous les sens et c'est parfois difficile à suivre, mais Susperia a réussi un retour que personne n'attendait vraiment.
Pour réussir son retour, Susperia s'est bien sûr reconnecté avec ses racines Black, mais à aucun moment ils ne font dans le passéisme, car ils ajoutent à leur tambouille une louche de Power Metal encore plus importante qu'auparavant, tout en continuant de survoler tout un tas d'autres genres, c'est ce qui rend The Lyricist un peu bancal et parfois fourre-tout, Susperia a voulu trop en faire, a peut-être voulu aussi utiliser l'intégralité de la palette vocale d'un chanteur qui lui non plus ne fait pas dans la sobrité.
Malgré tout, on sera rassuré de réentendre un groupe qui a retrouvé l'inspiration après des années de silence et des derniers albums plutôt faiblards, on peut imaginer que The Lyricist puisse servir de base à la renaissance de Susperia, à condition de se canaliser un peu et de mieux utiliser les qualités de son nouveau chanteur, arrêtez de trop en faire les gars.