dimanche 9 avril 2017

[Chronique] Schattenvald - V

C'est une chronique que j'aurais presque pu caser dans la catégorie découverte tant la musique des allemands est méconnue dans nos contrées, pourtant, comme le nom de l'album l'indique subtilement, il s'agit déjà du cinquième album pour Schattenvald, à l'origine une création solitaire du multi-instrumentaliste Nachtsturm devenu duo depuis l'arrivée du chanteur Iskharian il y a cinq ans.
Comme vous l'avez sans doute deviné avec la pochette, Schattenvald fait du Black Metal, mais pas n'importe lequel, vu qu'ils appellent ça du Upper Franconian Black Metal, ne vous triturez pas trop le cerveau, à part définir l'origine géographique du combo (la Haute-Franconie en Bavière donc, pour les plus fins observateurs), l'étiquette ne sert pas à grand chose, si ce n'est également nous dire que que ça va parler de l'histoire de cette région dans des lyrics en allemands que je ne comprends pas, vivement qu'un groupe de Black du Pas-de-Calais prenne l'étiquette du Trve Ch'ti Black Metal et nous fasse des morceaux épiques sur les mineurs et l'alcoolisme...

Il y a sans doute une raison pour que Schattenvald navigue dans l'underground depuis 1998, c'est peut-être justement parce que son black Metal est resté bloqué à cet date, sans aucune volonté de modernisme, Schattenvald fait du Black Metal à l'ancienne nostalgique d'une certaine époque, particulièrement codifié et facilement reconnaissable, ouais, l'ami Nachtsturm aime toujours autant le Black épique à tendance Folk de Windir.

Partant de là, il n'y aura absolument rien de novateur chez Schattenvald, et c'est finalement toute la beauté de la chose, la musique de Schattenvald est figée dans le temps, inaltérable, traditionaliste, et il faut bien l'avouer, jouée avec talent et une fougue appréciable dans ce genre d'exercice, il y a quand même une petite chose qui fait toute la différence et qui poussera peut-être enfin les gens à écouter le groupe, c'est que cette fois-ci, on a une vraie bonne production, ça n'a l'air de rien comme ça, mais pour un groupe qui a souvent eu des productions dégueulasses et artisanales, c'est un véritable pas de géant d'entendre autre chose que la bouillie sonore faite de grésillements et de claviers bontempi cheap.

Six morceaux pour quarante-cinq minutes, ça va être la foire au pavé épique, et ça va commencer de fort belle manière avec un G'spenster geh'n am Bergfried um qui débute exactement comme un morceau de Windir, sorte de Black mélodique épique à fond la caisse qui n'a que faire du modernisme, qui évoluera vers quelque chose de plus atmosphérique et Folk par la suite, par l'incorporation du chant clair et de nappes de claviers à l'ancienne, une structure qui est un grand classique du genre, on aura souvent recours à cette alternance entre le Black glacial et fougueux et les moments atmosphériques pour tenir la distance sur les morceaux les plus longs, Schattenvald n'a pas inventé quoi que ce soit dans le genre mais en maîtrise intégralement tous les rouages pour proposer une émulation parfaite d'un son révolu qu'on entend plus trop de nos jours.

Beaucoup moins Folk, le morceau Beim Kartenspiel am Teufelstisch reviendra à une autre passion de Schattenvald, le Black symphonique, à l'ancienne également hein, du genre très speedé avec ses nappes de claviers d'un autres temps, ses notes de piano hantées, ce côté surchargé et quelque peu brinquebalant, renvoyant à cette frange de Black Metal médiéval, Schattenvald ira d'ailleurs plus loin dans le domaine du symphonique avec un Vom alten Saalefluch qui semble naviguer par moment du côté du Black expérimental, le morceau est carrément speed mais contient de nombreuses bifurcations et ramifications, multipliant les ambiances, les types de chant, certains claviers à la Arcturus seront également de la partie pour conférer au titre une coloration étrange et presque indéfinissable, on regrettera cependant que le gars est capable de pondre des pavés épiques de dix minutes et qu'il trouve le moyen de terminer le morceau par un vieux fade-out tout nul de grosse feignasse, c'est con, car le songwritting est généralement brillant sur la totalité de l'album.

Schattenvald a toujours eu ce genre d'inclinaison concernant le Black avant-gardiste, il a souvent eu cette tendance à flirter avec Diabolical Masquerade, dont l'influence se fera ressentir avec force et hurlements sur un Der kopflose Ritter particulièrement sauvage et malsain, dernier morceau avant la petite outro atmosphérique de rigueur qui conclu véritablement l'album, la dernière plage du disque étant occupée par une bonne vieille reprise du The Stallion de Bathory, une version que l'on qualifiera de scolaire et d'appliquée de la part d'un élève bien trop respectueux de l'original pour que ce soit véritablement intéressant.

Black symphonique médiéval à tendance Folk et légèrement expérimentale par moment, Schattenvald renvoi directement au black Metal de la seconde moitié des années 90, sans aucune volonté d'aller de l'avant, mais c'est ce qui plait dans ce genre de projet, Schattenvald est un très bon copiste qui sait manier les genres et jongler avec ses références, sa musique ne sera jamais originale et n'a pas vocation à l'être, Schattenvald est un traditionaliste passéiste qui raconte ses vielles histoires au coin du feu dans une cabane perdue dans la forêt noire pendant une tempête de neige en concluant toujours par un "c'était mieux avant", pas sûr que c'était le cas mais Schattenvald y met tellement de conviction, de cœur et de savoir-faire qu'il est difficile de ne pas y croire un peu.