mercredi 4 décembre 2013

[Chronique] Blodsgard - Monument

Au cas où vous ne l'auriez pas remarqué, cette semaine j'ai choisi de mettre l'accent sur des albums un peu plus underground, au départ je voulais vous chroniquer le nouvel album de Valkyria, mais je me suis vite rendu compte que je n'avais pas grand chose à en dire, mais ce n'est pas pour autant que j'ai renoncé à l'idée de vous faire partager mes pensées sur un album de Black Metal, et c'est sur Blodsgard que ça tombe cette fois-ci, ok j'admets, Cult of fire, c'était aussi du black, mais metissé, Blodsgard, c'est le Black Metal pur et dur, fièrement étiqueté TNBM, après tout, ça vient de Norvège, ce qui n'est absolument plus un gage de qualité en 2013 (les temps changent ma bonne dame...), et Monument, le tout premier album album longue durée du groupe, malgré son approche très orthodoxe du genre, va un peu plus loin que le Black bête et méchant auquel le genre nous a habitué, bien sûr c'est froid, violent, haineux, mais le groupe n'hésite pas à faire quelques détours pour faire passer son message, ce qui est toujours appréciable...

Formé en 2006 et auteur de plusieurs démo obscures par le passé, Blodsgard, pour son premier effort longue durée, se présente sous la forme d'un duo, pas de batteur, c'est une batterie programmée qui est à l'ouvrage, et l'on ne ressent absolument pas la différence, et l'on retrouve le fondateur du projet, Fredrik Rex, qui s'occupe... de tout, des guitares et du chant, accompagné par Stein Akslen, qui est en charge de l'écriture des paroles, il semble d'ailleurs d'après les infos que j'ai pu trouver que la musique est écrite en fonction des paroles qu'à écrites Akslen, une méthode de travaille assez particulière et cela n'a l'air de rien, mais c'est relativement important car les différents titres de Monument ont une coloration et une ambiance en parfaite adéquation avec les paroles.
Des paroles qui sont en norvégiens, bonjour la compréhension hein! mais fort heureusement, on trouve sur le net les traductions, impossible de vous dire si elles sont traduites dans le livret de la version physique, je l'ai téléchargé sur Bandcamp (légalement hein) et comme d'habitude, il semble qu'il soit trop compliqué de proposer un livret digital, même pour le blaireau comme moi qui paie pour de la musique...
Bref, passons, tout ça pour dire que les paroles sont très Black Metal dans l'esprit, un peu de nationalisme, un peu de satanisme et de haine anti-religieuse au passage (surtout le texte blasphématoire de Mental Minefelt), et surtout pas mal de nihilisme et de misanthropie, des textes souvent mélancolique et empreinte de tristesse et de fatalisme, un peu naturaliste également, ce qui est plutôt habituel dans le Black, mais sans doute avec une profondeur supplémentaire ici.
La première moité de l'album est la plus brutale, et l'on ressent pleinement l'influence d'un Dark Funeral, dont l'ombre plane sur ces quatre titres, ce sont les plus courts, tournant entre trois et quatre minutes, et avec Påkallelsen c'est toute la haine du blizzard glacial de Blodsgard qui vous lacère le visage, mais l'on sent d'emblée que le groupe ne pas se limiter à du frontal dans son Black violent et en même temps très mélodique, le tempo ralenti, les dissonances apparaissent, et le duo norvégien nous guide dans sa brume où le danger est constamment présent, avec une ambiance très sombre, discrètes orchestrations et hurlements au loin, Blodsgard parvient à parfaitement varié et marier brutalité et sens mélodique, en bâtissant des atmosphères ténébreuses, Mental Minefelt nous propose la vision la plus haineuse de Blodsgard, batterie à fond, petite pause plus ambiancée et reprise des hostilités, déluge de haine doublée d'une charge contre la religion, un titre explosif et particulièrement vindicatif, une intensité que l'on retrouvera sur un Hagalls sirkel qui tire un peu du côté de Keep of Kalessin, le groupe maîtrise aussi l'art noir du mid tempo avec un Sjeler vil brenne qui va réussir à installer une atmosphère à la fois mélancolique et martiale, une progression également, car le tempo va s'accélérer petit à petit avec ses blast beats et son riffing frénétique, un clip a d'ailleurs été réalisé pour cette chanson:
Monument est donc marqué par une réelle dichotomie, car la seconde moitié de l'album est clairement différente, Blodsgard va carrément franchir le pas du Metal ambiant et atmosphérique, avec le long titre éponyme qui semble être la pièce centrale du disque, presque sept minutes où quelques hurlements décharnés alterneront avec des murmures, et où résonne un orgue dans une église abandonnée, soutenu par des chœurs mystiques, seule une très courte incursion de la distorsion nous rappellera qu'on écoute un album de Black, Livet er avlyst! (Life is Cancelled!) débute de la même manière par une longue plage atmosphérique et glauque avant un retour extrêmement brutal de la charge Black, intense, abrasif, une explosion de courte durée car les notes électroniques fantomatiques du début feront de nouveau leur apparition pour un break ambiant qui précède une nouvelle attaque, le titre est très long, plus de sept minutes, et Blodsgard parvient à parfaitement insérer à son black de longues plages atmosphériques, comme ce Kaoskonstruksjon qui propose cette alternance, avec l'intégration d'un corne brumeuse qui résonne dans les ténèbres, et un chant qui souvent transpire la haine et la douleur, et que dire du dernier titre, Svart blod flyter, où Blodsgard plonge dans une sorte de DSBM d'une infinie tristesse, avec son chant clair douloureux, une longue balade mélancolique de neuf minutes qui se clôture par l'orage et la pluie qui tombe, vraiment surprenant et complètement à l'opposé de ce que proposait le groupe au début de l'album, mais heureusement, on ne passe pas du coq à l'âne, et le cheminement de Blodsgard et cohérent, Monument est un édifice qui se bâtit lentement, titre après titre, la musique du groupe évolue, et c'est là que Blodsgard fait preuve d'une maturité étonnante pour un groupe qui ne nous livre ici que son premier album, admirablement composé et surprenant...

De toute évidence, on sent que le duo norvégien a longtemps réfléchi sur son premier album, d'ailleurs la moitié des titres était déjà présente sur la démo Solve et Coagula, mais ils ont été retravaillés, peaufinés à l'extrême avec raffinement, et de ce fait, Monument est un premier album qui ressemble paradoxalement à un album de vétéran.
On passe d'un Black Metal orthodoxe, frénétique et abrasif, malgré tout chargé de mélodie, à un univers ou le Black passe finalement un peu au second plan et où Blodsgard n'a pas peur de s'offrir de très longues phases atmosphériques, développant de solides ambiances malsaines et glauques, que l'on retrouve même à petite dose sur les titres le plus brutaux, qui servent plus d'introduction rassurante avant la mutation sonore du groupe, qui se livre ici à pas mal d'expérimentations sonores, de la même manière, la violence est malgré tout présente sur les titres atmosphériques, une violence canalisée, constamment sous-jacente et qui jaillit brutalement à de nombreuses reprises.
Monument est un album très varié, aux multiples facettes, surprenant, très riche de subtilités et qui a une réelle profondeur, pas vraiment votre album de Black Metal conventionnel, mais plutôt une expérience de 42 minutes, qui conserve toute sa cohérence malgré sa mutation progressive, vraiment bluffant...

Un monument?