mardi 24 octobre 2017

[Chronique] Samael - Hegemony

Quand on parle de Samael on pense directement à la trajectoire du groupe pendant les années 90, c'est pendant cette décennie que le groupe a tiré ses meilleures cartouches, en partant d'un Black Metal obscur qui a évolué progressivement en une entité Industrielle cosmique qui aura culminé avec le duo Passage/Eternal.
Et puis il y a eu les années 2000, des albums moyens, et la grosse tâche Above qui était une bouillie de Black bourrin et bruitiste, heureusement qu'en 2011 Lux Mundi relançait quelque peu la machine que l'on croyait définitivement grippée et prête à mettre au rebut, remettant le groupe sur de bons rails en empruntant la voie de la nostalgie, car c'est bien de ça qu'il s'agit chez les suisses, revenir à tout prix à la formule qui aura fait son succès à la fin des années 90, Hegemony continuera sur cette tendance, avec peut-être plus de réussite encore que Lux Mundi, mais avec toutes les limitations inhérentes à ce genre d'entreprise.

2011, six ans, c'est presque une éternité, et non, contrairement à la photo promo du groupe, Vorph n'a pas laissé le micro à un ours, même si je dois bien vous avouer que cela aurait été une expérience plutôt fascinante, six ans d'absence et un portée disparu, Mas, bassiste depuis 91, qui s'est barré et se retrouve remplacé par Drop, qui est loin d'être un inconnu puisque c'était le guitariste de Sybreed et de Rain, ce qui ne manque pas de piquant puisque Rain était à son époque une authentique contrefaçon de Samael.

Bref, on ne va pas y aller par quatre chemins, pas besoin de tortiller du cul pour chier droit, ce nouvel album de Samael, vous l'avez déjà écouté avant, globalement vers la fin des années 90, les suisses ont abandonné toutes velléités d'évolution et d'exploration de nouveaux espaces sonores, comme si le but désormais était tout simplement de donner aux fans ce qu'ils veulent entendre, après tout, le groupe fête cette année ses trente ans d'existence et un cynique pourrait penser que cet album est juste destiné à marquer le coup par un trip passéiste et nostalgique facile en se contentant de réutiliser une formule qui a fait ses preuves et de réutiliser des éléments entiers de sa discographie, pourquoi s'emmerder après tout...

Alors là attention, j'ai beau être dur en vous disant qu'Hegemony n'est qu'une resucée de vieux trucs tirés des années 90, une soupe réchauffée à mort et du pur recyclage, il n'en demeure pas moins que la soupe est bonne et qu'Hegemony est de loin le meilleur album des suisses depuis Eternal, un peu comme s'il n'y avait rien eu entre les deux et que ce nouvel album se présentait directement comme une suite à Passage et Eternal, un produit impeccablement manufacturé pour plaire aux fans.

Partant de là, Hegemony sera bien évidemment très confortable pour le fan, et particulièrement accueillant pour le nouveau venu, après tout, même le son est superbement policé pour ne proposer que très peu d'aspérité, en mettant en avant le caractère toujours aussi grandiloquent de son Metal industriel électronique, ici tellement massif et porté sur le symphonique que l'on pourrait rapprocher la démarche sonore du groupe à celle de Septic Flesh, en beaucoup plus industriel évidemment, mais les deux groupes partagent désormais ce goût de la grandiloquence extrême et du symphonique emphatique et épique, Samael ayant peut-être pour lui de ne pas trop en abuser afin de ne pas saturer sa musique.

C'est assez facile de définir ce que fait Samael avec Hegemony, bien sûr que ça ressemble à Passage, les emprunts étant d'ailleurs particulièrement nombreux, mais ce qui fait la différence avec un Lux Mundi, c'est l'extrême agressivité des riffs utilisés ici, rappelant les premières heures Black Metal du groupe, ou un Above bien plus équilibré qui serait réussi, le titre d'ouverture agit comme une déclaration d'intention, ça sonne massif et emphatique à mort, tout riff dehors soutenu par une grosse couche d'orchestrations, Vorph déclamant son traditionnel spoken-word bidouillé dont l'effet se retrouve décuplé par l'emphase extrême du morceau, Samael se montre impérial dans un mid-tempo qu'il maîtrise pleinement, avec toutes les réserves que l'on pourra émettre concernant les facilités d'écriture consistant à utiliser des structures ultra classiques et prévisibles et à piquer tous les motifs orchestraux de Passage en les gonflant artificiellement pour maximiser leurs effets.
Le problème de l'entreprise Samael avec Hegemony, en dehors du trip nostalgique, c'est le caractère profondément redondant de l'album, ce qui sera dû à l'utilisation de structures très répétitives et de claviers qui semblent n'avoir qu'une seule coloration sur tout l'album, j'adore Samael hein, mais quand t'as entendu un mid-tempo de Samael tu les as tous entendu, et il y en aura beaucoup sur l'album, ce qui va donner l'impression d'écouter toujours un peu le même titre, à quelques exceptions près évidemment, car le groupe passera par quelques variations de tempo, et quand les suisses se décident à envoyer le pâté, ça ne plaisante pas du tout, Rite of Renewal sera traversé d'une subite montée d'adrénaline Blackisé à mort et surchargé de groove, Black Supremacy rappellera Above pour son caractère direct en mode bourrinage industriel, mais c'est bel et bien le mid-tempo massif typique de Samael qui prédomine malgré le caractère ultra agressif du riffing, avec quelques perles qui semblent tout droit échappées de Passage, comme l'excellent build-up Murder or Suicide et son accompagnement au piano, alors que Against All Enemies naviguera plus du côté de passage avec sa rythmique tribale et son ambiance cosmique, il est d'ailleurs assez bizarre que les morceaux les plus intéressants et les plus variés sont placés dans la seconde moitié de l'album, alors que les quatre-cinq premiers sont un peu chiants et reposant sur la même structure, Samael fera preuve de davantage de caractère et de diversité dans cette seconde partie et jusqu'à la fin, laissant éclater sa rage sur Dictate of Transparency ou explorant les étoiles avec la grosse power Ballade Black/Indus Helter Skelter et ses orchestrations particulièrement grandioses.

Vous l'aurez compris, impossible de parler d'Hegemony sans évoquer Passage tant les deux disques semblent sortir du même moule, Hegemony c'est en quelque sorte une resucée de Passage vingt ans après, surtout dans le seconde moitié du disque, avec une production actuelle et un design plus agressif, Hegemony, c'est un Passage plein de testostérone et avec encore plus d'emphase orchestrale.
Du recyclage facile et confortable bien sûr, mais il n'en demeure pas moins qu'Hegemony est un bon disque, le meilleur du groupe depuis plus de quinze ans, et c'est un curieux exercice de style que d'écouter Samael revisiter Passage vingt ans après en tentant de renaître par son propre passé, ce qui est assez paradoxal.
Malgré toutes les limites de l'entreprise, entre autre son caractère réchauffé, Hegemony nous montre un Samael qui s'éclate à nous faire un Passage part II, et il faut avouer que le disque fonctionne globalement bien, et que les suisses retrouvent un certain allant et une combativité certaine, j'espère juste que cet album n'est pas une fin en soi et juste une étape qui servira de base à la refondation sonore du groupe, le recyclage ça ne marche qu'une fois, pas deux.
Track Listing:
1. Hegemony  03:47
2. Samael  03:59
3. Angel of Wrath  03:31
4. Rite of Renewal  04:31
5. Red Planet  03:58
6. Black Supremacy  03:51
7. Murder or Suicide  04:03
8. This World  03:43
9. Against All Enemies  04:31
10. Land of the Living  04:05
11. Dictate of Transparency  03:58
12. Helter Skelter  03:27
13. Storm of Fire 04:12