vendredi 25 août 2017

[Chronique] Incantation - Profane Nexus

Après Immolation et Suffocation, il suffisait juste d'attendre quelques semaines pour que la troisième pièce du maléfique triumvirat du Death Metal américain culte division Nord-Est sorte un nouvel album, un peu comme les planètes qui s'alignent dans le ciel ouvrant les portes du panthéon du Death Metal américain pour que le glorieux Incantation puisse délivrer son offrande, une offrande bien plus prosaïque et terre-à-terre qu'une introduction pompeuse d'un baltringue de chroniqueur qui se branle sur de la prose de merde.

Terre-à-terre ouais, parce que ce n'est pas aujourd'hui que le gang de John McEntee va se mettre à innover et vouloir réinventer le Death, pas après quasiment trente ans de carrière à perfectionner une formule, Profane Nexus va vous proposer exactement ce que vous êtes en droit d'attendre d'un album d'Incantation, sauf si vous êtes bloqués à tout jamais à la période Onward to Golgotha, parce que ouais, Profane Nexus est avant tout un prolongement du processus de modernisation entamé avec Vanquish in Vengeance, qui s'était poursuivi ensuite avec Dirges of Elysium, si vous avez aimé ces deux disques, Profane Nexus est exactement dans la même mouvance, la spécialité de la maison, le Death Br00tal à l'ancienne saupoudré de plans Doom crépusculaires, mais avec un petit twist depuis quelques années, une production un poil plus limpide, que l'on pourrait presque qualifiée d'adaptée aux goûts de la nouvelle génération, mais rassurez-vous en dehors d'un petit ravalement de façade sur la forme, Incantation se montrera toujours froutrement intransigeant sur le fond.
Malgré tout, cette minuscule évolution, elle était déjà présente sur l'album précédent, et elle ne sera pas forcément étendue sur Profane Nexus, cet album est plutôt une réaffirmation de ce qu'est Incantation aujourd'hui, à l'image de ce Muse qui ouvre l'album avec fureur et fracas, un Death rugueux, musculeux, toujours aussi dominé par un growl de McEntee qui, même s'il n'a plus vraiment la dimension incantatoire et cryptique des débuts, demeure encore l'un des meilleurs du Death-game dans un registre plus classique dans son approche frontal, évidemment, après un déluge de blasts et de riffs portant au fer rouge le trademark du groupe, Muse s'offrira un long passage Doom funèbre et curieusement chargé en basse dans une seconde moitié ultra lourde, c'est du classique, mais c'est quand même sacrément efficace, comme ce Rites of the Locust sans aucune surprise qui joue sur une formule dogmatique passéiste à mort, avec son rythme furibard entrecoupés de bifurcations Doom et chargé de leads distordues, on va remarquer assez vite sur l'album que même si l'originalité n'est pas au rendez-vous (ce que personne ne recherche dans ce genre d'album), Profane Nexus est déborde de riffs catchy et d'excellentes leads qui apportent une réelle plus-value à l'ensemble, il faut dire que l'on est face à un album très court et que ce format ramassé d'une petite quarantaine de minutes sert à rendre l'album plutôt impactant.

Comme à son habitude, quand il s'agit de proposer de la variété, plutôt que de jouer du Death/Doom, Incantation a son petit truc qui consiste à jouer du Doom/Death, globalement, il s'agit juste d'inverser le ratio et plutôt que de foutre des passages Doom dans du Death, Incantation va faire l'inverse, Visceral Hexahedron sera exactement ça, et même si on voit arriver le truc à des kilomètres, ça fonctionne, parce qu'Incantation va tout écrabouiller sur son passage et maîtriser son sujet comme peut-être jamais jusqu'à présent, Incantation ne sera d'ailleurs pas avare en Doom, délivrant des pièces caverneuses et funèbres avec un remarquable sens de la dramaturgie avec Incorporeal Despair, l'incroyablement étouffant et pesant Omens to the Altar of Onyx, ou l'excellent final Ancients Arise qui suinte à chaque note de groove old-school putride sur une structure ultra-basique.
On parle de Death putride et marécageux, certes, mais Incantation en a aussi en stock quand il s'agit de foutre des grosses mandales de Death Metal brutales dans la gueule, McEntee va se faire un petit délire délicieusement bourrin et régressif avec un Xipe Totec expédié en une petite minute chrono, c'est vous dire la violence du truc, un peu plus développé sera Lus Sepulcri, le morceau, surement l'un des meilleurs de l'album d'ailleurs, fera un peu moins gimmick que le furtif titre qui le précède, c'est une véritable tornade Death old school tout en muscle et en fureur, Incantation dévoile sa facette la plus violente qu'il contrebalancera immédiatement par une interlude atmosphérique qui ouvre sur un Messiah Nostrum qui même s'il se montre particulièrement ravageur n'oubliera pas de naviguer dans le Death/Doom putride entre les tornades de leads brutales et de trémolos acérés.

Il faut également noter l'excellent boulot du légendaire Dan Swanö qui s'est une fois de plus occupé du mix et du mastering de l'album, permettant à Incantation de pouvoir rester dans des tonalités profondément old school tout en s'enrobant d'un son clair et puissant, ie moderne, c'est d'ailleurs probablement l'album au son le plus accessible de toute la discographie du groupe, sans rien renier aux fondamentaux sonores d'Incantation dont les trademarks sont toujours présents, avec en bonus une basse Chuck Sherwood particulièrement volubile et inventive, cela fait longtemps qu'il n'avait pas été autant à la fête, formant avec Kyle Severn une section rythmique implacable et complétant parfaitement un McEntee qui semble n'être jamais à court de putain de bons riffs.

Bien sûr, on est un peu dans le business as usual avec cet album, comme avec pas mal d'albums d'Incantation en fait, le groupe s'est bâti son propre son, ses gimmicks, et même si Profane Nexus n'est pas révolutionnaire pour un sou, il nous montre un groupe qui ne montre aucun signe de faiblesse malgré ses presque trente années de carrière.
Profane Nexus est en quelque sorte l'aboutissement du processus de modernisation d'Incantation entamé en 2012, procédant par petites touches, à son rythme, l'album ne propose aucune surprise, on est toujours dans le Death à l'ancienne particulièrement teinté de Doom morbide, mais Incantation maîtrise tellement son sujet et sa formule qu'il est incapable de se tromper, tout est à sa place, tout est efficace, et plus que tout, Incantation a toujours envie de se bouger le cul et fait preuve d'une incroyable envie pendant la petite quarantaine de minutes d'un assaut à l'intensité remarquable, féroce, violent, énergique, désormais moderne, Profane Nexus est une nouvelle addition solide au catalogue d'Incantation, ne comptez pas sur lui pour renouveler le genre ou révolutionner quelque chose, Incantation est là pour poutrer, et il le fait, point barre.