vendredi 30 septembre 2016

[Chronique] Insomnium - Winter's Gate

Vous vous souvenez de Shadows of the Dying Sun il y a deux ans? c'était pas trop mal mais il fallait bien avouer que les finlandais d'Insomnium s'était engagé sur le terrain glissant de l'immobilisme comme finalement un paquet de groupe de Death mélodique avant lui, un choix safe à court terme mais dangereux sur le long terme, car après tout, qui a vraiment envie d'écouter le même album tous les deux ans? C'est bien la lassitude qui prend le pas sur l'attrait de la nouveauté à chaque sortie d'album, et l'on se retrouve dans cette situation où on écoute chaque nouvel album sans être pleinement convaincu, en se rappelant de cette époque révolue où un groupe était réellement bluffant.
Novateur, Insomnium ne l'a jamais été, mais il a toujours été garant d'un certain état d'esprit, d'un MeloDeath intense et très chargé émotionnellement, typiquement finlandais donc, un Insomnium qui avait décidé de ne plus rien changer à la formule, du moins c'était le cas il y a deux ans, car aujourd'hui, il va se passer quelque chose d'assez inattendu avec Winter's Gate, Insomnium va prendre des risques! ... en fait pas trop, mais il va parvenir à camoufler le caractère prévisible de sa musique en nous proposant un concept album, on pourrait parler d'un cache-misère, mais la dimension épique de Winter's Gate va faire tourner la machine à un régime correct.

Attention les yeux, ce n'est pas seulement un concept album, mais bel et bien un long morceau de quarante minutes qui vous sera proposé ici, ouais, rien que ça, ça ne vous rappelle rien? bingo, Crimson de Edge of Sanity, mais rassurez vous, le concept du long titre fleuve de quarante minutes sera simplement marketing puisqu'il est clairement divisé en sept mouvements, mais avouez que ça en jette plus de dire que c'est un seul morceau, ce qu'il est évidemment, mais pas tant que ça, Winter's Gate sera particulièrement accessible à tout de part son habile séquençage, les sept parties étant connectées par de petits passages atmosphériques, ce qui n'empêche pas qu'il se déguste aussi tranquillement en suivant le flot du disque pendant quarante minutes, en plus de pouvoir se picorer à l'envie.

Winter's Gate donc, est une adaptation musicale de la nouvelle Talven Portti écrite par le chanteur/bassiste Niilo Sevänen, racontant l'histoire d'un groupe de vikings à la recherche d'une île du côté de l'Irlande, et comme les gars sont des gros malins, ils partent à l'aventure en hiver, des vikings, l'Irlande et l'hiver, ouais, vous venez de comprendre où l'album va aller, ce sera épique, davantage teinté de Folk, avec un surplus de mélodies mélancoliques et hivernales, parce que bon, passer l'hiver dehors, c'est pas super facile m'voyez, on pourrait ajouter que les finlandais ont bien saisi l'air du temps, du Folk et des vikings, c'est précisément ce qui marche en ce moment dans le Metal, ils ont tout bon niveau marketing.

Bref, le décor est planté, Winter's Gate, malgré la grosse référence bien lourde dans la promotion de l'album, c'est pas Crimson (c'est d'ailleurs mixé et masteré par Swanö, le son sera donc excellent), parce que bon, c'est pas franchement du prog, et il n'y a rien de particulièrement novateur là-dedans, mais bon, ça ne va pas empêcher Winter's Gate d'être un disque réellement sympathique et solide qui voit Insomnium sortir de son immobilisme pour tenter autre chose, même si bien évidemment, tout ça sera très consensuel, car Insomnium va juste déplacer son centre de gravité vers le Folk Melodeath épique, qui va immanquablement rappeler Ensiferum, ça tombe bien, vu qu'Ensiferum est devenu un groupe de merde, Winter's Gate est une sorte de remplacement idéal pour les déçu de l'autre groupe finlandais.

On ne change pas trop en début d'album, le premier mouvement inclut une longue introduction atmosphérique qui évolue vers un build-up destiné à nous faire rentrer de plein pied dans un morceau de Death mélodique plutôt rentre-dedans où l'on remarque tout de suite un certain penchant pour les orchestrations et les arrangements, tout ça est bien convenu mais Ensiferum... oups, pardon, Insomnium fait le boulot et ça envoie le pâté, morceau direct, très simple dans sa structure avec des leads marquées qui reviennent souvent pour rendre tout ça catchy sans être trop répétitif, et un souffle épique réel constituant une bonne surprise, ça ne va pas réinventer la poudre, surtout pas les choeurs bien clichés, mais on se laisse assez facilement emporter, l'avantage de ce réajustement dans la tambouille, c'est que ça donne moins l'impression du recyclage habituel.

Vers 6'15, petite pause Folk acoustique avec de la narration qui enchaîne sur un nouveau titre d'Ensiferum, ouais, j'vais pas vous la faire à chaque fois, mais on se croirait vraiment chez Ensiferum, morceau très Heavy au début qui va évoluer vers le Folk Death légèrement blackisé avec un peu de chant clair, les arrangements sont véritablement excellent, vers 12'30, on aura un nouveau long connecteur acoustique et atmosphérique, pour un troisième mouvement carrément passable mais qu'on imagine important pour l'histoire, sombre et mélancolique, et il est à noter que si vous aimez le pur Melodeath, il va falloir vous la carrer derrière l'oreille un très long moment car le cœur de l'album est presque exclusivement Folk Metal épique surchargé d'orchestrations où le Melodeath n'est qu'un référence de plus utilisée fort à propos pour relancer la machine par moment, on aura droit à cette alternance presque tout le temps, qui permet également de jouer sur les différents types de chant, et il faudra attendre le début du dernier mouvement, vers 34 minutes, pour retrouver un intense passage Death mélodique bien frontal qui précède une fin d'album acoustique comme un générique final qu'on zappera facilement parce que pas super intéressant.

Winter's Gate c'est quoi? un long morceau d'Ensiferum parfois entrecoupé de passages Death mélodique comme Insomnium sait le faire, et étrangement, c'est pas trop mal, disons que ça change de la pitance habituelle et du recyclage auquel le groupe nous avait malheureusement habitué ces dernières années.
Même si ce n'est plus vraiment l'Insomnium auquel nous étions habitués, il faut bien avouer que l'album fonctionne comme un tout, et que le groupe parvient à nous immerger dans sa grande aventure, avec une tension constante et des mélodies toujours aussi délicates et classieuses, après, c'est clairement orienté Folk et atmosphérique, où la dimension épique, certes omniprésente, s'avère malgré tout un peu factice et relativement convenue, Winter's Gate est propre, confortable, surement un peu trop d'ailleurs, et manque d'un peu de caractère, on aurait aimé quelque chose d'un peu plus sinueux et dangereux, un danger que l'on ne ressent pas trop ici.
Avec une orientation aussi prévisible vers le Folk melodeath à la qui vous savez, qui propose très peu de surprises ou d’innovations, finalement le seul danger réside dans le format choisi, un long titre de quarante minutes qui va nécessité de l'attention de la part d'un public qui aujourd'hui à davantage tendance à picorer plutôt que de se lancer dans l'écoute d'un pavé comme ça.