vendredi 27 juin 2014

[Chronique] Vintersorg - Naturbål

Alors qu'on attend depuis deux ans un nouvel album d'Otyg (sans que l'on ne voit rien venir), voir même quelques nouvelles d'un prochain Borknagar (ça c'est pas grave, on a eu l'album de Cronian l'année dernière), c'est bien avec son projet solo (qui est en fait un duo depuis bien longtemps) que nous revient Mr Vintersorg afin de poursuivre sa quadrilogie sur les éléments, et surtout afin de nous prouver une fois encore qu'il n'est nullement question d'évoluer, et que la stagnation lui convient assez bien.
C'est bien le problème chez Vintersorg depuis quelques années, Andreas Hedlund n'évolue plus, n'expérimente plus, et a choisi de se tenir à une formule qu'il avait dégrossi avec Solens Rötter, qui était un album un peu charnière dans la discographie du groupe, une sorte de synthèse entre le Folk/Black des deux premiers albums, et les expérimentations progressives de sa trilogie "scientifique", pas totalement Cosmic Genesis qui était un album un peu hybride déjà, mais surtout Visions from the Spiral Generator et The Focusing Blur, une phase d'expérimentations diverses qui avait donc abouti à cette nouvelle formule de Vintersorg telle qu'on la connait depuis 2007, et qui fut perfectionnée avec Jordpuls, seulement voilà, les albums passent, et même si Vintersorg maintient un niveau de qualité contant, le groupe ne propose rien de neuf, Naturbål est donc brillant, comme d'habitude, mais pas franchement intéressant...

C'est bon les mecs, on avait déjà un peu compris que le thème de Naturbål était le feu...
Ce n'est donc pas un album de Naturbål musette, ce qui au moins aurait eu le mérite d'être surprenant, et ce nouvel album, qui signifie Feu de joie de la nature ou un truc comme ça, reprend exactement la même formule que ses deux prédécesseurs, avec la même constance dans la qualité, et je dois bien vous avouer que j'ai du mal à m'enthousiasmer pour cette nouvelle sortie, surtout que comme d'habitude, le concept inhérent aux éléments ne transparaît que très peu dans la musique des suédois, voir même pas du tout.
Connaître le "concept" d'un album de Vintorsorg modifie quelque peu notre perception de la musique, c'est ainsi que l'on est plus enclin à rechercher les références à la terre sur Jordpuls (Pulsation de la terre) en essayant de se convaincre que celui-ci est plus Folk, plus proche des racines du groupe, ou vouloir voir la facette plus aérienne et atmosphérique d'un Orkan (Ouragan), ce n'est qu'une question de perception qui serait faussée par le concept, alors que Jordpuls et Orkan sont très similaires, c'est exactement la même situation avec Naturbål, sous prétexte que l'album traite du feu, on aura tendance à se concentrer davantage sur la facette Black de la musique, alors qu'il n'en est rien, le Black Metal a toujours était présent chez ce Vintersorg récent, et ce nouvel album suit exactement la même formule que ses deux aînés, le Black Metal n'est pas franchement plus présent, et l'équilibre entre les sonorités abrasives et le Folk progressif reste le même, Naturbål étant marqué par des dynamiques identiques.
Ce qui est dommage chez Vintersorg, c'est que désormais le terme progressif soit désormais vidé de sa substance, le groupe ne progresse plus, et ce terme progressif ne concerne désormais plus qu'un ensemble de codes et une formule qu'applique à la lettre les suédois, Naturbål est donc un nouvelle exemple de la brillante stagnation de Vintersorg, car il est difficile de dire que ce disque est moins bon qu'Orkan ou Jordpuls, c'est à deux-trois poils de cul le même disque, Vintersorg avance à visage découvert désormais, et ce n'est pas le Naturbål masqué...
Pourtant, on y croit à la grande inclinaison Black de Naturbål, après tout, c'est le feu, ça se doit d'être agressif, mais ce sentiment ne dure qu'une minute sur le premier titre Ur aska och sot, car très vite, le merveilleux chant clair d'Andreas Hedlund va prendre le relai, les Ohohohohoh d'usages vont se multuplier sur les chœurs, et le titre va fonctionner sur les dynamismes habituels, entre les passages Folk progressifs aériens, riches de textures, et les petites accélérations Black, classique, propre, efficace, du pur Vintersorg, avec même un chant féminin, surement Cia Hedmark, venant apporter une dimension supplémentaire... comme elle l'avait déjà fait sur Orkan, elle sera également présente sur Rymdens brinnande öar pour un duo plutôt bien foutu qui donne quand même salement envie d'avoir un jour des nouvelles d'Otyg.
Vintersorg est donc ici à l'aise dans ce qu'il sait faire, et fournit précisément ce que les fans attendent, mais absolument rien de plus, aucune nouveauté, aucune surprise, tout ce que vous allez entendre sur Naturbål, vous l'avez déjà entendu avant, mais fort heureusement, et c'est bien la chose à mettre au crédit de Vintersorg, le charme opère totalement une fois de plus, et aucune baisse de régime ni manque d'inspiration ne viendra entacher l'écoute de l'album, Naturbål est majestueux et intense du début à la fin.
Difficile malgré tout de trouver une différence majeure avec Orkan, ça ne se joue que sur quelques détails, notamment les instrumentations Folk qui ont tendance à se faire plus discrètes, Naturbål met ses riffs un peu plus en avant, avec peut-être des tempos un peu plus appuyés et des ambiances un peu plus sombres, mais franchement, tout cela est tellement minime, et s'il n'y avait pas les titres des chansons faisant référence au feu (Merci Google translate), on n'y verrait... que du feu, et le concept passe encore une fois à la trappe, sans que cela soit particulièrement dérangeant.
Les passages agressifs sont donc un peu plus appuyés ici, avec plus d'impact également, Vintersorg joue son Black progressif un poil de cul plus vite, juste ce qu'il faut pour le différencier des disques précédents, un tout petit peu moins aérien qu'Orkan, moins Folk que Jordpuls, avec une approche un peu plus agressive et plus axé sur les riffs, les changements sont quasiment imperceptibles.
Vintersorg ne change pas vraiment, mais propose surtout une nouvelle collection de titres tous aussi bons les uns que les autres, Naturbål est comme d'habitude très constant dans la qualité, et l'on va naviguer entre les passages Folk prog atmosphériques et les accélérations Black rageuses qui arrachent, avec quelques titres plutôt nerveux, à l'image d'En blixt från klar himmel ou d'Elddraken, qui donnent parfois l'impression de partir vers le Black sympho, une violence immédiatement compensée par les aérations atmosphériques et le chant clair de Mr. V, qui, loin d'être un trou de bål, prouve encore qu'il domine de la tête et des épaules le Folk game, un chanteur toujours aussi versatile à la vois chargée d'émotion, une fois de plus la prestation du suédois est impeccable.
Malgré tout, Naturbål est marqué par un peu de recyclage, les claviers sont les mêmes depuis trois albums, avec de l'orgue, du piano, des passages acoustiques, la musique de Vintersorg souffre d'un manque de renouvellement de ce côté-là, heureusement que le groupe compense par des mélodies toujours aussi somptueuses et entraînantes, avec des aspirations mélodiques parfaitement contrebalancées par des velléités offensives teintées de Black rageur... ouais, comme d'habitude.

Brillant, Naturbål l'est assurément, et Vintersorg maintient le cap et le même niveau d'excellence que par le passé, et c'est à peu près tout, car si vous attendiez de la nouveauté, c'est pas ici que ça se passe.
Naturbål est tout aussi bon qu'Orkan, qui était déjà tout aussi bon que Jordpuls, et ça s'arrête là, Vintersorg nous fait à peu de choses près la même chose, et j'ai comme le sentiment que le quatrième volet de la série sera en tout point identique.
Vintersorg ne prend aucun risque, évolue dans sa zone de confort, ce qui est à la fois décevant et rassurant.
Décevant car on aimerait qu'un jour Vintersorg aille dans une autre direction et se décide à faire les choses de manière différente, en expérimentant comme il le faisait auparavant, et rassurant, car Naturbål est un putain de bon disque de Black/Folk progressif, épique, naturaliste, cosmique, très dynamique et fluide, mais sans la magie qui entourait certains opus passés du suédois...

Brillante Stagnation
Track Listing:
1. Ur aska och sot
2. Överallt och ingenstans
3. En blixt från klar himmel
4. Lågornas rov
5. Rymdens brinnande öar
6. Natten visste vad skymningen såg
7. Elddraken
8. Urdarmåne
9. Själ i flamma