mercredi 14 mai 2014

[Chronique] Vallenfyre - Splinters

Vallenfyre avait surpris son monde en 2011 avec son premier album, A Fragile King, le super groupe (ouais, quand on réunit Greg Mackintosh de Paradise Lost, Adrian Erlandsson d'At the Gates/également Paradise Lost, Hamish Glencross de My Dying Bride et Scoot d'Extinction of Mankind, on peut véritablement parler d'all-Star band) nous avait mis une bonne baffe dans la tête, la surprise venant de la dimension old school du projet, car on attendait pas forcement Mackintosh lorgner du côté de la scène Death suédoise, et encore moins qu'il se retrouve hurleur en chez du truc.
Bref, A Fragile King était un très bon disque de Death/Doom à l'ancienne, avec quelques emprunts à Paradise Lost, mais ce qui faisait toute l'âme du disque, c'était bien évidemment toute la dimension cathartique de l'oeuvre, dont le thème principal était le lutte perdue du père du guitariste britannique contre le cancer, tout ça n'était pas très gai, A Fragile King évoquait la mort, la religion, l'hypocrisie, la misère humaine, et le tour de force avait été de parvenir à faire transparaître tous ces thèmes dans sa musique, avec une profonde sincérité...

Presque trois ans plus tard, l'effet de surprise n'est plus de mise avec Splinters, et même si Vallenfyre nous propose une fois de plus un bon disque de Death/Doom, plutôt qu'on nouveau coup de force, ce sont plus les limites de la formule que nous allons entrevoir au bout de cette quarantaine de minutes de voyage dans les ténèbres.
C'est bien ça le problème, Splinters, finalement moins marqué par sa catharsis originel que son prédécesseur, va s'avérer un peu limité et convenu dans son approche.
Pourtant, il y a ici un changement assez notable dans le son du groupe, alors que le premier album jouissait d'une production quasiment faite-maison, un peu artisanale, croustillante et boueuse, qui lui donnait un pur cachet old school, c'est ici Kurt Ballou (Converge) qui s'est occupé de la production, et on ne va pas se mentir, ça sonne gros, très gros même, avec un son qui réussit à être à la fois moderne et old school, et cela va avoir pour conséquence de renforcer l'aspect musculeux et brutal de Vallenfyre, c'est rugueux, abrasif, mais en même temps très net, clair, et une production qui permet à chaque instrument d'avoir l'espace nécessaire pour s'exprimer, même la basse, ce qui est toujours une bonne idée, il faut dire aussi que cela colle admirablement bien à une musique de Vallenfyre qui se fait un peu plus frontale, beaucoup moins tortueuse et brumeuse, revers de la médaille, c'est précisément à cause de ça que l'on remarque que le musique des anglais est très linéaire, c'était déjà le cas avant, mais emporté par la tornade de sentiments et le côté marécageux de Fragile King, c'était un peu moins flagrant.
Il n'y a pas de surprise non plus dans les structures, car sur la plupart des titres, on est en terrain connu, alternance de mandales Death brutale et ralentissements Doom pachydermique au sein d'un même titre, c'est la recette classique, on connait déjà, et avec ses structures conventionnelles, Vallenfyre va constamment fonctionner sur un faux rythme qui va le rendre un peu ennuyeux à la longue, surtout que le canevas de riff dégoulinant de groove putride à souhait n'est pas des plus inventif, fort heureusement, les soli distordus, malsains, où l'on reconnait la grosse patte de Mackintosh, vont faire office de plus-value très intéressante, on en dira pas autant de son chant, bien sûr, son growl est tout à fait monstrueux, dégueulasse, et caverneux, mais le manque de diversité va également se faire ressentir, et Mackintosh va ici atteindre toutes ses limites en tant que chanteur, particulièrement monolithique et pas du tout versatile, la profondeur de son growl est il est vrai plutôt intéressante, mais il n'a qu'une seule corde à son arc.
Du muscle donc, et Scabs va ouvrir l'album de la manière la plus brutale et violente possible, le début est menaçant, avec des leads à la paradise Lost, dont le but est d'amener une véritable décharge Death punk in your face, et on ne va pas se mentir, ça fait mal, très mal, avec une batterie nerveuse, le petit ralentissement Doom sera évidemment de la partie, avec le retour des leads gothiques pour l'ambiance, avant de repartir dans un Death frénétique, ça déménage sévère, avec moins de gras, mais plus de muscle et de nerf, d'ailleurs, en terme de violence, le groupe est capable d'aller encore plus loin, avec deux titres très courts notamment, Instinct Slaughter et Thirst for Extinction, quasiment du Grindcore, et Vallenfyre sonne quasiment comme du Napalm Death, c'est vous dire toute la brutalité de la chose, Cattle ou Savage Arise ne seront pas en reste en terme de violence et de destruction.
Du bourrinage donc, du gros qui tabasse, ce qui est certes très efficace, mais cela fait plus de 20 ans que des Asphyx, Grave, ou encore Entombed font à peu de choses près la même chose, et ce n'est pas vraiment là qu'il faille chercher l'originalité de Vallenfyre, ni même là où il est le plus intéressant, car c'est bien quand les anglais ralentissent le tempo que les choses parviennent à décoller véritablement, enfin, décoller, façon de parler, car on peu plutôt parler du moment où Vallenfyre va vous écraser et vous maintenir la gueule dans la tourbière Doom/Death, Aghast ou The Wolves of sin font partie de ces titres Doom assez pesant, menaçant, qui ressemble à du Paradise Lost préhistorique doté d'une production moderne, de même qu'un Splinters assez infectieux et viscéral, mais c'est surtout Bereft qui va impressionner et mettre tout le monde d'accord, un gros pavé Doom de plus de sept minutes, abject, aérien, dégueulasse, beau et fascinant, c'est toute la misère du monde condensée en un seul titre, et cette désolation suite de tous les côtés, par ce violon mélancolique perdu dans le néant, et ces leads sépulcraux, et c'est l'ombre d'un Triptykon qui plane sur ce morceau, surement le plus intéressant dans son déroulement, dommage que ce ne soit pas le cas sur l'intégralité de l'album...

J'imagine que le grosse production permettra au groupe de toucher un public plus jeune, plus habitué à cette sonorité moderne, avec des murs de riffs et cette batterie ravageuse, mais je ne peux m'empêcher de trouver ça un peu surfait, surtout que la musique de Vallenfyre n'est ici pas franchement inventive ni aventureuse, on est dans du classique Death à l'ancienne avec une touche de Doom, et Splinters n'est au final qu'un simple album de plus de retro-Death comme il en existe bien trop en ce moment, et j'ai presque envie de dire que les suédois faisaient bien mieux à l'époque.
Reste malgré tout un bon petit disque de Death old school, et pas grand chose d'autre, ça tabasse correctement, les ralentissements Doom sont sympa, mais j'ai réellement du mal à me sentir concerné par ce qu'il se passe ici, à deux-trois exceptions près, Splinters me touche moins que A Fragile King, à tel point que je regrette un peu que Vallenfyre n'ait pas été qu'un one shot, car c'est bien le problème du genre de musique pratiqué ici, la formule montre très vite toutes ses limites et Vallenfyre est condamné à se répéter en un peu moins bien.
Cela reste sympa quand même, Vallenfyre insuffle un côté misérable à sa musique, qui donne envie de gaiement se tailler les veines à la tronçonneuse, mais sans atteindre l'impact émotionnel du premier album, Splinters est un disque solide, mais pas suffisamment marquant pour que l'on y revienne souvent...

Tristesse à la Tronçonneuse
Track Listing:
1. Scabs
2. Bereft
3. Instinct Slaughter 
5. Savages Arise
6. Aghast DISTORDU DOOM
7. The Wolves of Sin  Lent
8. Cattle 
9. Dragged to Gehenna
10. Thirst for Extinction