vendredi 14 septembre 2012

[Chronique] Devin Townsend Project - Epicloud


Étrange situation dans laquelle se trouve Devin Townsend aujourd'hui, car bien que sortant depuis quelques années un nombre effroyable d'albums moyens (au mieux...), il semble qu'il n'ait jamais été aussi populaire et trendy qu'à l'heure actuelle, jouissant il faut dire d'une complaisance assez suspecte des médias (Devin est ce qu'on appelle un bon client, ses interviews sont toujours hilarantes) et se reposant sur son armée de fans geeks prêt à le défendre bec et ongle, et surtout à acheter aveuglément tout ce qu'il sort.
J'adore Devin Townsend hein, je n'ai rien contre le bonhomme, au demeurant fort sympathique et surtout extrêmement talentueux, mais il faut quand même se rendre à l'évidence, le pic de sa carrière était justement au début de celle-ci, vers la fin des années 90, avec trois albums ayant mis tout le monde d'accord, Ocean Machine, Infinity, et le monumental City avec Strapping Young Lad, ça c'est un peu gâté par la suite.
Ne cherchez pas, Devin Townsend n'a jamais rien fait de mieux et ne fera jamais mieux que ces trois disques-là, la barre est bien trop haute pour être atteinte de nouveau.
Bref, ça fait plus de dix ans que le canadien sort des disques à un rythme improbable, une bonne quinzaine depuis 2000, sans compter les coffrets et les Live (ainsi qu'un bon millier de collaborations diverses et de travaux de producteur), Townsend ne s'arrête jamais de recycler créer, le problème, c'est qu'il n'a plus vraiment d'idée nouvelle à proposer, Epicloud ne fait pas exception, malheureusement...

A défaut de constance dans la qualité, Devin Townsend est surtout devenu pendant les années 2000 un artiste seulement capable de fulgurances, arrivant sur chaque album, aussi moyen soit-il (même sur synchestra), à balancer deux-trois pépites géniales qui font oublier un peu le reste.
Le reste? du recyclage massif, les délires scatologiques, les titres bordéliques, les trucs ambiants qui ne vont nulle part, et des albums trop souvent bancals, avec en point d'orgue le foutoir monstrueux qu'est Deconstruction, sur lequel j'avais placé beaucoup d'espoirs et qui m'avait profondément déçu.
Ce qu'on ne peut par contre pas reprocher à Devin Townsend, c'est un certain jusqu'au boutisme dans ces idées, Epicloud est donc assez proche d'un Deconstruction, même s'il en est l'exacte opposé, Devin voulait faire un album chaotique, il l'a fait à fond, même si au final ça ne ressemble plus à rien d'audible, Epicloud est semblable dans son approche, le canadien voulait faire un album de pop Metal easy-listening commercial, il le fait donc à fond, et immanquablement, il en fait trop, bien trop, qu'importe le risque de tomber dans la niaiserie la plus totale, Devin est content, et c'est le principal.
Donc ouais, Epicloud est l'un des albums les plus niais de la discographie de Townsend, mais encore une fois, comporte certaines fulgurances et deux-titres titres vraiment bandant, le tout baignant dans un excédent de guimauve, avec notamment des paroles qui auraient parfaitement leur place dans le journal intime Hello kitty d'une collégienne. (citons par exemple le très mignon "Loving you is the best thing and the worst thing in my life" de l'odieux Divine, ou le titre entier True North)
Epicloud à au moins pour lui une relative cohérence dans sa forme, on retrouve les passages planant d'un Ghost mêlés bien naturellement à l'influence des albums les plus pop de Townsend, avec comme référence principale Physicist et Addicted, d'ailleurs, c'est évidemment Anneke Van Giersbergen qui a été confié pour saupoudrer ce gâteau tout rose et tout mignon de vocalises sucrées, un disque aux structures simples, aux mélodies Pop, avec comme à l'accoutumé des orchestrations over-the-top et de très beaux arrangements, après tout, c'est bien la grande qualité du canadien, son travail de composition a toujours été remarquable, mais avec, au risque de me répéter, un énorme problème d'exagération.
L'album s'ouvre donc avec un Effervescent en guise d'intro à base de choeur Gospel avant la première sucrerie pop guimauve, True North, avec une Anneke répétant à l'envie "I love you", ça fait toujours plaisir, douce batave, je t'aime aussi, mais ce titre ne restera pas vraiment dans l'histoire de la musique, même si j'admets que le refrain fonctionne bien, le titre est d'ailleurs assez entraînant, planant, pas inintéressant par certains aspects heavy (qu'on a déjà entendu des milliers de fois chez Townsend), gavé de chœurs et d'orchestration malgré tout, va falloir s'y faire.
Tout ça commençait de manière pas trop dégueulasse, mais c'était plus fort que lui, car avec Lucky animals on se mange le pire du pire de la chanson Happy Metal moisie aux paroles débiles made in Townsend, ça swing un peu sur le refrain moyen, mais en fait donc voilà un titre embarrassant et tellement rempli de gimmicks plus drôles du tout que ça en devient assez ridicule, heureusement, le titre suivant, Libération, redresse la barre (en même temps, c'était pas difficile) avec un titre direct et globalement Heavy, avec une vibe pop-Hard rock pas vilaine du tout, les choeurs sont utilisés judicieusement, avec l'utilisation d'un autre poncif, les applaudissements et les rires en fin de chanson, super...
On passe vite sur les deux titres planant Where we belong et Save our now, qui sont deux trucs pop sirupeux assez inutiles, et on arrive a Kingdom... 
Wait... What? le Kingdom de Physicist? une reprise alors que le disque ressemble déjà à des chutes de studio d'Addicted et de Ghost, brillante idée...
Mais bizarrement, ce titre s'intègre parfaitement à ce disque, alors ouais, ce n'est qu'une reprise, et même si ce n'est qu'un dépoussiérage avec une meilleur production, c'est plutôt pas mal, mais pas forcement indispensable, enfin bon, ce qui est malin, c'est de coller ce titre au beau milieu d'un îlot de moments calmes/planant/acoustiques/chiant/beaux/pénibles, car après ce Kingdom on se tape dix minutes introspectives avec Divine et Grace. (d'un autre côté, quand tu vois les titres des chansons...)
Heureusement, Devin nous balance la purée par la suite avec un More! plutôt direct, une bonne idée, j'étais en train de piquer du nez, c'est pas non plus le titre du siècle, entendons-nous bien, mais More! à une progression intéressante, un bon solo et une excellente seconde moitié avec une vibe Heavy plus qu'appréciable.
Par la suite... ben c'est fini, y'a encore trois titres, mais j'en peux plus, désolé, de la pure pop planante avec deux-trois trucs plus heavy dedans pour faire genre, de l'acoustique, du chant d'Anneke, des coeurs, j'en ai marre...
(et puis débrouillez-vous, c'est en streaming chez Exclaim!, si vous voulez vous faire une idée...)

Donc voilà, Epicloud n'est ni un ratage ni un succès, mais juste une nouvelle collection de titres d'un Devin Townsend positif à l’extrême, une sorte de best of de tous les albums pop et/où planant du canadien, avec tous ses poncifs, ses gimmicks, ses redites.
La patte Devin Townsend est bien sûr reconnaissable entre mille, le type à son propre son, avec ses qualités et ses défauts, le problème ici est qu'il ne propose absolument rien de neuf et tourne vachement en rond sur ce disque, quelques bons moments malgré tout, dont des passages lumineux et certaines accélérations pas dégueulasses, mais globalement, c'est l'ennui et l'exaspération qui prédominent, Devin en fait parfois trop, trop d'orchestrations, trop de chant féminin, trop théâtral, trop de choeurs, et bien entendu trop de guimauve et de petits coeurs roses un peu partout.
Epicloud est un bon produit pop sympathique, bien composé, bien produit, mais absolument inutile, on est quand même en droit d'attendre mieux de la part de Devin Townsend, qui nous livre ici un disque pas super inspiré, remplit de redites, certes très lumineux, mais un poil chiant, qu'on écoute d'une oreille distraite, sans grands moments...

Devin chez les bisounours...
2 / 5