mardi 14 mars 2017

[Chronique] Benighted - Necrobreed

On est jamais véritablement déçu par un album de Benighted, à condition de se contenter d'une vision d'ensemble et de ne pas trop s'attarder sur certains détails.
Benighted sait très bien ce que veulent les fans, du Br00tal Deathcore qui gruik et qui tabasse sans aucune forme de pitié pendant une quarantaine de minutes, c'est très con, c'est bas-de-plafond, viscéral, ça flatte les bas instincts, mais il faut bien avouer que ça marche pas trop mal, et ceci depuis désormais presque vingt ans, pas encore mais on y arrive.
Au premier abord, Necrobreed sonnera business as usual et tout le monde y trouvera son compte, en y regardant un peu de plus près cependant, on en sera peut-être plus aussi certain...

Il y a quand même eu du changement depuis Carnivore sublime en 2014, genre absolument tout le monde s'est barré en cours de route laissant le vocaliste/pilier Julien Truchan seul pour remonter un line-up, un coup dur, mais cela ne va pas franchement se ressentir sur l'album, ce sera toujours du poutrage et du carnage à la violence insensée du début à la fin, et concernant la petite évolution dans le son du groupe, ce n'est pas une nouveauté, car globalement, cela fait déjà deux-trois albums que les français sont en train de s'orienter vers un Death moderne bourrin et légèrement teinté de Grindcore, c'est justement sur ce point là que Necrobreed m'ennuie un peu.

Il va valoir s'y faire, Benighted a désormais franchi le pas pour devenir aujourd'hui un véritable groupe de Modern Death Metal où le grindcore est réduit à quelques références, comme un Cattle Decapitation ou un Aborted, Benighted pratique désormais un Death ultra brutal qui privilégie la violence et la rapidité d’exécution, c'est d'ailleurs le gros problème que j'ai à l'écoute de Necrobreed, cette impression pas toujours agréable d'écouter un album d'Aborted et pas du tout un album de Benighted, alors ouais, ça poutre, ça défonce, c'est le carnage, mais Benighted a perdu de sa spécificité et on pourrait presque dire que le groupe est passé du statut de produit artisanal au caractère affirmé à un produit de masse aseptisé, je dois bien vous avouer que je vois mal en quoi c'est une bonne chose.
Du coup, tout ce qui faisait la diversité d'un Icon par exemple est partie à la poubelle, ne reste que de la violence à haute vitesse en mode bulldozer, passons rapidement sur la petite introduction ambiancée pour prendre notre dose de brutalité avec Reptilian, du Br00tal Deathcore speedé qui envoie la sauce avec un Truchan toujours aussi volubile qui usera de tout son répertoire, du gros Growl, des cris écorchés, et bien sûr le fameux chant porcin qui gruik, cliché à mort, bien sûr, mais ça fait toujours son petit effet, il faudra d'ailleurs en profiter, orientation Death oblige, le reste sera globalement un peu moins diversifié, le titre suivant Psychosilencer inclura quant à lui un autre passage obligé, les gang shouts vers la fin comme de vulgaires coreux.

Partant de là, avec un tel déferlement de violence et une production toujours bien compressée (DR5), c'est sans surprise qu'aucun morceau ne va vraiment sortir de lot, ça va être du bourrin pied au plancher pendant quarante minutes qui en paraissent malheureusement beaucoup plus, comme d'habitude, il y aura souvent des samples horrifiques destinés à appuyer certaines ambiances, et aussi le quota de guests habituel, on en a trois, Asphodel sur l'intro qui sert à rien, Trevor Strnad de The Black Dahlia Murder qui semble être là pour entériner l'orientation américaine de l'album sur Forgive me Father, et le chanteur de Black Bomb A sur un Cum with Disgust ultra brutal et étrangement confus.

Ce n'est pas non plus complètement mauvais, après tout, ce Benighted en mode féroce et obnubilé par l'ultra-violence enchaîne impeccablement ses uppercuts sonores, il faut dire que l’exécution du backing band de Truchan est en tout point excellente, ça joue vite, très très vite, et ça joue surtout très bien, ce qui devrait ravir une bonne partie de son public, dont je ne fais plus partie semble-t-il, car le problème de ce déchaînement de brutalité est que la musique de Benighted devient plutôt épuisante, encore une fois, j'ai le même problème avec les albums d'Aborted, un problème qui était relativement absent chez Benighted du temps où leur musique était plus variée et largement moins policée qu'elle ne l'est aujourd'hui.

Je voulais écouter un album de Benighted, j'ai eu un album d'Aborted, et franchement, ce n'est pas un bon deal pour moi, Benighted a troqué sa singularité et sa personnalité pour un son plus classique du Death brutal moderne et des morceaux taillés pour la violence à haute vitesse qui n'ont plus du tout le même impact ni les éléments Grindcore qui les rendaient mémorables.
Necrobreed est un honnête album de Br00tal Death qui sonne exactement comme n'importe quel gros groupe du genre, adoptant les codes sonores de Cattle Decapitaion ou d'Aborted, je dois bien vous avouer que j'aimais Benighted pour toutes ses spécificités qui faisaient la différence, et qu'aujourd'hui, je ne m'y retrouve plus, le groupe étant devenu finalement assez banal, certes très efficace, mais banal malgré tout, pratiquant un Br00tal Death bien trop uniformisé à mon goût, par contre, si vous aimez ce genre de Death féroce sans aucune pitié, si vous voulez que ça poutre et que vous n'avez que faire que ce soit varié, foncez, vous ne serez surement pas déçu.