L'Islande, caillou insignifiant perdu dans l'Atlantique, environ 350000 habitants, au moins deux fois plus de moutons, et une horde de groupes de Black Metal qui forme une scène vivace qui s'est largement développée ces dernières années, une scène évidemment consanguine où chaque artiste joue dans divers projets en même temps quand ce n'est pas un seul gars qui se cache derrière plusieurs one-man bands, mais quand même, le nombre de groupe de Black par habitant doit péter tous les records mondiaux.
Svarti Dauði, que google translate traduit par Peste Noire, ou Black Death pour les anglophones, est donc un groupe... de Black ouais, comme vous pouviez vous en douter, mais du Black qui a la densité d'un bon gros parpaing que tu reçois dans la tronche dans un déluge de dissonance et de mélodies cataclysmiques, un parpaing délivré par l'un des groupes les plus importants de la scène Black Metal islandaise depuis la sortie de son premier album Flesh Cathedral il y a déjà six ans.
En dehors d'une grande passion pour les cagoules, Svartidauði aime beaucoup Deathspell Omega, ce qui n'est pas une référence étonnante puisque tout ce qui se fait dans le Black légèrement teinté de dissonances oppressantes et chargé d'atmosphères claustrophobiques a été influencé par le groupe français, les groupes de cette mouvance ayant également une certaine propension à un songwritting non-linéaire qui se rapprocherait d'un Gorguts dans cette démarche de s'affranchir de certaines contraintes, ceci explique également le changement qui s'est opéré en six ans chez le groupe, qui n'est d'ailleurs pas resté inactif puisqu'il a sorti trois EP dans l'intervalle, dans le format de ses morceaux, Flesh Cathedral était composé de quatre gros pavés dont un qui tapait presque ses vingt minutes, Revelations of the Red Sword sera quand à lui beaucoup plus conventionnel dans la distribution de mandales dans la gueule, dans la forme en tout cas.
Car dans le fond, en employant un format plus court, Svartidauði va pouvoir proposer des morceaux à l'impact redoublé, mais c'est là où c'est fort, sans jamais donner l'impression de sacrifier quoi que ce soit aux atmosphères qu'ils avaient l'habitude de développer par le passé, malgré des morceaux plus courts, Svartidauði maintient sa capacité à déployer des ambiances apocalyptiques dans un ensemble davantage centré sur l'annihilation, Sol Ascending ne laissera d'ailleurs planer aucun doute, on a affaire à du pur Svartidauði, qui jouit ici d'une production bien plus massive qu'il y a six ans, un morceau d'ouverture bien furibard qui prend malgré tout le temps de développer une atmosphère poisseuse tout en montant d'un cran dans la violence, les mélodies infectieuses seront de la partie, donnant un subtil sentiment de dissonance.
Et de la violence dissonante il y en aura des tartines comme on pouvait s'y attendre, et ça va prendre des formes assez diverses selon les morceaux, Burning Worlds of Excrement sera garanti sans aucune forme de subtilité avec son Black en mode tractopelle qui est d'une brutalité cauchemardesque, alors que Wolves of a Red Sun se fera légèrement plus hypnotique en prenant le temps de poser ses ambiances, les trois premiers morceaux de la galette seront d'ailleurs clairement les plus bourrins alors que les trois suivants développeront une facette davantage atmosphérique, c'est à mon avis là où Svartidauði est le meilleur, quand il prend un peu de temps pour aérer sa musique, la première moitié de l'album soufre quelque peu du caractère asphyxiant inhérent à ce mix de Black parpaing et de dissonance, la seconde moitié de l'album s'avère beaucoup plus convaincante avec les différentes strates sonores qui se mélangent, un processus qui trouvera son point culminant sur le titanesque Aureum Lux, qui, même si incroyablement abrasif, parviendra à développer un réel sens de l’atmosphère lugubre avec ses mélodies entêtantes.
Malgré tout, j'ai du mal à trouver cet album meilleur que Flesh Cathedral, j'imagine bien que le format plus court a pour but de rendre la musique de Svartidauði un peu plus lisible pour ne pas dire plus accessible, mais cette légère réorientation sur une musique plus violemment abrasive manque un peu de subtilité et le groupe a parfois un peu trop tendance à faire dans le Black parpaing certes très dense mais surtout un peu trop facile dans le bourrinage, heureusement que certains vagabondages atmosphériques viendront aérer une seconde partie d'album plus convaincante avec une meilleure utilisation des éléments dissonants et atmosphériques.
Revelations of the Red Sword reste un bon disque, mais malheureusement pas un grand disque, mais comme on parle de Svartidauði ça reste largement supérieur à 90% de la production black de cette année, si vous aimez que votre Black soit une machine à écrabouiller toute en dissonance et en atmosphère cauchemardesque, nul doute que vous trouverez votre bonheur ici.