Ça faisait longtemps que je ne vous avais pas parlé d'un groupe bizarre et inclassable, au moins... une semaine, fichtre, ça date.
Bref, Voilà Cyrax, un groupe de Milan qui nous délivre son second album après un premier effort, Reflections, qui avait fait son petit effet il y a deux ans, enfin, tout du moins dans les milieux autorisés et de bons goûts puisque malgré ses qualités, Cyrax reste confiné dans une certaine clandestinité, et j'espère que Pictures changera la donne pour l'orchestre de Lombardie, car je ne vois pas trop comment on pourrait rester de marbre devant ce disque, à la seule condition de faire preuve d'un tant soit peu d'ouverture d'esprit, car Cyrax n'est, bien entendu, pas votre groupe de Metal conventionnel...
Ces jeunes éphèbes lombards pratiquent donc un truc à la fois indéfinissable mais en même temps très référencé, où l'on navigue entre le Power à l'italienne à tendance symphonique, le progressif pur et dur rendant les structures plutôt bondissantes, et une forte propension aux délires théâtraux, globalement, pour vous faire une idée, Cyrax est une espèce de rejeton bâtard issu de la copulation entre Rhapsody of Fire, Dream Theater et Savatage, pour le côté Opéra Rock décomplexé, et l'on pourrait même name-dropper Queen comme ça à l'arrache, c'est vous dire que Pictures sera composé de chansons très diversifiées et jamais linéaires, pleines de moments WTF, mais qui a aucun moment ne sombre dans le n'importe quoi, ce qui est le piège dans lequel tombe pas mal d'autres groupes pratiquant le même genre d'exercice, Cyrax évite les chausse-trappes et va démontrer pendant une petite quarantaine de minutes toute sa maîtrise du grand écart stylistique, avec une redoutable cohérence, le fait que l'album soit assez court pour un album de Prog va aussi jouer sur l'efficacité du propos, Cyrax ne se disperse pas trop et se concentre sur l'essentiel, impossible de s'ennuyer ici, chaque titre, peu importe les changements de direction et digressions stylistiques, va aller droit au but.
Pictures s'ouvre d'ailleurs sur un morceau qui est une espèce de condensé de ce qu'est capable de faire Cyrax, ce morceau éponyme est d'ailleurs une espèce de déclaration d'intention de la part des italiens, avec des paroles complètement fun et premier degré à faire rougir d'envie Manowar, ce titre d'ouverture est à la fois rendre-dedans et non exempts de digressions WTf, notamment les claviers psychédéliques d'obédience seventies qui côtoient des éléments électroniques plus modernes et un piano très présent, surtout vers la fin où l'on aura droit à un combo piano-chorale-bizarrerie dubstep, le morceau s'avère très catchy malgré sa haute versatilité, et ce n'est pas le titre suivant The 7th Seal qui va faire baisser le rythme de l'album, on reste dans le même niveau d'exigence et de qualité, davantage orienté Power symphonique, avec encore plus de chœurs, et un chant encore plus théâtralisé et mélodramatique, en duo avec un chant hurlé, et pour plus de fun, on ajoute du violon et des éléments acoustique au mix, qui donne une certaine emphase comme peut parfois le faire Epica, ce qui sera bien plus flagrant sur These Greenvalleys, ballade acoustico-symphonique dominée par un chant féminin de soprano, ce morceau contrebalance bien Cockroach, titre bien plus Heavy et sombre, surement le morceau le plus agressif de l'album, d'où se dégage un certain sentiment de malaise par le biais des arrangements mêlant claviers psychédéliques et bidouillages électroniques.
C'est d'ailleurs à partir de These Greenvalleys que l'album prendra une dimension davantage symphonique, plongeant l'album dans une sorte d'Opera Metal bizarre, avec un triptyque plutôt ambitieux, vu que Shine Through Darkness atteint quand même un petit quart d'heure de délire sonore, la première partie étant la plus segmentée, la plus longue aussi, avec de nombreux passages prog-tech, sans oublier les longs tunnels finement orchestrés avec du piano, des cordes, du clavecin et des chœurs, la seconde partie est quasiment instrumentale est sert de transition vers une partie finale assez étrange et WTF, notamment le break symphonique où le clavecin subit un traitement électronique moderne, et en parlant de trucs bizarres, on ne sera même pas surpris que le titre final Phunkrax soit un pur morceau de Funk progressif psychédélique avec une basse bien ronflante, le pire dan tout ça, c'est que Cyrax parvient à rendre tout ça normal, les transitions sont incroyablement fluides, toutes les influences du groupes s'imbriquent naturellement, formant un ADN plutôt unique, pour un album qui fait preuve de cohésion malgré les multiples changements de style et les métamorphoses au sein de chaque morceau.
On a quand même affaire à une sacré bestiole avec Pictures, on parvient sans mal à identifier les différents genres auxquels s'attaquent le groupe, mais les italiens passent leur temps à brouiller les cartes, et l'on va naviguer constamment entre le Heavy, le symphonique, l'opéra Rock, le progressif, l'électronique, certains riffs Thrashy conduisent à de l'électro, les passages psychédéliques progressifs se retrouvent mêlés à du symphonique, le chant fait preuve de subtilité et de versatilité, et pour une musique non linéaire, Cyrax parvient à maintenir la cohésion du début à la fin, sans jamais trop en faire dans le délire, avec maîtrise, et par le biais de constructions exemplaires.
Cyrax donne un peu le sentiment d'être avec Pictures une sorte de version plus Metal de Savatage, avec une dimension théâtrale et symphonique pleinement assumée, l'album est très fouillé, très riche, avec des claviers et des orchestrations en abondance, et Pictures est un album diablement fun et admirablement construit, un Opéra Metal aux délicieux moments WTF.
La seule chose que l'on pourra regretter, c'est que le groupe et le label n'ait pas jugé bon de mettre en ligne un seul morceau de l'album, ce qui est dommage à l'âge des internets où n'importe quel groupe nous casse les couilles avec des lyrics-vidéos, rien à se mettre sous la dent ici, et il faudra se contenter des studio-reports disponibles sur la chaîne youtube du groupe pour se faire une idée.
(L'album est disponible via Bakerteam Records chez les vendeurs de votre choix)
Opéra Metal WTF
Track Listing:
1. Cyrax 05:05
2. The 7th Seal 05:59
3. Cockroach 03:43
4. These Greenvalleys 04:11
5. Oedipus Rex 04:06
6. Shine Through Darkness pt. I 07:22
7. Shine Through Darkness pt. II 03:36
8. Shine Through Darkness pt. III 03:39
9. Phunkrax 02:55