On avait quitté les espagnols de Vita Imana sur une très bonne impression avec Uluh, sorti il y a déjà deux ans, un disque que j'avais particulièrement apprécié même si j'avais émis quelques réserves concernant des influences toujours trop présentes malgré une orientation atmosphérique plutôt judicieuse, qui lui permettait malgré tout de développer une certaine personnalité.
J'attendais donc beaucoup du nouvel album, avec une certaine appréhension concernant l'orientation du groupe, il y avait après Uluh une question que le groupe allait devoir trancher assez vite, choisir entre le Groove Tribal Brutal, au risque de se transformer en un vulgaire Ektomorf ibérique, ou faire All-in sur l'atmosphérique et s'embarquer vers autre chose, surement au risque de perdre une partie du public sans forcement en gagner de nouveau: A cette question métaphysique, Vita Imana a choisi de ne pas y répondre, et de prendre finalement une autre direction, la plus logique et la moins risquée, et nous allons couper court à tout suspense, Oceanidae est un coup gagnant pour les madrilènes, et surtout un album très très malin dans sa construction, qui voit un groupe imposer une réelle personnalité au sein de compositions bien plus fines que par le passé...
Le disque de la maturité? surement, mais avant tout une continuation logique à un Uluh encore un peu hésitant malgré de très bonnes idées, Vita Imana a choisi de jouer sur ses forces, et d'ajouter tout un tas d'éléments nouveaux afin de ne pas nous faire bêtement un Uluh 2, ce qui aurait été une grave erreur.
La grande force de Vita Imana, c'est bien sûr une maîtrise totale de la facette la plus agressive et nerveuse de sa musique, un mélange de Power, Thrash, de Metalcore, de Groove, de Death, tout cela aux sonorités tribales, avec une emphase énorme sur les rythmes, vu qu'une percussionniste est de la partie en soutien de la batterie, les références vont de Machine Head à Pantera en passant par Sepultura, ce qui pourrait faire de Vita Imana un simple Lamb of God espagnol s'il n'y avait pas une dimension atmosphérique très poussée et tout un concept Ethnico-Hippie à la Gojira au niveau des ambiances et des thèmes développés, et c'est dans ce mélange des genres encore plus réussi que Vita Imana va nous montrer qu'il a encore progressé, sur tous les plans, car les longues, très longues même, plages atmosphériques instrumentales d'Uluh ont disparu, enfin, pas vraiment disparu, elles sont toujours là, mais désormais intégrées au sein même des morceaux, dont principalement trois très longs titres de plus de huit minutes à chaque fois, qui sont les principales réussites de l'album, mêlant l'agressivité naturelle du groupe avec des ambiances à la fois intenses et aériennes, où les espagnols prennent leur temps pour construire ces trois titres jouant sur les émotions, occupant d'ailleurs une bonne moitié du disque à eux seuls.
Comme je le disais plus haut, Oceanidae est un disque malin, car entre ces trois longs titres, on retrouve des morceaux plus directs et abrasifs, dans la grande tradition du groupe, des morceaux taillés pour la scène, vindicatifs et diablement efficaces, et cet alternance entre la violence et les passages plus calmes qui va donner toute sa saveur à Oceanidae, en lui donnant un aspect très compact, malgré le fait qu'il dure un peu plus de cinquante minutes, Vita Imana va constamment varier sa stratégie, offrir des moments de calme au bon moment qui ne font que renforcer l'intensité quand il se décide a appuyer sur l'accélérateur et à vous pulvériser les cervicales à coups de monstrueux riffs plein de groove et de hargne et de rythmes tribaux.
Un album plus riche et plus élaboré encore que ne pouvait l'être Uluh, qui passe presque comme un brouillon comparé à cette Oceanidae, une bestiole bien différente, et l'on ne sera même pas surpris que Vita Imana décide d'ouvrir les hostilités, non pas par une intro et un titre rentre-dedans comme par le passé, mais avec un premier pavé de plus de huit minutes, comme si le groupe avait décidé de ne pas se cacher et de monter d'emblée ce qu'allait être son nouvel album, Depredador de Luz va donc jouer sur une alternance entre les passages bien gras et monstrueusement groovy et les aérations mêlant instrumentations ethnico-tribales et guitare acoustique, en alliant intensité, violence et émotions, avec un Javier Cardoso toujours aussi vindicatif derrière le micro, ayant même ajouté un vague chant clair à sa palette, qui sera encore plus flagrant sur Mar de Cristales, le second pavé, de presque dix minutes cette fois, où l'on trouve même de discrets chœurs féminins de la percussionniste Miriam Baz, et c'est un authentique win, constamment entre ombre et lumière, encore une fois, un modèle de construction, où le groupe prend son temps afin de construire une réelle tension dramatique qui culminera avec un dernier quart à la fois mélodique et mélancolique, et ce qui est étonnant, c'est que les espagnols n'oublient pas de saupoudrer tout ça de spasmes très brutaux, surement le titre le plus abouti de l'album, presque la quintessence du style Vita Imana, son âme mise à nue.
Que les plus violents d'entre-vous se rassurent, Vita Imana a quand même composé quelques bonne vieilles mandales dans la gueule, du gros Groove qui tâche, comme à l'accoutumée rendu encore plus brutal de par l'emphase sur les percussions, Equilibrio, bourrin, syncopé, très heavy, alors qu'Ablepsia fait preuve d'un peu plus d'émotion et d'intensité tout en conservant un groove ravageur, avec un chant qui alterne entre les hurlements et un growl profond, et même si l'on regrettera le côté un peu trop Nü Metal d'un Seis Almas, un peu con comme du Soulfly, comment ne pas résister à la claque Manos de Sangre, tout en vélocité et en noirceur, les espagnols y vont même de leur traditionnelle interlude acoustique permettant de fait une petite pause lors de cette enchaînement de trois titres directs et courts, dont un Oxigeno qui envoie le pâté en mode bas-de-plafond, mais bizarrement, ce n'est pas vraiment ce que l'on retiendra de l'album, on savait déjà depuis le premier album que le groupe maîtrisait ce genre de baffe dans la gueule, et même si c'est ultra efficace, ils ne sont pas aussi mémorables que les trop pavés disséminés par Vita Imana sur l'album, dont le dernier, Oceanidae qui clôture l'album de fort belle manière, très orienté atmosphérique avec une noirceur qui emprunte quelque peu au Post-Hardcore, un titre pas évident qui prend quelques détours et qui vagabonde souvent en dehors des sentiers battus, une vraie surprise de trouver ce genre de chose chez Vita Imana, mais pas illogique de trouver un titre comme ça à la fin, comme si le cheminement de l'album l'amenait ici, dans d'autres sphères, peut-être une piste supplémentaire à explorer pour l'avenir, le groupe nous avait déjà fait le coup du titre éponyme pour clôturer Uluh, mais Oceanidae est un peu plus fouillé, plus riche en émotions et en atmosphères que son aîné, un peu à l'image de ce qui sépare les deux albums, la maturité et la volonté qu'à le groupe de voir un peu plus loin et peut-être d'aller au delà de leur Groove tribal habituel...
Qu'elle semble désormais bien loin l'époque d'En Otro Lugar, et quel chemin parcouru par Vita Imana en quatre ans, les espagnols nous proposent ici leur meilleur album, surpassant largement Uluh, Oceanidae fait preuve de maturité et d'intelligence, le groupe a encore progressé, livrant leur oeuvre la plus aboutie à ce jour, un disque assez conceptuel, très sombre, atmosphérique, sans se renier, Vita Imana continue d'avancer, par petites touches, en expérimentant des choses nouvelles pour lui, et développant surtout une personnalité plus affirmée que par le passé.
Il est juste un peu dommage qu'ils n'aient pas été jusqu'au bout de leur démarche sur la totalité de l'album, car les titres les plus bourrins et directs de la galette sont un peu à la peine et un peu trop classique par rapport aux trois titres fleuves, qui eux, font preuve d'une réelle ouverture en redéfinissant le son Vita Imana.
Reste quand même un excellent disque de Groove Metal à tendance tribale et atmosphérique, on ne voit pas le temps passer, ça envoie, et l'ensemble est suffisamment riche et intéressant pour qu'on y revienne souvent, Oceanidae est très fouillé, fourmille de détails, les arrangements ethniques sont très bien intégrés désormais, à découvrir d'urgence si vous ne connaissez pas le groupe.
Le Groove des méduses
Track Listing:
1. Depredador de Luz
2. Equilibrio
3. Ablepsia
4. Mar de Cristales
5. Manos de Sangre
6. Seis Almas
7. Hydros
8. Oxígeno
9. Oceanidae