Qu'il est difficile de se faire une place dans le créneau ultra-saturé du Metal symphonique à chanteuse, surtout quand on arrive sur le tard et que l'on ne vient pas du nord de l'Europe.
C'est pourtant le défi devant lequel se dressent les espagnols de Diabulus in Musica, qui nous livre ce mois-ci leur second album, The Wanderer, qui fait suite à leur très bon premier opus, Secrets, sorti en 2010, et que j'avais chroniqué en retard en août dernier.
Le défi est donc de taille pour les navarrais, confirmer toutes les qualités entrevues lors du premier album, gommer les quelques défauts de jeunesse, et surtout évoluer pour éviter la redite, chose toujours compliquée dans un genre aussi formaté, bref, la troupe de Pampelune se doit de frapper un grand coup, et également de prendre quelques risques avec The Wanderer...
J'avais écrit l'année dernière que le problème majeur de Secrets était sa première partie, trop proche d'Epica, efficace mais un peu trop commune, alors que la seconde voyait le groupe développer sa propre personnalité au sein de compositions plus riches et moins évidentes, j'aurai donc aimé que le groupe s'aventure sur cette voie-là définitivement en laissant tomber les titres pop un peu faciles, en gros, s'éloigner d'Epica le plus possible, surtout que je trouve le chant de Zuberoa Aznarez beaucoup plus à l'aise dans ce registre, malheureusement, c'est plutôt l'inverse qui se produit, surtout dans la première partie de l'album, car une fois de plus, Diabulus in Musica nous refait le coup de mettre les titres les plus faciles d'accès dès le début, par contre, et heureusement, il se passe beaucoup plus de choses intéressantes par la suite.
Bref, Diabulus in Musica aime epica, et va nous le prouver dès le début, car après la longue intro symphonique de rigueur, déboule le premier titre, Ex Nihilo, avec une attaque musclée chargée de choeurs et d'orchestrations donnant une petite touche épique, avant que le titre ne prenne son rythme de croisière entre passages aériens et accélérations à base de grunts et de choeurs, une bonne mise en bouche mais je trouve le titre un peu plat et sans trop de surprises, un poil trop long peut-être, mais par contre l'ensemble demeure diablement efficace, de même que le titre suivant, le premier single de l'album, Sceneries of Hope, qui rempli sans problème le cahier des charges, tout est évident, ça rentre dans la tête, et ça ressemble un peu au Nocturnal flowers de l'album précédent (surtout les effets électroniques),un titre à l'efficacité redoutable.
Comme si la filiation avec Epica n'était pas suffisante, voici donc Mark Jansen qui débarque pour gueuler sur le titre suivant Blazing a Trail, ce qui m’apparais d'un intérêt plus que limité quand on a déjà dans le groupe un type qui chante dans le même registre...
Le titre est bon par contre, avec son riff presque power Metal et ses choeurs over-the-top, avec une Zuberoa qui passe un peu au second plan ici, réduite à quelques interventions, s'ensuit une petite interlude qui sert d'introduction à l'énorme Hidden Reality, pas super attrayant à la première écoute, le titre se dévoile petit à petit, le groupe prend son temps, en alternant une voix calme, aérienne, et un chant lyrique très haut, avec également une ambiance celtique du plus bel effet.
C'est bien ça qui est intriguant avec Diabulus in Musica, c'est cette capacité a insuffler un petit plus à des titres pas super originaux de prime abord, ce qui empêche le groupe de sombrer dans la pure copie, il y a toujours une petite atmosphère différente, un petit détail, comme une touche folk ou celtique, et surtout, la voix de Zuberoa fait beaucoup dans cette différenciation, son timbre est vraiment agréable, plus chaud, et plus dans l'émotion, par rapport à certaines de ses collègues nordiques, la demoiselle est également très polyvalente, capable de monter très haut quand le besoin s'en fait sentir.
Après ce passage celtique, nous avons droit à un titre vraiment surprenant, sans chant féminin, avec Shadow of the Throne, avec un début martial, brutal, sombre, quasiment du Death Mélodique, avec des choeurs en arrière plan, pour un résultat couillu et en même temps atmosphérique, et vers la fin, un passage bizarre avec des vocaux susurrés, on entre vraiment dans la partie la plus intéressante de l'album, plus musclée, avec plus de growls, et des titres plus intéressants, comme cet Allegory of faith, innocence and future, qui commence comme une power balade avec un chant cristallin sur fond de guitare acoustique, avant que les grunts ne prennent le relais, le titre est très sombre, avec une alternance entre passages menaçants et lourd, et parties aériennes, gros travail sur les choeurs et les orchestrations également.
Il est donc temps de faire une petite pause avec une balade celtique, Sentenced to life, sur laquelle Zuberoa partage l'affiche avec John Kelly, je ne suis pas du tout un fan de ce genre de truc, mais je dois bien avouer que ce duo fonctionne très bien, l'accompagnement est très léger, laissant le champ libre aux voix, et c'est une franche réussite, toute en émotion et en grâce, avec les guitares qui font leur apparition vers la fin.
Ensuite, on replonge dans les ténèbres avec Oihuka Bihotzetik, les growls sont de retour, une nouvelle fois, c'est sombre, avec un chant féminin qui se fait plus lyrique, les atmosphères sont bien trouvés, notamment les claviers sur la fin, mais ce n'est rien à côté du titre suivant, No time for repentance (Lamentatio), le titre le plus long de l'album avec plus de huit minutes, qui lui aussi tire sur le death mélodique, ça growl, ça bourrine, avec des interventions lumineuses de Zuberoa qui transperce les ténèbres, le titre est heavy, énorme, tout en muscle et en nuances, une réussite totale.
Enfin, l'album se conclut sur une petite balade acoustique, entraînante, à l'ambiance celtique, une bonne façon de dire au revoir...
En conclusion, on peu dire que Diabulus in Musica a plutôt réussi son coup avec The Wanderer, je n'étais pas du tout attiré à la première écoute, mais je me suis peu à peu laissé séduire par ce second opus des espagnols.
Au début, on se dit, encore un clone d'Epica, sans intérêt, mais même si la filiation est évidente et les références nombreuses, parfois trop, surtout dans la première moitié du disque, qui accumule les titres un peu trop faciles, on sent que DiM tente de sortir de l'ombre de son aîné, en proposant sa propre vision du genre, et surtout en proposant un paquet de nouveautés par rapport à son premier essai.
The Wanderer est un disque plus mature, mieux composé, plus aventureux, et plus Heavy que son prédécesseur, en lorgnant fortement vers le Death Metal, de plus, on est toujours dans un Metal symphonique de haut vol, avec une chanteuse polyvalente et compétente, on retrouve bien sûr les grosses ficelles inhérentes au genre, l'utilisation prononcée des orchestrations et d'une chorale, mais avec cette petite touche de je-ne-sais-quoi qui donne tout son charme à l'ensemble.
Malgré tout, il va être difficile de se débarrasser de l'étiquette "Epica-like", surtout que Napalm Records utilise comme argument commercial: "Symphonic Metal with charming female vocals for all fans of EPICA"
Putain, sérieusement? Car le groupe vaut un peu mieux que cette étiquette qu'on lui colle dessus, même s'il faut bien avouer que les premiers titres sonnent comme des titres qu'auraient pu composer Epica, la suite nous montre une autre facette du groupe, beaucoup plus intéressante, il serait bien dommage de s'arrêter à cette étiquette réductrice, mais cela passe aussi par le groupe lui-même, qui devra vraiment évoluer plus encore à l'avenir, Diabulus in Musica est en progrès, certes, mais à toujours un peu le cul entre deux chaises.
En tout cas, The Wanderer est un très bon disque de Metal Symphonique, et c'est déjà pas mal...
3.5 / 5