Que faire maintenant?
C'est la question sur laquelle je concluais il y a trois ans ma chronique de Construct, ouais, que faire quand ça fait vingt-cinq ans que t'es là, que t'as déjà sorti dix albums, que t'as déjà tout fait dans un genre que tu as contribué à faire naître, faisant de toi une sorte de parrain de toute la scène Death mélodique.
A toutes ses questions, Dark Tranquillity n'avait pas choisi de répondre il y'a trois ans, préférant botter en touche et se lancer dans une espèce de trip rétrospectif annonçant une fin de carrière en douceur, des albums en forme de best-of retraçant toutes les époques du groupes, malgré tout en se concentrant davantage sur le troisième, celle qui débute globalement avec Fiction en 2017, ce son Dark Tranquillity moderne préférant un certain minimalisme aux compositions alambiquées sera bien évidemment la base de ce que sera Atoma, c'était déjà le cas avec Construct, et comme ce dernier, on va souvent regarder dans le rétroviseur pendant la cinquantaine de minutes du trajet, faudrait faire gaffe et jeter un coup d’œil devant soi à un moment donné, un ravin est si vite arrivé...
Je vous parlais d'une fin de carrière qui s'approchait tranquillement, ce n'est pas faire injure à un groupe que j'adore et que je respecte, mais c'est le cas, l'âge d'or du groupe est clairement derrière lui et on imagine bien que le jour où Mikael Stanne en aura marre le groupe mettra la clé sous la porte avec le sentiment malgré tout du devoir accompli, signe de ce crépuscule à venir, l'un des membres fondateurs Martin Henriksson a quitté le groupe en début d'année, et ce n'est surement pas l'arrivée de l'ancien In Flames et actuel Tiamat Anders Iwers au poste de bassiste permanent l'année dernière qui va rassurer, la perte d'Henriksson est un coup dur, mais bon, faut bien payer les factures, donc on ne le remplace pas et on repart pour un nouveau cycle de tournée avec un nouvel album, classique, un guitariste de moins et un bassiste de plus par rapport à l'album précédent, on maîtrise les coûts chez Dark Tranquillity.
Je vous vois venir, je n'ai pas l'air emballé par cette nouvelle sortie et vous croyez peut-être que je vais chier sur le groupe, c'est ça? raté, ce ne sera pas le cas, et on va aller droit au but, Atoma est un bon disque, peut-être même légèrement supérieur à Construct, malgré le fait qu'il partage exactement les mêmes qualités et les mêmes défauts, c'est le même disque en un poil meilleur, ce qui n'en fait pas nécessairement un excellent disque, mais pas une bouse non plus, Dark Tranquillity a une formule qui marche, un savoir-faire indéniable, et surtout une classe folle qui parvient même à sauver un disque somme toute mineur comme celui-ci.
Ouais, Atoma, un peu comme Construct, est un album mineur dans la discographie d'un grand groupe évoluant dans un genre dont la date limite de consommation est dépassée depuis de nombreuses années, Atoma est comme je vous le disais un album best-of, basé sur la troisième période du groupe, et qui survolera également les deux premières, à savoir celle des trois premiers albums, très orientés Melodeath à la At the Gates, et celle qui débute avec Projector, appelons ça l'ère de la sophistication, quand Dark Tranquillity s'est mis à intégrer beaucoup plus de claviers et chant clair dans des compositions plus complexe et mélancoliques, spoiler, comme Construct, Atoma ne reviendra presque pas à le première période, ce sera un condensé de tout ce qu'à fait le groupe depuis 1999, partant de là, malgré toutes les limites inhérentes à ce genre d'orientation, Dark Tranquillity ne peut pas se tromper, mettant toutes les chances de son côtés pour satisfaire le fan, on pourrait même parler d'un album servant également de porte d'entrée à la discographie du groupe.
Aucune surprise, juste le plaisir de retrouver un groupe sûr de son fait qui fait exactement ce que l'on attend de lui en maintenant des standards de qualité particulièrement élevés, comme ce premier titre Encircled, qui doit bien être le meilleur titre d'ouverture du groupe depuis des lustres, avec son tempo bien enlevé qui tabasse avec plaisir, les arrangements sont comme d'habitude bien dosés, Dark Tranquillity a toujours la classe même quand il balance des morceaux à la structure très simple, c'est efficace, dans le même genre on aura aussi Neutrality, The Pitiless ou encore le très violent When the World Screams, plein de références au Melodeath old school, ce n'est pas forcément ce qu'à fait le groupe de plus intéressant, mais la conviction est là, et que serait un best of de Dark Tranquillity sans références old school...
Bien sûr, tout de suite après Encircled, le titre éponyme Atoma sera votre moment Projector du disque avec son excellent chant clair mélancolique et ses claviers lancinants, Forward Momentum en sera en quelque sorte une continuation, le morceau est globalement une Power Ballade à la Dark Tranquillity, passable et conventionnelle, c'est ce dernier point qui est important ici, car Dark Tranquillity ne va strictement rien apporté de neuf, que dalle, et va nous délivré un album particulièrement confortable, sans aucune prise de risque, le seule chose qui le différencie d'un Contruct est une orientation Death mélodique plus marquée, Atoma est un peu moins mélancolique, très simple dans son approche, et se veut surement rassurant pour un groupe qui vient de perdre un membre important en début d'année, même si ce n'est pas une excuse dans la mesure où c'est déjà ce que faisait le groupe avant le départ de son guitariste.
Dark Tranquillity passe son temps à cocher les cases de son bingo des gimmicks en ayant aucune volonté, ou aucune capacité, d'aller au delà de ça, et du coup, sans vraiment de moments forts, on a affaire à un album où tous les morceaux sont globalement moyens, il suivent une formule pré-établie, rien n'est laissé à l'improvisation, ce qui a pour conséquence de rendre l'émotion relativement factice, le chant clair, les arrangements, les claviers, ne sont là que parce qu'ils font parti du cahier des charges, on aimerait que Dark Tranquillity joue avec ses propres codes, voir même qu'il les dépasse, mais ça n'arrive jamais, Dark Tranquillity semble prisonnier de codes qu'il s'est lui-même imposé album après album, le groupe évolue dans ses propres limitations, a constamment les yeux dans le rétroviseur sans voir le ravin qui se rapproche lentement mais surement.
J'aurais aimé que Dark Tranquillity se bouge le cul et se remette à regarder vers l'avenir, qu'il évolue encore, qu'il ait finalement le courage de débuter une quatrième ère où il pourrait se réinventer comme il l'a déjà fait, ce n'est pas le cas, il nous ressert un album best of, différent de Construct malgré tout, là où ce dernier explorait davantage la facette mélancolique du groupe, Atoma est plus enclin au Death mélodique, il n'en reste pas moins que tout cela est diablement prévisible et réchauffé.
Après, Atoma reste un disque tout ce qu'il y a de correct, pas de doute là-dessus, ça reste un album de Dark Tranquillity, donc c'est forcément bon, mais c'est avant tout un bon petit disque mineur dans une discographie comme celle des suédois, un album à qui il manque cette petite étincelle de génie qui le rendrait véritablement indispensable, le groupe ne répond à aucune question concernant son avenir et semble se complaire à nous sortir des rétrospectives sous forme de nouveaux disques, des disques corrects mais dispensables, qui ont surtout l'air de n'être que des excuses pour repartir en tournée, du fan service malgré tout solide et efficace, avec toutes les limitations inhérentes à ce genre d'orientation.
Track Listing:
1. Encircled 03:32
2. Atoma 04:19
3. Forward Momentum 03:40
4. Neutrality 04:17
5. Force of Hand 04:22
6. Faithless by Default 04:31
7. The Pitiless 04:08
8. Our Proof of Life 04:22
9. Clearing Skies 03:33
10. When the World Screams 03:57
11. Merciless Fate 04:22
12. Caves and Embers 04:30