Après avoir chroniqué tout un tas de merde tout le courant du mois de juin, que diriez-vous de commencer juillet par un vrai bon disque?
Ça tombe bien dites-donc, je m'étais justement mis de côté un album sorti il y a quelques semaines pour l'occasion, car parfois, entre toutes les merdes qui sortent, on trouve un bon disque, c'est rare mais il y en a, et ce qui est encore plus rare par les temps qui courent, c'est de tomber sur un bon disque de Black, car c'est bien de Black dont il va être question aujourd'hui.
Bref, voici False, un petit groupe du Minnesota, qui nous propose son premier album subtilement non intitulé, dont les seules références remontent à 2012 avec un split en compagnie des excellents Barghest et un EP qui s'appelait également Untitled, comme quoi False est le genre de groupe qui n'en a rien à foutre de donner des titres à ses sorties, heureusement, ce premier album sera largement plus inspiré que son absence de titre, après tout, c'est pas comme si je vous avait déjà dit plus haut que c'était bien...
Malgré tout, il va falloir s'accrocher un peu pour déguster le bouzin, car False n'est pas le genre de groupe à faire dans la concision, un titre, c'est dix minutes minimum, et il n'y a beau avoir que cinq morceaux sur la galette, on va atteindre tranquillement l'heure de Black Metal qui tombe dans la catégorie USBM, à savoir un Black intense, rageur, vindicatif, qui prend souvent des détours atmosphériques, ça donc être long, touffu, et pour une fois, je ne dirais pas ça souvent, quantité va rimer avec qualité.
La petite particularité de False n'est pas seulement de compter une chanteuse dans ses rangs, la particularité vient du processus d'enregistrement de l'album, dans des conditions live concernant la batterie, la basse et les guitares, le chant et les claviers ayant eux été enregistrés à part et rajoutés par la suite, ce qui va nous donner un son particulièrement raw et relativement chaleureux, en tout cas très organique, c'est peut-être un peu trop compressé, mais il est était difficile de faire autrement vu le côté surchargé du Black de False, qui rappellera vaguement Emperor de ce côté-là, mais la comparaison s'arrête là car malgré l'utilisation d'orchestrations et un certain sentiment de grandeur, False n'est pas un groupe de Black symphonique, loin de là.
Ces claviers discrets et mystérieux apportent un certain aspect majestueux et emphatique sans prendre trop de place ni tomber dans le kitsch, toujours au service de la mélodie et de l'atmosphère, une légère touche symphonique qui s'inscrit sans mal dans la mouvance USBM portées sur les atmosphères mystérieuses, les orchestrations soulignent la violence et l'intensité du Black pratiqué par les américains, contrepoint subtil a déluge Black particulièrement vindicatif qui n'oublie pas les mélodies vicieuses en cours de route.
Ces claviers auront un rôle important lors de certains passages plus ambiancés, car vous vous doutez bien que False, avec ses longs morceaux de dix minutes minimum, va nous faire le coup des pauses atmosphériques pour tenir la distance, c'est le petit truc de composition classique de ce genre de groupe, un peu cliché, mais ça va plutôt bien fonctionner pour False, car tout en conservant son intensité, le groupe va parfois nous emmener à la frontière du Doom Atmosphérique (Entropy), je n'irai pas jusqu'à dire qu'on tombe par moment dans le Post-Metal, mais sans pour autant en être éloigné, False ne franchit jamais la ligne jaune et reste une entité profondément enracinée dans le Black.
L'une des grandes réussites de l'album, c'est que False parvient à maintenir toute la violence de son Black tout en incorporant un véritable enchevêtrement de mélodies, à base de tremolo mystiques évidemment, mais les claviers auront une nouvelle fois un rôle prépondérant, ce penchant mélodique ne va jamais diluer l'intensité et le caractère vindicatif des compositions de False, il le renforce, lui donne une profondeur que l'on n'imaginait pas que le groupe pouvait atteindre, de fait, les longues compositions de False vont réussir à tenir la distance, avec un succulent mélange de brutalité et d'émotion, et Untitled est un disque à la redoutable férocité dramatique.
Saturnalia va débuter de manière ultra violente, avec quelques petites dissonances, avant de pleinement s'engager dans un mid-tempo funèbre et atmosphérique, trois minutes de contemplation mystique avant la traditionnelle accélération, et ce petit truc qu'on remarque assez vite, False parvient à maintenir sa dimension atmosphérique même lors des passages les plus violents, The Deluge sera globalement un morceau direct et chargé d'orchestrations, particulièrement sinueux, et la petite pause ambiancée servira à amener un build-up où, surprise, on trouvera un chant clair bien planqué dans le fond en soutien du growl, et une fois encore, il y aura un subtil mélange des genres, car False nous embarquera dans une espèce de Doom/Black à la forte dimension émotionnelle.
False n'est pas non plus un gros débile qui va nous coller un pont atmosphérique sur chaque morceau, Untitled, troisième morceau, va faire preuve d'une redoutable intensité avec un déferlement sans réellement d'interruptions, un morceau que l'on traverse en apnée, dans les ténèbres, avec juste ce qu'il faut d'orchestrations pour offrir l'aération nécessaire à l'exercice, Hedgecraft sera lui aussi en mode vindicatif du début à la fin, mais avec un enchevêtrement de mélodies et d'orchestrations qui se chevauchent sans cesse, s'entremêlent, donnant au Black de False une réelle profondeur en plus de sa dimension atmosphérique souvent contemplative.
Ce premier album de False est un vrai coup de cœur, et l'on a affaire à un album sacrément mature pour ce qui n'est qu'un premier effort, False manie la violence, l'intensité, les atmosphères, n'hésite pas à tremper son black dans le Doom atmosphérique ou le Black symphonique, sans jamais diluer la part de violence de leur Black vindicatif, bien sûr, False ne réinvente rien dans le Black, mais parvient à y insuffler une certaine fraîcheur en variant les atmosphères et en jouant avec les codes d'autres genres, et de la même manière, chaque morceau propose une réelle emphase et un sentiment de grandeur glaciale, et l'on pourrait presque qualifier ça d'épique par moment.
Malgré les nombreuses bifurcations atmosphériques, False ne baisse jamais de régime, l'album ne contient aucun fillers ou moments un peu trop longuet, False maîtrise le dosage avec un certain brio, la tension est constante, l'album est menaçant, contemplatif, un peu dissonant, émotionnel, un black hybride ancré dans le USBM qui prend quelques libertés par moment sans jamais sortir de la route, on a affaire à un excellent premier album, et comme c'est un coup de cœur, je vais même le surnoter un peu, parce que je suis sympa, et c'est tellement bien foutu que ça le vaut bien.