Je n'avais pas particulièrement accroché au premier album des parisiens d'Idensity, pourtant, Serenity avait quelque chose en plus qui le distinguait de la masse des groupes de MeloDeath, un certain penchant pour le progressif et les atmosphères sombres et romantiques notamment, l'album était une autoproduction un peu brute de décoffrage, dont le côté un peu raw peinait à rendre justice à la musique racée et classieuse du groupe, et malgré quelques longueurs et une tambouille pas toujours très équilibrée, Idensity démontrait pas mal de compétences et une personnalité qui ne demandait qu'à s'affirmer, Serenity était en quelque sorte un diamant brut, plein de promesses.
A peine deux ans plus tard, Idensity est de retour bien décidé à en découdre et à passer la vitesse supérieure, les parisiens se sont donnés les moyens de leurs ambitions, avec notamment un mix signé du légendaire producteur stakhanoviste Dan Swanö, mais pas seulement, musicalement Chronicles est d'un tout autre niveau par rapport à son prédécesseur, plus travaillé, plus puissant, plus riche, faisant passer Serenity pour un simple brouillon...
Idensity a donc décidé qu'il serait surement une bonne idée de gommer les défauts de son premier effort et d'insister sur ses points forts, en voilà une sage décision, et Chronicles et l'album du plus, plus de prog, plus d'orchestrations, plus d'atmosphères, le tout sans pour autant sacrifier la puissance du Death Metal, une formule qui n'est pas fondamentalement différente de Serenity, mais une formule affinée, fouillée, afin de proposer une tambouille bien plus chiadée et racée, et bien entendu plus équilibré, car si comme moi les soli un peu trop démonstratifs de Serenity vous avaient un peu gavé, vous serez heureux d'apprendre qu'ils se font beaucoup plus discrets, toujours aussi techniques, mais bien mieux intégrés et utilisés qu'auparavant, car il fallait faire de la place pour la super bonne idée qu'à eu Idensity, une emphase bien plus importante sur le violon de Mayline Gautié, c'est bien simple, il y en a partout, et le violon contribue a donner au groupe une réelle identité en rendant sa musique facilement identifiable, d'ailleurs on ne peut plus vraiment parler de Death mélodique avec Chronicles, pour simplifier, on a ici affaire à du Death progressif ethnique symphonique, avec un certain sens du clair obscur, la brutalité du Death étant bien mieux canalisée, le groupe va prendre tout son temps pour développer ses atmosphères, donnant à chaque titre une coloration différente et une personnalité propre.
Un contenu riche et fouillé afin de coller au concept, car il y en a un sur Chronicles, et ce n'est pas vraiment très gai car l'album "explore les croyances et les mythes sur la Fin de la vie sur Terre, appréhendés par les civilisations anciennes et actuelles", tout un programme, et les onze titres forment donc un voyage multiculturel, multiethnique et œcuménique sur les hommes confrontés à leur propre disparation, c'est sympa non? on se croirait sur Arte ou dans les programmes religieux du dimanche matin.
Le concept est ambitieux, la musique l'est également, car Idensity va envoyer du lourd et du grandiose pendant une petite heure où l'on ne va jamais s'emmerder une seule seconde, mieux, bien que l'ensemble soit très riche, l'album reste très accessible et relativement catchy malgré de longs passages atmosphériques, les refrains en chant clair aident beaucoup sur ce point-là, même si ce chant est assez bizarre à la première écoute, on s'y fait très vite, vocalement l'album est excellent, et Idensity joue la carte de l'alternance avec un chanteur très versatile, le growl est souvent profond, avec parfois des intonations Black pas désagréables, le chant clair est donc bizarre mais colle admirablement au son du groupe, et on a même droit à un tout petit de chant féminin, ce qui ne gâche rien, avec son chant très varié, son violon omniprésent et ses arrangements symphoniques, Idensity parvient ici à proposer une véritable dramaturgie sur chacun des titres, avec talent, émotion et intensité, ceci sans oublier son Death en route, et c'est du côté de la Grèce qu'il faut chercher les influences d'Idensity, car Chronicles se rapproche pas mal d'un Septic Flesh et de son Great Mass, de part l'utilisation conséquente d'orchestrations, de la même manière les français ont pas mal de points communs avec la scène Melodeath ethnique Hellène, Nightfall en tête, surtout les deux derniers albums des grecs.
Malgré tout, ce ne sont que des références de chroniqueur qui aime bien cataloguer, car Idensity a désormais une identité bien plus affirmée, pour un groupe qui fait preuve d'une surprenante maturité pour ce qui n'est qu'un second album, tant les compositions sont riches et travaillées.
Pour donner le ton, Idensity entame Chronicles avec un grandiloquence et des orchestrations qui pètent, quasiment de manière cinématographique, le rythme martial couplé aux orchestrations fait bien sûr penser à du Septic Flesh, le titre ressemble à une introduction sympho qui devient rapidement un vrai titre, d'ailleurs les longues introductions seront récurrentes sur pas mal de titres, le chant clair tout à fait maîtrisé intervient au bon moment, de même que la superbe intervention au violon qui amène un solo de guitare dans la continuité, l'ensemble est fluide, grandiose, et avec Over the Abyss le groupe va appuyé sur l'accélérateur pour un titre qui suinte le Death Metal, mais un Death classe, chiadé, précis, qui laisse la place dès que le besoin s'en fait sentir à un longs passages atmosphériques où le violon y est naturellement dominant et pleinement intégré, et ce n'est que le début, car avec Sekhmet, Idensity met encore la barre un cran au dessus en terme d'intensité et d'émotion, l'intro est inquiétante avec ses vocalises d'opéra sur fond de piano fantomatique, et l'on passe ensuite par du bon gros Melodeath ultra heavy où rayonne une mélodie au violon du plus bel effet, c'est lourd, menaçant, délicieusement abrasif, pour un titre qui va monter en émotion avec un final plus atmosphérique en chant clair, bluffant tout ça.
Idensity prend vraiment le temps de poser ses ambiances, c'est le cas sur un Mòfa instrumental propice à le méditation qui traite du bouddhisme, ou encore cet excellent Maddhi's Arrival qui propose une ambiance arabisante que n'aurait pas renié un Arkan de part ses orchestrations et ses percussions ethniques, Typhon est un titre très planant, d'obédience progressive avec une utilisation prononcée du chant clair, un titre qui alterne avec des passages heavy et lourd comme il faut, et malgré sa dimension plus atmosphérique, Chronicles propose son quota de passages Death le plus noir et abrasif, avec notamment un Antikristos dont le riff d'introduction est d'une incroyable lourdeur, et rappellera Morbid Angel, la chanson évoluera d'ailleurs vers un riff plus saccadé, un peu Thrash, qui rentre dans le lard, une violence contrebalancée par une délicate mélodie aux violons, des chœurs et des arrangements discrets qui permettent de donner une titre une profondeur supplémentaire, l'album ne connait pas vraiment de baisse de régime, The Seven Seals est une bonne petite chanson, seulement un peu trop classique et prévisible, de même que Mantra, même si le final atmosphérico-ethnique est sympa, ou encore un Annunaki dont le chant m’énerve un peu, de même que des transitions un peu trop abruptes, ce ne sont que quelques détails et quelques errements, et heureusement, l'album se conclue de fort belle manière avec le grandiose Loki, le titre est soutenu par une batterie qui tabasse avec une certaine finesse et des orchestrations over the top, c'est lourd, ultra violent par moment, à la frontière du Black symphonique, épique, avec énormément de changements de rythmes et d'atmosphères, tout en restant cohérent et fluide, il se passe vraiment beaucoup de chose pour un titre de moins de 5'30, le chant clair est là aussi maîtrisé, et me rappelle par moment le chant clair de S.U.P, ce qui est loind 'être déplaisant...
Chronicles est le genre d'album qui fait plaisir à entendre, surtout de la part d'un groupe français, car Idensity a bien bossé son affaire pour nous proposer une musique aussi ambitieuse et riche que son concept, la violence du Death est canalisée mais toujours aussi efficace, les orchestrations sont gigantesques, le violon n'est pas du tout un gadget et est désormais partie intégrante du son du groupe, contribuant à son identité, techniquement, tout ça est irréprochable, le growl est plutôt bon, assez classique malgré tout, et même si le chant clair est un peu bizarre, on s'y fait très vite et il colle parfaitement au style pratiqué ici, le son est très clair, rendant justice à chaque instrument, équilibré aussi, car malgré l'avalanche d'arrangements orchestraux, ils ne prennent jamais trop de place, des orchestrations souvent discrètes qui surgissent régulièrement afin de souligner un passage plus dramatique, on regrettera juste un son de batterie un peu trop synthétique, ce qui est récurrent actuellement.
Chronicles est un album ambitieux, bande originale d'un film d'aventure épique divisée en onze chapitres tous aussi prenant les uns que les autres, de la classe, de l'émotion, de l'intensité, et un certain sens de la dramaturgie et du romantisme, Idensity vient de livrer un sacré candidat au titre d'album français de l'année, de quoi passer la vitesse supérieure, et il ne tient qu'à vous de soutenir l'aventure, ils le valent bien...
(Site officiel: http://www.idensity-metal.com/)
Ethno-Death Prog Épique Symphonique
Track Listing:
1. Chronicles
2. Over the Abyss
3. Sekhmet
4. Mòfa
5. The Seven Seals
6. Antikhristos
7. Typhon
8. Maddhi's Arrival
9. Annunaki
10. Mantra
11. Loki