mardi 10 juillet 2012

[Chronique] Miseration - Tragedy Has Spoken


Depuis qu'il a quitté Scar Symmetry, le groupe qui l'a fait connaitre, en 2008, Christian Alvestam, le vocaliste Stakhanoviste suédois, ne chôme pas et accumule les sorties avec ses différents groupes, en plus de participations diverses a des projets plus ou moins underground.
Le bonhomme oeuvre donc dans quatre projets principaux, The Few Aganinst Many, Torchbearer, Solution.45, et donc, ce qui nous intéresse ici, Miseration, chaque groupe ayant un point commun, une inflexion plus ou moins prononcée pour la musique extrême, une orientation en tout cas beaucoup plus brutale par rapport à ce qu'il faisait au sein de Scar Symmetry (Et peut-être aussi une des explications à son départ du groupe après un Holographic Universe ultra mélodique et mou de genou).
Bref, on ne va pas tourner autour du pot, ce nouveau Miseration, Tragedy Has Spoken, continue sur cette voie de la radicalisation, avec une véritable décharge brutale de Death Metal, avec certes de la qualité, mais malheureusement pas mal de défauts...

Christian Alvestam, en véritable junky du brutal death, ne sort jamais sans son dealer de riffs attitré, c'est donc sans surprises que le fidèle Jani Stefanovic est de nouveau de la partie (Tout le temps dispo, sauf le dimanche, y'a messe...), mais avec un gros changement, le son du groupe évolue (certes moins abruptement qu'entre le somme toute assez mélodique Your Demones-Their Angels et le déjà plus bourrin The Mirroring Shadow), cette fois-ci, ce sont des guitares huit cordes qui sont utilisées, donnant à l'ensemble un son assez spécial, mais on y reviendra, et ajoutons à cela l'utilisation d'instrumentations bizarres à base d'instruments exotiques, mais heureusement à très faible dose, car profondément mal utilisés ici.
Alvestam ayant remisé ses aspirations mélodiques et son chant clair chez Solution.45 (d'ailleurs, si vous aimez les deux premiers Scar Symmetry, je vous recommande son For Aeons Past sorti en 2010), Miseration poursuit donc sur la voie de la radicalisation sonore, en poussant encore plus loin dans la brutalité et la destruction, autrement dit, les refrains pop catchy qui sont une des spécialités du bonhomme ne sont pas de la partie ici, c'est l'autre facette de sa voix qui est mise à l'honneur, avec du growl guttural d'ours des cavernes, un genre qu'il maîtrise d'ailleurs tout aussi bien.
Tragedy Has Spoken n'est pas vraiment votre album de Brutal Death commun, direct qui va droit au but, non, c'est différent, la musique de Miseration, certes ultra brutale, se fait ici plus chaotique que jamais, le groupe ayant complexifié sa musique à l'extrême, mais dans le mauvais sens du terme, car l'ensemble se révèle assez difficile à suivre, épuisant, et sonne surtout bordelique, la faute à ce fameux son de guitare, des huit cordes tellement sous accordées qu'elles ont parfois tendance à disparaître dans les structures des morceaux, on se retrouve souvent à écouter du growl et de la batterie avec en fond sonore un véritable magma sonore de basse et de riffs dissonants, pour un résultat parfois inaudible, surement un parti-pris assumé, mais vraiment pas une franche réussite au niveau du rendu pour l'auditeur qui se retrouve perdu dans ce dédale et cet enchevêtrement de riffs chaotique.
Les atmosphères sont donc assez bizarres, surtout qu'elles sont parfois renforcées par l'utilisations d'instruments exotiques (une espèce de violon indien, scie musicale, ou moins exotique, du piano) comme sur Ghost Barrier et son break déstructuré, le problème étant qu'ils semblent utilisés un peu à l'arrache, quelques touches qui se baladent par-ci par-là, sans véritablement de cohérence, surprenant certes, mais qui ne fait que renforcé le côté bordelique de l'album.
Un mot également sur la batterie, il parait qu'il y a un vrai batteur humain qui joue sur ce disque, et bien on ne dirait pas, tant ses blast beats sonnent synthétiques, c'est d'ailleurs la production habituelle des albums d'Alvestam, sans âme et sans feeling, pas vraiment le point fort de ses albums.
Après, bien sûr, tout n'est pas si noir que ça, le disque a d'ailleurs les qualités de ses défauts, en effet, les structures chaotiques fonctionnent parfois à plein régime, même s'il faut faire un réel effort pour s'en rendre compte et fouiller dans ce maelström sonore, Ghost Barrier, justement, avec une accélération ultra brutale après le break chelou, le sauvage et malsain titre d'ouverture, Stepping Stone Agenda, ou encore le "je te déchire à coups de riffs dans gueule" avec White Light / Black Rain.
Les moments mélodiques ne sont vraiment pas légion, le piano de Ciniphes peut-être, mais surtout On Wings of Brimstone, sur lequel Alvestam n'a pas pu s'empêcher de nous sortir un refrain en chant clair, il est d'ailleurs à noter que même en mode homme des cavernes, le chant du gaillard évite la linéarité, alternant entre son growl caverneux et son chant plus écorché, un travail très soigné, mais c'est une habitude.
Un autre reproche découle de cette relative absence de mélodies, c'est ce côté étouffant et épuisant de la musique du groupe, sans espace pour respirer, on est assez rapidement assommé par ce déluge sonore écrasant et dévastateur, malheureusement sans moments accrocheurs, à la fin du disque, on se demande encore ce que l'on vient d'écouter, une tornade de riffs bourrins intriqués et une avalanche de blasts en tout genre, un jusqu'au-boutisme sonore extrême qui ne laisse pas vraiment un souvenir impérissable...

En conclusion, malgré une musique carrée et complexe, pas sûr qu'on se souvienne longtemps de cet épuisant Tragedy Has Spoken, ce qu'il gagne en complexité et en atmosphères glauques, Miseration le perd quelque peu en efficacité brute, on se perd dans ce labyrinthe de riffs et dans cette brutalité assommante, et au final on ne retient pas grand chose, l'ensemble sonne vraiment trop bordélique (avec une production qui n'aide pas du tout), le groupe donnant un peu l'impression de vouloir trop en faire, on ressort de ces 42 minutes de brutalité épuisé et groggy, sans vraiment avoir envie de ré-appuyer sur play...

Dévastateur, mais épuisant...
3 / 5